Les Arcs 2017 : Ni juge ni soumise

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Ni juge ni soumise

France, Belgique, 2017
Titre original : –
Réalisateurs : Jean Libon et Yves Hinant
Scénario : Jean Libon et Yves Hinant
Distribution : ARP Sélection
Durée : 1h39
Genre : Documentaire
Date de sortie : 7 février 2018

Note : 3/5

Elle roule en 2CV. Elle n’a pas la langue dans sa poche. Et elle a une conception assez libre de la pratique de la justice. En fait, c’est une femme excentrique hors pair qui se trouve au centre du documentaire parfois hilarant, parfois écœurant Ni juge ni soumise, présenté au dernier Festival des Arcs. Inspiré par la recette à succès de son émission « Strip-tease », Jean Libon et son co-réalisateur Yves Hinant y suivent la juge d’instruction bruxelloise Anne Gruwez dans son quotidien professionnel sans fard. Même si la reprise d’une enquête vieille de vingt ans autour du meurtre de deux prostituées y sert de fil rouge, la véritable vedette de ce portrait au vitriol est sans conteste cette juge pour le moins atypique, qui distribue avec la même générosité des bonbons et des remarques assassines. Car il s’agit indubitablement d’une femme de cœur et de caractère : elle ne se laisse intimider par personne – surtout pas par de petites frappes voulant se soustraire au prélèvement d’ADN – et elle a simultanément les oreilles grandes ouvertes aux malheurs de ce monde, qui se déversent jour après jour dans son cabinet exigu.

Synopsis : Ce n’est pas du cinéma, c’est pire. Il suffirait de ce résumé officiel, aussi énigmatique qu’exhaustif, pour rendre compte de l’existence d’Anne Gruwez, depuis plus de vingt ans la juge d’instruction la plus redoutable du parquet de Bruxelles. Alors que les destins brisés se succèdent devant ses yeux que plus rien ne peut étonner, elle décide de reprendre l’enquête sur un double meurtre jamais élucidé, qui l’avait marquée au début de son parcours professionnel.

Attention, juge au volant !

Seulement en Belgique est-il envisageable de rencontrer dans la vie réelle un personnage aux traits de Anne Gruwez et à l’accent fort répandu au plat pays qui va avec, afin de faire passer impunément toutes sortes d’énormités ! Au respect solennel qu’est censé inspirer sa fonction, elle oppose un franc-parler et une désinvolture qui font immédiatement voler en éclats notre conception terne des métiers judiciaires. Dans le microcosme des hommes et des femmes de droit, elle est un animal à part, une sorte de guerrière contre la langue de bois et le détachement affectif. C’est principalement sa face professionnelle que nous montre le documentaire malicieux de Jean Libon et Yves Hinant, puisque seule une séquence nous dévoile son côté privé, où elle s’engage dans un monologue absurde avec son animal de compagnie, aussi peu conformiste qu’elle. Sinon, nous la voyons essentiellement œuvrer à sa façon passablement loufoque pour le maintien de l’ordre en Belgique, quitte à exhumer des cadavres d’assassins présumés et à mettre des criminels irrécupérables devant le fait accompli de la responsabilité qu’ils auront à assumer.

Écouter sans broncher

Le hic – que l’on peut considérer soit comme un avantage larvé, soit comme une absence de propos préjudiciable au projet global de Ni juge ni soumise –, c’est que la parole y est donnée au moins autant aux prévenus qu’à la juge iconoclaste. De l’échange entre sa parole irrévérencieuse et le discours beaucoup moins ironique de la part d’une ribambelle de pauvres types, les rejetons d’une société dysfonctionnelle, naît certes une dynamique astucieuse. Cependant, tout le bon sens que la juge Gruwez administre sans compter peine de plus en plus à contre-balancer la face horrible du crime et de la folie, jamais plus terrifiante que lorsque la mère infanticide cherche à justifier son acte barbare par un raisonnement qui fait froid dans le dos. A ce moment-là, la mise en scène très en retrait montre clairement ses limites, laissant alors libre cours à la confrontation directe avec une vision du monde qui, au demeurant, se dispense elle-même de tout commentaire. Dans un tel contexte, des représentants du droit sous sa forme la moins poussiéreuse, comme la juge à qui on ne la raconte pas, ont beau faire preuve d’une doigté résignée, ils doivent finalement se montrer impuissants face à ces manifestations hors de portée du mal absolu.

Conclusion

Le pari du mélange entre la parole rafraîchissante d’une juge pas du tout comme les autres et la dure réalité d’une société en proie autant au déclin des mœurs qu’au crime banalisé a visiblement réussi aux réalisateurs Jean Libon et Yves Hinant dans Ni juge ni soumise ! C’est un documentaire au sein duquel l’aspect divertissant risque de temps en temps de prendre le dessus, tellement Anne Gruwez est un personnage haut en couleur. Mais le rappel à l’ordre ne s’y fait heureusement jamais trop attendre, puisque le prochain malfrat à la philosophie de vie douteuse patiente d’ores et déjà dans l’antichambre de cette Thémis irrésistible.

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