The Charmer
Danemark, 2017
Titre original : Charmøren
Réalisateur : Milad Alami
Scénario : Ingeborg Topsøe et Milad Alami
Acteurs : Ardalan Esmaili, Soho Rezanejad, Susan Taslimi, Lars Brygmann
Distribution : Météore Films
Durée : 1h40
Genre : Drame de réfugiés
Date de sortie : 25 juillet 2018
Note : 3/5
Le thème à la mode des réfugiés, presque encore plus présent sur le grand écran que dans les actualités télévisées, est traité sous un angle passablement original dans ce premier film danois, présenté en compétition au Festival des Arcs. Il y est certes question de la précarité étouffante, virant parfois au misérabilisme, qui pèse sur le quotidien de ces hommes et de ces femmes, qui tentent par tous les moyens d’atteindre la terre promise européenne et d’y rester. Mais en même temps, The Charmer agence cette nécessité vitale autour d’une activité relativement sordide, au croisement du sexe intéressé et d’une quête d’amour forcenée. Cette descente aux enfers fonctionne, malgré quelques maladresses narratives et grâce à la sensibilité manifeste du personnage principal. Car ce dernier, avec sa dégaine de gendre idéal qui a pourtant l’air si mal dans sa peau, s’intègre parfaitement dans la désormais longue lignée au cinéma contemporain de représentants aussi tristes qu’involontaires de ce fléau de notre époque qu’est la tragédie des réfugiés. A croire qu’ils ne soient nulle part chez eux et qu’ils soient de surcroît seulement désirés dans leur pays d’adoption en tant que simples objets de fantasme exotiques.
Synopsis : Il y a deux ans, Esmail a quitté l’Iran pour tenter sa chance au Danemark. Alors que son permis de séjour est sur le point d’expirer, son seul espoir d’obtenir un sursis auprès des autorités de l’immigration est de trouver une femme danoise, prête à signer un certificat de concubinage. Dans un bar à vins, il essaye ainsi de séduire plusieurs soirs par semaine des convives susceptibles de le sortir de son impasse. Contre toute attente, Esmail y fait la connaissance de Sara, d’origine iranienne mais depuis longtemps installée au Danemark avec sa mère, une chanteuse appréciée par la communauté d’exilés iraniens. Bien que leurs premiers échanges soient tendus, puisque Sara a tout de suite compris le manège de Esmail, ils finissent par se fréquenter régulièrement.
Cagnotte de la soirée : un Persan sous la couette
Il n’y a pas grand-chose de jouissif à signaler dans le premier film du réalisateur Milad Alami. La démystification de la joie de vivre y commence même très tôt, avec ces rapports sexuels qu’on entend hors champ pendant le court générique du début, suivi abruptement par la défenestration de la femme. Pendant que l’explication de cette pièce initiale du puzzle dramatique se fait attendre, nous observons Esmail dans des pratiques ménagères très banales. Celles-ci culminent dans la visite de la demeure luxueuse d’amis, elle aussi en apparence un signe fort de l’intégration de cet homme venu de loin. Sauf qu’une vérité plus sombre se cache derrière cette insouciance : sa compagne danoise se sent assailli par cet inconnu, avec lequel elle partage volontiers une aventure sexuelle, même si dans son cœur, elle a déjà rompu avec lui. Ce genre de situation ponctuera à intervalles réguliers le récit de The Charmer, presque toujours sur le même mode opératoire. Esmail semble avoir ce qu’il faut pour plaire aux femmes, mais la nature peu honorable de ces manœuvres de séduction en fait à peine plus qu’un gigolo à consommer, puis à jeter en mode accéléré. D’un côté, il y aurait de quoi s’indigner sans réserve face à ce type amateur de prostitution, un fruit des rapports de force déséquilibrés entre les partenaires aux calculs diamétralement opposés, si de l’autre, tout au moins un soupçon de mensonge ne persistait dans la démarche désespérée de l’immigré iranien.
Rien que des mensonges
En effet, Esmail affiche une forme de fourberie, qui ne s’inscrit heureusement à aucun moment dans la tradition infecte de la xénophobie, mais qui relève au contraire du dilemme intrinsèquement humain du moindre mal. Dans son for intérieur, le personnage interprété avec un petit air de fragilité touchante par Ardalan Esmaili doit savoir pertinemment qu’il fait fausse route et que, tôt ou tard, son rêve danois touchera à sa fin. Néanmoins, il s’accroche à cette illusion d’un nouveau départ loin de l’Iran, alors que la narration laisse planer le doute avec un peu trop d’insistance, quant aux conditions de vie là-bas qu’il a dû laisser derrière lui. De même, une fois que l’inéluctable est arrivé, la conclusion du film s’apparente au mieux à un bouclage de la boucle, avec tout ce que cela implique en termes de bons sentiments et d’aveux à mi-mots. Auparavant, un propos agréablement nuancé prévaut cependant, qui ne cherche point à forcer le trait dans la description de cette bête de sexe récalcitrante, qui aurait sans doute préféré être l’équivalent persan de Roméo. En lieu et place de quelque notion romantique que ce soit, il y est donc question d’une lutte acharnée pour la survie, dans ses détails et son dénouement guère différente du sort nullement enviable de milliers, voire de millions d’autres individus, qui cherchent la petite faille dans le système, afin de se faire leur place modeste au soleil.
Conclusion
En dépit de son titre, The Charmer n’est pas vraiment un film qui cherche à séduire. Il s’emploie plutôt, par le biais de la mise en scène globalement sobre de Milad Alami, de conter le destin avilissant d’un homme, arrivé en Europe plein de bonnes intentions, qui est désormais sur le point d’être expulsé, c’est-à-dire jeté comme un jouet sexuel ayant trop souvent servi. Tout le rapport malhonnête de la bonne conscience des Européens envers les immigrés se cristallise, hélas d’une façon peu virtuose, dans ce film, qui a au moins l’avantage d’apporter sa pierre à l’édifice de l’ignominie de notre temps.