Les Arcs 2017 : La Route sauvage

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La Route sauvage

Royaume-Uni, 2017
Titre original : Lean on Pete
Réalisateur : Andrew Haigh
Scénario : Andrew Haigh, d’après le roman de Willy Vlautin
Acteurs : Charlie Plummer, Travis Fimmel, Steve Buscemi, Chloë Sevigny
Distribution : Ad Vitam
Durée : 2h01
Genre : Drame
Date de sortie : 25 avril 2018

Note : 3/5

Les histoires simples étaient jusqu’à présent le garant de la réussite des films de Andrew Haigh. Et encore, il conviendrait davantage de parler de perfection dans le cadre de ses deux réalisations précédentes, Week-end et 45 ans, qui avaient su nous subjuguer profondément. Comme les bonnes choses doivent hélas tôt ou tard avoir une fin, nous sommes restés beaucoup plus dubitatifs face à son quatrième long-métrage, qui a néanmoins raflé le gros des prix attribués au Festival des Arcs. La Route sauvage est certes un beau récit, empreint de la saisissante contemplation d’un destin à fleur de peau. Mais il s’agit en même temps d’un film qui a trop souvent tendance à s’éparpiller ou en tout cas à égarer notre attention dans un enchaînement d’événements à l’équilibre dramatique plutôt bancal. La relation entre le jeune protagoniste et le cheval en fin de carrière, qui a donné en quelque sorte son titre original au film, apparaît ainsi de plus en plus comme un prétexte, un fil conducteur ténu, afin de brosser le portrait intimiste d’une Amérique pauvre, d’un point de vue social. Bref, autant nous ne doutons ni du savoir-faire du réalisateur, ni de son intention sincère pour évoquer le sort mouvementé d’un adolescent abandonné à lui-même, autant il faudra se rendre à l’évidence qu’Andrew Haigh dispose, lui aussi, d’une part de faillibilité qui était quasiment absente des deux chefs-d’œuvre précités.

Synopsis : Charley Thompson vit seul avec son père. Il trouve par hasard un travail dans une écurie, où il doit s’occuper pour le compte du vieil entraîneur Del Montgomery du transport de ses chevaux aux différents hippodromes dans la région. Quand son père est violemment agressé par le mari d’une de ses maîtresses, Charley emménage en cachette dans l’écurie, auprès du cheval qu’il apprécie le plus, le pur-sang Lean on Pete, dont Del voudrait bien se débarrasser puisqu’il n’est plus le champion des courses.

Ne changez pas de cheval en pleine course

Est-ce le départ vers de nouveaux horizons qui a interrompu net la suite de films sans faille signés Andrew Haigh ? Ce n’est en effet pas exclusivement le changement du degré d’intimité qui pose un léger problème ici. L’ouverture du champ des décors, cantonné jusqu’à présent aux appartements fonctionnels de la classe moyenne britannique, vers les grands espaces de l’Amérique rurale ne coïncide guère, dans La Route sauvage, avec un changement radical du régime narratif. Bien que le film emprunte au moins partiellement au genre du road-movie ses codes du vagabondage et du flottement existentiel, il n’en résulte aucunement un souffle épique, en mesure de maintenir sur la durée la tension dans cette quête illusoire d’un nouveau foyer. La finalité du scénario ajuste en effet à plusieurs reprises son cap : toujours avec le thème fédérateur autour de la recherche de sa place dans un monde d’adultes pour cet adolescent appelé à mûrir précocement en filigrane, soit, mais sans que s’en dégage une quelconque force intérieure – affective, militante ou bien intimiste – qui saurait unifier les parties disparates de l’intrigue. Au contraire, quand le quotidien de Charley paraît avoir retrouvé in extremis un certain équilibre, ce retour au bercail de substitution se solde par cette image par excellence de la fuite qu’est la course à pied à travers un quartier résidentiel, à l’aspect particulièrement anonyme et donc interchangeable.

Je dois filer

Si tant est que le cheminement dans son ensemble nous avait laissés plutôt perplexes, il serait injuste de ne pas apprécier quelques étapes sur cette route de la rédemption impossible. Les qualités indéniables chez le réalisateur, propres à la concentration de la nature humaine en un bref instant, y sont ainsi évidentes, par exemple dans l’établissement d’échanges éphémères entre le protagoniste et les personnages féminins qu’il croise au cours de son périple. Ces moments de vérité courts et incisifs, tels que la conversation autour du lave-vaisselle avec la fille corpulente, malmenée par son père, et l’éveil de l’instinct maternel chez la serveuse qui le sauve des conséquences de sa filouterie alimentaire, nous paraissent alors plus authentiques, voire réalistes dans leur caractère en apparence anodin, que ces relations plus soutenues, censées donner une structure plus ferme à l’histoire. L’interprétation de la part de comédiens confirmés comme Steve Buscemi et Chloë Sevigny ou de la découverte prometteuse qu’est sans l’ombre d’un doute Charlie Plummer a beau ne pas être mise en cause, il n’en demeure pas moins que les liens entre ces personnages majeurs ne deviennent jamais suffisamment forts pour résonner longtemps au sein d’un récit, qui court constamment le risque de s’effiler.

Conclusion

On ne peut hélas qu’être moyennement déçu à la découverte de La Route sauvage, un film certes solide, mais qui n’a plus grand-chose en commun avec les coups de cœur sans modération qu’étaient pour nous les deux films précédents de Andrew Haigh ! Alors que nous admirons la volonté du réalisateur d’aborder un sujet nouveau sur un ton lui aussi en flagrant décalage avec la sensibilité plus européenne de Week-end et de 45 ans, il faudrait tout de même admettre que cette tentative de renouvellement n’est guère couronné d’un succès sans réserve.

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