Le 9 novembre, Elephant Films a eu la très bonne idée de sortir une toute nouvelle vague de Blu-ray / DVD consacrée au studio britannique Hammer Films. Ce sont donc rien de moins que neuf nouveaux films, pour la plupart inédits en France sur galettes numériques, qui viennent grossir les rangs, encore malheureusement trop peu fournis, des représentants des films de la Hammer disponibles en Haute Définition dans l’hexagone : Les maîtresses de Dracula (1960), La nuit du loup-garou (1961), Le spectre du chat (1961), Le fascinant Capitaine Clegg (1962), Le fantôme de l’opéra (1962), Paranoïaque (1963), Le baiser du vampire (1963), Meurtre par procuration (1964) et L’empreinte de Frankenstein (1964).
Une superbe nouvelle donc, même si on attend toujours que les détenteurs des droits des plus grands chefs d’œuvres de la firme britannique (La femme reptile, Hurler de peur, L’invasion des morts-vivants, Le retour de Frankenstein…) se souviennent un jour de l’existence de notre petit pays.
Afin de ne pas vous « étouffer » avec un article imbuvable revenant d’un bloc sur les neuf films de cette nouvelle vague Hammer Films, on a pris le parti de diviser ce long test en deux parties. Vous trouverez la première partie de l’article en cliquant ici ; la deuxième partie se concentrera d’avantage que la première sur des « personnages » mythiques du fantastique, revisités au cours des années 60 par la Hammer, en collaboration avec Universal Pictures.
Les maîtresses de Dracula
Royaume-Uni : 1960
Titre original : The brides of Dracula
Réalisation : Terence Fisher
Scénario : Jimmy Sangster, Peter Bryan, Edward Percy
Acteurs : Peter Cushing, Martita Hunt, Yvonne Monlaur
Éditeur : Elephant Films
Durée : 1h25
Genre : Fantastique, Horreur
Date de sortie cinéma : 21 décembre 1960
Date de sortie DVD/BR : 9 novembre 2017
Marianne a accepté un poste d’institutrice dans un pensionnat pour jeune fille. Alors qu’elle traverse la Transylvanie, son cocher l’abandonne dans un village, où elle trouve refuge dans une auberge. Malgré les mises en garde du propriétaire des lieux, elle accepte l’invitation de la baronne Meinster à passer la nuit dans son château. Heureusement pour elle, le Docteur Van Helsing poursuit dans la région sa chasse aux vampires…
Malgré ce qu’indique son titre afin d’attirer le chaland, Les maîtresses de Dracula (1960) ne met absolument pas en scène le comte vampire imaginé par Bram Stoker, et déjà apparu deux ans auparavant sous les traits de Christopher Lee dans Le cauchemar de Dracula. Les maîtresses de Dracula suit donc les démêlés d’une jeune institutrice incarnée par Yvonne Monlaur aux prises avec le baron Meinster, vampire interprété par David Peel, dont le jeu et le charisme ne tiennent certes pas la comparaison avec ceux de Christopher Lee, mais ce léger détail mis à part, le film de Terence Fisher s’avère un parfait représentant du savoir-faire made in Hammer. Le scénario est très intéressant, les décors et certains plans littéralement somptueux de beauté, le rythme est excellent et le film, porté par la prestation comme toujours impeccable de Peter Cushing, s’avère un petit joyau du genre, faisant partie des nombreux films de la firme anglaise que l’on se plait à revoir et à revoir au fil des années.
La nuit du loup-garou
Royaume-Uni : 1961
Titre original : The curse of the werewolf
Réalisation : Terence Fisher
Scénario : Anthony Hinds
Acteurs : Clifford Evans, Oliver Reed, Yvonne Romain
Éditeur : Elephant Films
Durée : 1h33
Genre : Fantastique, Horreur
Date de sortie cinéma : 4 octobre 1961
Date de sortie DVD/BR : 9 novembre 2017
Espagne. XVIIIème siècle. Fils du sadique baron Siniestro et de la servante sourde et muette dont il a abusé, Leon est adopté par un vieux professeur, Alfredo Carido. Mais en grandissant, le jeune homme a de plus en plus de mal à refréner ses pulsions meurtrière, qui le poussent à commettre des atrocités, au point de se transformer les nuits de pleine lune…
La nuit du loup-garou (1961) est également réalisé par Terence Fisher, qui s’avère probablement le cinéaste le plus brillant et le plus emblématique de l’écurie Hammer. S’ouvrant sur une introduction assez longue mettant en scène, comme Le chien des Baskerville en 1959, les mœurs cruelles d’une aristocratie décadente (ce qui donne mine de rien une légère coloration « sociale » à l’ensemble), le film bifurque par la suite dans le fantastique pur et dur. Néanmoins, Fisher et son scénariste Anthony Hinds prennent le temps de développer le trajet personnel du héros du film, apportant une belle richesse à son background psychologique, ce qui se révélera payant dans la deuxième partie du métrage. Bien sûr, le film reprend la classique « mythologie » du genre héritée du classique de la Universal, mais malgré les passages obligés, Terence Fisher sait faire preuve d’un sens du rythme ne permettant jamais au spectateur de s’ennuyer. Devant la caméra, Oliver Reed apporte sa bestialité naturelle à la créature, qui s’offre par ailleurs un très beau maquillage, presque poétique, réalisé par Roy Ashton. Une belle réussite.
