Flagellations
Royaume-Uni : 1974
Titre original : House of whipcord
Réalisation : Pete Walker
Scénario : David McGillivray, Pete Walker
Acteurs : Penny Irving, Barbara Markham,
Éditeur : Artus Films
Durée : 1h42
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 4 janvier 1984
Date de sortie DVD/BR : 6 mars 2018
Jeune mannequin français vivant à Londres, Anne-Marie se laisse séduire par Mark, qui l’emmène chez ses parents, dans une vieille et grande maison de campagne. Elle comprend bien vite qu’elle n’est qu’une proie de plus, donnée en pâture à Mme Wakehurst, une ancienne directrice de prison pour femmes, et son mari, le juge Bailey. Sous prétexte de rédemption et de lutte contre la dépravation, ces deux pervers assouvissent en fait leur sadisme et leur perversité…
Le film
[3,5/5]
Premier film né de la collaboration entre le réalisateur Pete Walker et le scénariste David McGillivray, Flagellations est un film d’exploitation horrifique aux influences hétérogènes. Refusant clairement le postulat ouvertement « fantastique » sur lequel se basaient nombre de ses contemporains britanniques (que l’on regarde du côté des productions Hammer autant que du cinéma de Norman J. Warren), le film s’ouvre sur deux séquences à l’ambiance trouble et malsaine, durant lesquelles le spectateur ne parvient pas réellement à se faire une idée précise de la direction dans laquelle le cinéaste va l’emmener. Porté par la prestation nimbée de mystère de Robert Tayman (dont la carrière fut fortement marquée par le rôle du Comte Mitterhaus dans Le cirque des vampires en 1972), ce premier quart d’heure fonctionne parfaitement, développant une série de questions dans l’esprit du public autour du personnage de Mark E. Desade : s’agit-il d’un vampire, ou juste d’un sadique manipulateur, comme le laisse suggérer son patronyme ?
Passée cette introduction, le film de Pete Walker prend, et pour les deux tiers du film environ, une tournure très différente, et très éloignée dans son déroulement de toute tentation surnaturelle : celle du film de Women in prison ou WiP, que l’on nomme en France plus communément le « film de prison pour femmes ». Popularisé dès 1971/72 par Gerardo de León, Cirio H. Santiago et Jack Hill avec des films tels que Femmes en cages, The big doll house ou encore The big bird cage, le film de prison pour femmes fera les beaux jours du cinéma d’exploitation durant les années 70 avec ses prisons, ses camps d’internement ou autres camps nazis. Bien sûr, l’intrigue de ces films n’est généralement qu’un prétexte à dénuder de façon régulière l’ensemble du casting féminin, qui subira de plus toutes sortes de mauvais traitements ou tortures de la part de gardiens sadiques : viols, bondages, coups de fouet… Relativement « sobre » dans sa description des tortures et du règlement strict de la prison dans laquelle l’héroïne de Flagellations (Penny Irving) se voit enfermée, le film de Pete Walker n’en demeure pas moins un efficace WiP, placé sous le signe du « whip » donc, la traditionnelle séance de coups de fouet étant délivrée par la matonne sadique Mrs Walker (Sheila Keith) dès la deuxième incartade – la punition réservée au troisième manquement aux règles étant… la pendaison.
Enfin, durant son dernier acte, Flagellations abandonnera on ne peut plus radicalement le personnage incarné par Penny Irving pour se concentrer sur la recherche de la jeune disparue par ses camarades, et leur découverte de la prison. Dans son dernier tiers, le film de Pete Walker prendra ainsi de petits airs de thriller à la Hitchcock période Frenzy (1972) : pas forcément toujours des plus élégants d’un point de vue formel (la photo du film signée Peter Jessop nous réserve néanmoins ponctuellement de très jolis plans en clair-obscur), mais d’une efficacité redoutable, d’autant que le cinéaste sait parfaitement doser ses effets et son rythme, soutenu du premier au tout dernier plan. Une bonne introduction au cinéma de Pete Walker en somme !
On notera que la version française du film sortie dans les salles au début des années 80 présentait quelques coupes et modifications, pour la plupart présentes sur la première bobine : on suppose que les distributeurs avaient dans l’idée d’aller plus rapidement « à l’essentiel », en écourtant nettement tout le début du film. Si certaines des coupes peuvent se comprendre aisément, notamment celles concernant la prononciation du nom du personnage de Robert Tayman (Mark E. Desade / Marquis de Sade), qui fonctionne « à l’anglaise » mais malheureusement pas dans la langue de Molière, d’autres demeurent plus mystérieuses. Pourquoi par exemple avoir modifié le nom « Desade » en « Dessart » ? Le film étant particulièrement explicite sur la nature sadique du personnage et de sa mère incarnée par Barbara Markham, on n’arrive pas à s’expliquer cette modification…
Le Blu-ray
[4,5/5]
Peu connu en France, le cinéma de Pete Walker a aujourd’hui l’insigne honneur de débarquer en vidéo grâce à deux Blu-ray édités par Artus Films, un des noms les plus prestigieux parmi les éditeurs indépendants de l’hexagone. Flagellations s’offre donc un lifting Haute Définition sur galette Blu-ray pour tout dire assez inattendu. Et aussi bien côté image que côté son, le master proposé par l’éditeur est de très bonne tenue ; le film est proposé au format cinéma respecté et encodé en 1080p. Le piqué est d’une belle précision, le grain cinéma est parfaitement préservé, et couleurs et contrastes semblent avoir été tout particulièrement soignés, même si les noirs apparaissent comme un poil bouchés sur quelques plans épars. L’ensemble est donc plus que recommandable, surtout étant donné la force du film. Rien à redire non plus sur le mixage audio, proposé en DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine, clair et sans souffle, en VF ou en VO. Les passages pour lesquels le film ne disposait pas de version française sont automatiquement proposés en VO, avec les indispensables sous-titres français.
Côté suppléments, Artus Films nous propose, outre la traditionnelle bande-annonce du film, une riche et très longue présentation du cinéma de Pete Walker par David Didelot, toujours aussi passionné (et passionnant). Ce dernier remet toute l’œuvre du cinéaste dans le contexte de l’époque, et dressera quelques parallèles tout à fait bienvenus entre les films de Pete Walker et les films horrifiques tournés en Grande Bretagne à la même période : en deux mots comme en cent, en l’espace d’un peu plus d’une heure, Didelot parvient à dresser le portrait incontournable d’un cinéaste rare et précieux, qui mériterait clairement d’être plus connu dans nos contrées.