Cinélatino 2018 : Mormaço

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Mormaço

Brésil, 2017
Titre original : Mormaço
Réalisatrice : Marina Meliande
Scénario : Felipe Bragança & Marina Meliande
Acteurs : Marina Provenzzano, Sandra Maria, Pedro Gracindo, Analu Prestes
Distribution : –
Durée : 1h34
Genre : Fantastique
Date de sortie : –

Note : 3,5/5

En 2024, les Jeux olympiques auront lieu à Paris. Six ans, cela peut paraître comme une éternité, mais en fait toutes les mauvaises expériences des villes hôtes antérieures incitent d’ores et déjà à un certain degré d’appréhension. En tant que parisien d’adoption, nous nous sentons donc directement concernés par le sujet de Mormaço, ce deuxième long-métrage brésilien, présenté en compétition au Festival Cinélatino, dont il est hélas reparti bredouille, en dépit de ses qualités évidentes. Car la réalisatrice Marina Meliande n’y met pas seulement à contribution le moment historique d’une métropole en pleins préparatifs chaotiques pour accueillir cet événement sportif mondial. Ce sujet brûlant, partie intégrante d’un récit prenant et filmé avec une sensibilité proche du documentaire, débouche sur un volet fantastique plus vaste, plus abstrait aussi, quoique intimement lié à cette topographie urbaine en pleine démolition pendant l’été 2016. Un sens de décrépitude et de chaleur étouffante pèse sur l’intrigue, qui développe alors son propre microclimat poisseux. Il y est de moins en moins question de la survie de communautés populaires anciennes, pour le maintien desquelles le personnage principal s’investit pleinement, quitte à devoir se battre contre les agents condescendants d’une administration acquise au pouvoir de l’argent, et de plus en plus d’un rapport viscéralement individuel à la vie et à la matière bâtie.

Synopsis : Alors que Rio de Janeiro doit prochainement organiser les Jeux olympiques d’été, les chantiers gigantesques déforment irrémédiablement l’aspect de la ville, ainsi que le quotidien de ses habitants. Parmi eux figure Ana, une jeune avocate engagée, qui défend les intérêts de résidents aux revenus modestes, sous la menace d’une expulsion musclée, puisque le village olympique devrait être construit en lieu et place de leurs habitations vétustes. Dans la propre résidence plus luxueuse où habite Ana, les locataires déménagent au fur et à mesure, dans l’attente d’un ample projet hôtelier. L’avocate espère tenir bon sur les deux fronts, en soutenant les derniers irréductibles de sa copropriété qui refusent de quitter leurs appartements et en affrontant directement les instances de la ville et au niveau national, qui ont de plus en plus recours à la force afin de respecter le calendrier des travaux. Cependant, une mystérieuse irritation de la peau préoccupe Ana et cela d’autant plus que son médecin ne peut lui prescrire aucun remède.

Des coups d’épée dans l’eau

Pour quiconque n’adhère pas avec passion à l’idéal olympique, l’organisation tous les quatre ans de jeux démesurés doit s’apparenter à un gaspillage énorme de fonds publics et privés. Afin de servir pendant à peine quelques semaines de vitrine mondiale au sport sous toutes ses formes, soit estivales, soit hivernales, les organisateurs acceptent docilement de cannibaliser le tissu social et historique de leur ville. Ce n’est sans doute pas par hasard que de moins en moins de dignitaires locaux se lancent dans cette course insensée à l’attribution de la compétition olympique, le jeu n’en valant pratiquement jamais la chandelle. Les dernières étapes avant l’imposition définitive de la volonté du CIO sert de cadre propice au commentaire social dans Mormaço. Rio de Janeiro n’y est pas encore la ville hôte exemplaire qu’elle a su être en fin de compte – serait-ce au prix d’un lourd tribut –, mais le décor poussiéreux et bruyant d’une décomposition systématique de ce qui faisait autrefois son âme. Les signes de bouleversements majeurs y sont légion, depuis les engins qui abattent sans scrupules les cloisons jusqu’aux coupures répétitives d’eau et de courant, une arme redoutable dans la guerre psychologique que se livrent sans merci les agents du bien et du mal. Or, la conscience morale de Marina Meliande a beau être fermement ancrée dans la prise de position sociale en faveur des gens défavorisés, privés de leurs droits par le rouleau compresseur de la tyrannie olympique, elle ne fait pas non plus de son film un pamphlet à tendances manichéennes.

Les cafards mourront les derniers

Juste quand l’étau se resserre autour de la cause en fait condamnée d’avance du personnage principal, celui-ci vit sa propre transformation inquiétante à son corps défendant. Au début, rien d’anormal à ce que l’organisme d’Ana réagisse au stress dans sa vie professionnelle et au climat caniculaire avec une réaction de rejet, dont le médecin apprécie encore les symptômes hors normes. La relation naissante avec son voisin et l’architecte au service de l’ennemi, interprété par le craquant Pedro Gracindo, aurait facilement pu rétablir l’équilibre dans son esprit et son corps. Rien d’aussi conventionnel et prévisible que cela dans Mormaço qui prend assez brutalement un tournant vers le fantastique pur et dur. Cette deuxième partie du film se distingue par la même maîtrise narrative que la première, de surcroît enrichie par des contributions techniques des plus convaincantes au niveau du maquillage. Un sentiment d’existences profondément gangrenées se répand alors sur l’ensemble du récit, telle une épidémie étrange dont le lien de cause à effet par rapport aux changements dans la ville saccagée demeure délicatement ambigu. La mise en scène était en si bon chemin de finir haut la main ce mélange astucieux du réel et du fantastique, que le cafouillage du tout dernier plan nous affecte d’autant plus gravement. Alors que l’essentiel a déjà été dit avec adresse, la surenchère dans des effets visuels gratuits y relativise soudainement tout le bien que l’on pouvait penser du film !

Conclusion

C’est aussi cela, le sort d’un juré de festival, d’aimer distinctement un film, mais d’en aimer un autre davantage. Il n’empêche de Mormaço fait indubitablement partie des bonnes surprises découvertes à Toulouse, une œuvre forte et ambitieuse, que nous aurions défendu encore plus ardemment, si sa conclusion ne nous avait pas laissés aussi dubitatifs pour toutes les mauvaises raisons !

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