Le fascinant Capitaine Clegg
Royaume-Uni : 1962
Titre original : Captain Clegg
Réalisation : Peter Graham Scott
Scénario : Anthony Hinds
Acteurs : Peter Cushing, Yvonne Romain, Patrick Allen
Éditeur : Elephant Films
Durée : 1h22
Genre : Fantastique, Horreur
Date de sortie cinéma : 28 novembre 1962
Date de sortie DVD/BR : 9 novembre 2017
1772. Le Capitaine Collier et ses soldats marins débarquent dans une petite ville côtière anglaise pour enquêter sur des fantômes des marais, qui sévissent dans la région. Il soupçonne bientôt le sinistre révérant Blyss, de ne pas être étranger à ces apparitions. D’autant que le religieux cache un passé trouble, où il était connu sous le nom de Capitaine Clegg, ancien chef pirate…
Le fascinant Capitaine Clegg (1962) met en scène un personnage peu connu en France, le docteur Syn, héros d’une série de romans signés Russell Thorndike. Ses aventures seraient également adaptées par Disney deux ans plus tard avec la mini-série L’épouvantail : Le justicier des campagnes, mais le film imaginé par les équipes de la Hammer serait bien différent de celui imaginé par la firme aux grandes oreilles. Que l’on soit bien clair : s’il est encore relativement peu connu et réputé chez les cinéphiles français (il était jusqu’à ce jour toujours inédit en DVD en France), le film de Peter Graham Scott est un véritable chef d’œuvre et s’imposera peut-être bien comme le meilleur film de toute cette vague proposée par Elephant Films. La grande force de ce récit fantastique de pirates intégralement tourné sur la terre ferme réside dans son originalité, et dans le fait qu’il réussisse quasiment tout le temps à prendre le spectateur à revers, n’étant jamais tout à fait on où l’attend. Porté par une intrigue formidable, des acteurs au top (un Peter Cushing impérial, secondé par de solides seconds rôles tels qu’Oliver Reed ou Patrick Allen) et une direction artistique à tomber par terre, Le fascinant Capitaine Clegg est un véritable petit trésor oublié de la firme britannique, à voir et à revoir.
Le fantôme de l’opéra
Royaume-Uni : 1962
Titre original : The phantom of the Opera
Réalisation : Terence Fisher
Scénario : Anthony Hinds
Acteurs : Herbert Lom, Heather Sears, Edward de Souza
Éditeur : Elephant Films
Durée : 1h27
Genre : Fantastique, Horreur
Date de sortie cinéma : 23 janvier 1963
Date de sortie DVD/BR : 9 novembre 2017
1900. Une malédiction semble frapper l’Opéra de Londres. Alors que les tragédies se succèdent, la rumeur de la présence d’un mystérieux fantôme orchestrant en coulisse les accidents enfle de plus en plus. Lors d’une première prestigieuse, son existence ne fait plus de doute quand Christine Charles, l’étoile montante de l’Opera, est enlevée par le fantôme. Elle va découvrir les terribles secrets cachés sous le masque couvrant son terrifiant visage…
Avec Le fantôme de l’opéra, Terence Fisher continue donc son exploration des figures mythiques du fantastique développées par la Universal dans la première moitié du vingtième siècle. Du côté du scénario, la principale différence entre cette version et les autres variations autour du mythe du Fantôme de l’opéra se situe dans les motivations du « fantôme », qui agit non plus par amour mais par désir de vengeance. Habile metteur en scène, Terence Fisher sème le trouble dans l’esprit du spectateur avec un jeu constant sur les plongées / contre-plongées, donnant par moments presque l’impression au spectateur d’assister lui-même à une représentation à l’opéra – une mise en abime particulièrement fine, et encore renforcée de nos jours par des décors et incrustations forcément un poil datées. Néanmoins et comme toujours avec les films de la Hammer, le charme opère à plein régime, le film étant en partie porté par le charisme d’Herbert Lom dans la peau du fantôme, et de l’autre par ses décors gothiques, sublimes et ambitieux. Particulièrement bien rythmé, Le fantôme de l’opéra déroule son intrigue sans le moindre temps mort jusqu’à un acte final littéralement incroyable – est-il utile de dire qu’il s’agit là d’une nouvelle réussite absolue de la part de Terence Fisher ?
