Test Blu-ray : L’été de Kikujiro

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1917

L’été de Kikujiro

 
Japon : 1999
Titre original : Kikujiro no natsu
Réalisation : Takeshi Kitano
Scénario : Takeshi Kitano
Acteurs : Takeshi Kitano, Yusuke Sekiguchi, Kayoko Kishimoto
Éditeur : La Rabbia
Durée : 2h02
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 20 octobre 1999
Date de sortie DVD/BR : 4 avril 2018

 

 

Masao s’ennuie. Les vacances scolaires sont là. Ses amis sont partis. Il habite Tokyo avec sa grand-mère dont le travail occupe les journées. Grâce à une amie de la vieille femme, Masao rencontre Kikujiro, un Yakuza vieillissant, qui décide de l’accompagner à la recherche de sa mère qu’il ne connait pas. C’est le début d’un été pas comme les autres…

 

 

Le film

[4/5]

Au début des années 90, les regards cinéphiles des amateurs de cinéma de genre se sont largement tournés vers l’Asie, en partie peut-être par l’entremise de Quentin Tarantino qui égrenait volontiers ses influences à qui voulait l’écouter. Cet intérêt subit pour les pays d’Asie a mené à la découverte tardive des cinémas de John Woo et Tsui Hark pour Hong Kong, mais aussi à celle de cinéastes tels que Shinya Tsukamoto et « Beat » Takeshi Kitano pour le Japon.

Le talent de Takeshi Kitano a donc explosé à la face du monde avec Sonatine, tourné en 1993, qui narrait sur un mode hilare et contemplatif les tribulations d’un gang de yakuzas mené par le cinéaste en personne, qui se mettait lui-même en scène. Mis sous le feu des projecteurs à partir de ce film, acclamé par la critique internationale, il obtiendrait en 1997 le prestigieux Lion d’or lors de la Mostra de Venise avec Hana-bi. Et fatalement, le cinéaste japonais se verrait attendu au tournant pour son film suivant… Comment en effet passer « après » un film tel que Hana-bi, puissant et authentique chef d’œuvre ? Comment renouveler l’émotion et l’impact dévastateur du film précédent, sans décevoir le public outre mesure ?

Avec L’été de Kikujiro, Takeshi Kitano semble répondre au spectateur par une pirouette : abandonnant sciemment les thématiques du deuil et de la vengeance (de même que les éclairs d’ultra-violence) qui illuminaient son film précédent, Kitano opère ici un revirement total, un retour aux sources qui nous emmène, le temps d’un été, aux côtés d’un jeune garçon et d’un « tonton » yakuza, l’un comme l’autre étant en quête d’une famille. Le cinéaste japonais s’en expliquait d’ailleurs : « Après Hana-bi, j’ai eu le sentiment que mon cinéma commençait à être étiqueté : « Yakuza, violence, vie et mort ». Je ne parvenais plus à m’identifier complètement à mes films. J’ai donc décidé de réaliser un film différent, qui surprendrait tout le monde. Pour être totalement honnête, L’été de Kikujiro n’appartient pas à un genre qui m’est familier. Mais j’aimais l’idée de me confronter à cette histoire classique et de me l’approprier, c’est un pari qui m’intéressait. Dans cette perspective, j’ai essayé d’imaginer et d’expérimenter de nouvelles formes d’images. Je pense qu’à l’arrivée le film est un peu étrange et qu’il porte ma marque de fabrique. J’espère pouvoir trahir agréablement les attentes du public encore longtemps. »

Et contre toute attente, à travers ce road-movie sentimental évitant avec brio toute mièvrerie ou excès de pathos, L’été de Kikujiro ramènera le spectateur familier de l’œuvre de Kitano aux côtés des yakuzas désœuvrés de Sonatine, de leurs jeux burlesques afin de tuer le temps et des liens d’amitié se créant entre eux au fil d’un été prenant des airs de grandes vacances volontiers absurdes et surréalistes. Soutenu par la mélodie entêtante et mélancolique de Joe Hisaishi, L’été de Kikujiro joue la carte de la candeur, du film récréatif au cœur duquel le cinéaste impose sa « patte » si particulière, faite d’éclairs de cruauté et d’humour non-sensique. Alors bien sûr, certains spectateurs ne pourront masquer leur déception devant cet « après Hana-bi » déroutant et recyclant des recettes du passé, mais le temps a fait son office, et presque vingt ans après sa sortie, L’été de Kikujiro s’offre finalement une meilleure note cumulée sur le site de référence IMDb, avec un solide 7,9/10 quand Hana-bi culmine « seulement » à 7,8/10.

 

 

Le coffret Blu-ray + DVD

[5/5]

Grâces soient rendues à La rabbia, qui permettra au cinéphile français de redécouvrir trois films majeurs de l’œuvre de Takeshi Kitano en 2018 ! Trois de ses films sortiront en effet cette année dans de prestigieuses éditions Combo Blu-ray + DVD, dans des présentations on ne peut plus classieuses puisque les films nous arriveront tous trois sous la forme de digibooks, comprenant à chaque fois également un livret consacré au film. La rabbia a donc fait les choses en grand : c’est L’été de Kikujiro qui ouvrira le bal le 4 avril, et sera suivi par Hana-bi le 6 juin, puis par Kids return le 4 juillet 2018.

Côté galette Blu-ray, L’été de Kikujiro affiche une belle forme, avec un master restauré ne présentant pas de souci particulier : les couleurs sont éclatantes et saturées, la définition ne pose pas le moindre problème et le niveau de détail ne faiblit jamais malgré un grain argentique scrupuleusement préservé : c’est du très beau travail. Si les « puristes » évoqueront peut-être un léger manque de « piqué », on arguera que ce dernier est probablement inhérent aux conditions de tournage du film. Côté son, VF et VO sont proposées dans des mixages DTS-HD Master Audio 2.0 au rendu sonore clair et net, privilégiant tout comme le film largement les ambiances à un dynamisme trop agressif. On privilégiera cela dit très nettement la version originale japonaise au doublage français, artistiquement moins convaincant. En deux mots comme en cent, L’été de Kikujiro bénéficie grâce à La rabbia d’une présentation optimale pour son arrivée sur support Haute Définition.

Du côté des suppléments, outre la traditionnelle bande-annonce du film, le Blu-ray de L’été de Kikujiro s’accompagnera d’un entretien avec Takeshi Kitano déjà disponible sur l’édition DVD du film, disponible depuis 2000 sous les couleurs de TF1 Vidéo. Mais là où La rabbia fait très fort, c’est dans le making of que l’éditeur a été dénicher pour cette édition, et intitulé « Jam Session ». Certes seulement proposé en définition standard, ce documentaire de plus d’une heure et demie reviendra en revanche sur tous les aspects de la production, se révélant parfois même un poil long dans son genre (surtout durant la longue partie suivant les repérages des décors). On appréciera néanmoins d’y découvrir le calme olympien de Kitano, le comportement très déférent de son équipe vis à vis du cinéaste (une attitude probablement très « japonaise »), ou encore la visite surprise du cinéaste Hou Hsiao-hsien durant la post-production du film. Un document rare et assez passionnant !

 

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