L’empreinte de Frankenstein
Royaume-Uni : 1964
Titre original : The evil of Frankenstein
Réalisation : Freddie Francis
Scénario : Anthony Hinds
Acteurs : Peter Cushing, Peter Woodthorpe, Duncan Lamont
Éditeur : Elephant Films
Durée : 1h24
Genre : Fantastique, Horreur
Date de sortie cinéma : 31 mars 1965
Date de sortie DVD/BR : 9 novembre 2017
Réfugié dans un laboratoire de campagne avec son assistant Hans, le Baron Frankenstein poursuit ses expériences avant d’être de nouveau chassé du village où ils ont trouvé refuge par un prêtre ayant découvert les agissement peu orthodoxes du scientifique. De retour au château familial de Karldstadt, ils vont tenter de faire revivre la créature, conservée dans la glace…
Si beaucoup de films de la Hammer avaient pris le parti de revisiter, voire carrément de « réinventer » l’esthétique des classiques des Universal Monsters auxquels ils s’attaquaient, L’empreinte de Frankenstein marque en revanche un « retour » à un certain classicisme formel. Ne serait-ce que dans le « look » de la créature, beaucoup plus proche du Frankenstein campé par Boris Karloff en 1931 que de celle incarnée par Christopher Lee dans Frankenstein s’est échappé (1957), le film de Freddie Francis joue clairement la carte de la « filiation » avec les nombreux films de Frankenstein produits par Universal entre 1931 et 1951. Pour autant, L’empreinte de Frankenstein n’est en rien synonyme de « régression » pour le studio Hammer, qui livre en fait avec cette variation sur le mythe un excellent film gothique, certes sans surprise, mais indéniablement soigné, et visuellement somptueux. Le film de Freddie Francis « recycle » ainsi plusieurs décors et autres matte-paintings déjà vues dans d’autres films du studio les années précédentes, Peter Cushing nous livre une prestation certes intense mais aux légers relents de réchauffé… De petites faiblesses qui n’entament en rien l’aura d’un film éminemment sympathique et o combien fréquentable !
Les Blu-ray
Les cinéphiles les plus impatients et consommateurs de Blu-ray « Import » s’étaient peut-être laissés tenter par le coffret Hammer Horror 8-Film Collection sorti en septembre 2016 sous les couleurs d’Universal aux États-Unis, en se disant que les huit films réunis par l’éditeur américain n’étaient pas là de sortir de sitôt en France. « Monumentale erreur » comme le disait Jack Slater, car Elephant Films nous propose depuis le début du mois de découvrir les huit films en question sur format Blu-ray, et ajoute même à cette belle série un long-métrage supplémentaire au format DVD. Ce qui nous fait donc neuf films made in Hammer à voir et revoir : Les maîtresses de Dracula (1960), La nuit du loup-garou (1961), Le spectre du chat (1961), Le fascinant Capitaine Clegg (1962), Le fantôme de l’opéra (1962), Paranoïaque (1963), Le baiser du vampire (1963), Meurtre par procuration (1964) et L’empreinte de Frankenstein (1964).
Elephant Films nous propose donc de redécouvrir cette vague de films dans des Blu-ray proposés au format et tous encodés en 1080p. Même si tous n’imposent pas la même classe visuelle et si les masters ne sont pas tous de première jeunesse, dans l’ensemble, l’éditeur livre un très beau travail : l’image est stable, les copies globalement satisfaisantes, même si des taches et autres points blancs demeurent, en particulier sur certains films. Le grain argentique a été préservé, mais se verra plus on moins présent selon les films et les séquences : on soupçonne un léger abus de DNR sur certains longs-métrages, mais rien de rédhibitoire non plus. Il serait laborieux de revenir sur chaque film individuellement : sachez simplement que cette vague proposée par Elephant Films ne vous proposera pas de mauvaises surprises. Côté son, les films sont tous proposés avec des mixages DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine, généralement assez clairs et équilibrés. Mis à part Le spectre du chat, proposé en DVD uniquement et ne disposant pas de version française, tous les films sont également munis de leur VF d’origine, au doublage parfois un poil désuet.
Dans la section suppléments, chaque galette comporte une présentation générale de la Hammer ainsi qu’une présentation de chaque film, les deux étant assurées par Nicolas Stanzick, spécialiste français de la Hammer (Dans les griffes de la Hammer, éditions Bord de l’Eau, 2010), d’une érudition et d’une sympathie à toute épreuve. Et en plus mesdames, il est carrément beau gosse ! On trouvera également sur chaque galette Blu-ray les traditionnelles bandes-annonces et galeries photo. On notera également la présence sur la galette des Maîtresses de Dracula un très intéressant entretien avec Yvonne Monlaur, héroïne du film, qui évoque son expérience sur le film ainsi que la réception dans la presse française à travers un deuxième sujet où elle s’exprime sur la revue Midi Minuit Fantastique.
En deux mots, Elephant Films nous propose ici une véritable valeur éditoriale supplémentaire (présence des VF, bonus passionnants…) par rapport au coffret américain de chez Universal – voilà qui devrait faire enrager ceux qui auront investi dans ledit coffret l’année dernière !