Les Grands esprits
France, 2017
Titre original : –
Réalisateur : Olivier Ayache-Vidal
Scénario : Olivier Ayache-Vidal
Acteurs : Denis Podalydès, Abdoulaye Diallo, Léa Drucker, Pauline Huruguen
Distribution : Bac Films
Durée : 1h46
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 13 septembre 2017
Note : 2,5/5
La France et ses banlieues : ces zones de non-droit ont une réputation tellement peu flatteuse que le cinéma n’ose s’y aventurer que pour se lamenter bruyamment sur tant d’injustice sociale. En somme, c’est une thématique casse-gueule, puisqu’en près d’un demi-siècle que ces cités ghettos existent, aucun politicien n’a trouvé ni la volonté, ni le courage de changer la donne dans cet environnement de vie pour le moins précaire. Face à cette misère au point mort, oubliée par tous ou – pire encore – ignorée avec la peur née de l’ignorance au ventre, les films qui s’en préoccupent en intervalles réguliers font au mieux œuvre de bonne foi. Les Grands esprits est de ceux-là, une histoire qui aurait pu nous assommer avec ses bons sentiments, mais qui reste au final agréablement sobre pendant cette peine d’un an qu’un professeur, haut défenseur des valeurs intellectuelles et citoyennes, doit purger par sa propre faute dans un lycée de banlieue parisienne. L’accomplissement le plus notable de la part du réalisateur et scénariste Olivier Ayache-Vidal y consiste à éviter les pièges les plus flagrants, grâce à un ton qui reste mesuré en toute circonstance. En somme, il s’agit d’un film à l’image de son acteur principal, Denis Podalydès, qui cache derrière son flegme apparent un cœur en or, tout en évitant à tout prix de faire des vagues.
Synopsis : François Foucault, fils d’un célèbre auteur et professeur émérite au prestigieux lycée Henri IV à Paris, est le premier à reconnaître que la situation de ses collègues dans les établissements en banlieue est déplorable. Quand une responsable de l’éducation nationale le prend au mot et soumet sa proposition indirecte de se faire muter dans un lycée en zone prioritaire à la ministre, il fait tout de suite moins le fier. Ses premiers pas devant une classe de 4ème, dont il sera le professeur principal pendant un an, sont sans surprise des plus difficiles. Mais après un premier trimestre particulièrement peu fructueux, ni pour lui, ni pour ses élèves, François change de tactique et commence à les encourager activement, contrairement à sa notation habituelle sans aucune pitié.
Plus normal que normalien
On ne compte plus les contes édifiants de professeurs parachutés malgré eux dans une classe turbulente, qui ont su y faire des miracles grâce à leur persévérance et des méthodes singulières. Le cinéma hollywoodien est sans conteste champion en la matière, puisque plusieurs générations d’acteurs sont passées à deux doigts de se faire trucider par leurs élèves : de Glenn Ford dans Graine de violence de Richard Brooks et Sidney Poitier dans Les Anges aux poings serrés de James Clavell, jusqu’à Meryl Streep dans La Musique de mon cœur de Wes Craven et Hilary Swank dans Écrire pour exister de Richard LaGravenese, en passant par Michelle Pfeiffer dans Esprits rebelles de John N. Smith et indirectement Tom Berenger dans The Substitute de Robert Mandel, pour ne citer que les cas les plus populaires. Le cinéma français n’est pas en reste, puisque depuis la sortie récente des Grands esprits, rattrapé grâce à la programmation éclectique du Festival d’Albi, Kad Merad avait tenté d’inculquer sans grand succès la pratique du violon à quelques banlieusards récalcitrants, mais bien sûr diablement doués, dans La Mélodie de Rachid Hami. On ne va pas faire ici l’inventaire exhaustif de ce sous-genre plus rompu au consensus qu’à l’inventivité éclatante. Toujours est-il que chaque nouvelle œuvre est forcément appelée à respecter certains codes, dans ce champ de films, qui perpétue avant tout une notion de soumission à l’idéal pédagogique que le professeur, en digne incarnation du poisson hors de l’eau, cherche à implanter coûte que coûte. Dans ce contexte truffé de poncifs, le premier long-métrage du réalisateur s’en sort plutôt honorablement.
Selfie royal et chaussures d’enfant jamais portées
Le premier point de distinction appréciable des Grands esprits est ainsi son refus assez catégorique de cherche à tout prix un héros autour duquel le récit s’élèverait vers les sommets du savoir-faire éducatif. Il y a certes deux personnages principaux, François Foucault d’un côté et son cancre « favori » Seydou de l’autre. Mais il n’y a guère matière à célébrer une quelconque perfection ou même un orgueil infaillible dû à la connaissance, ni dans le premier cas, ni dans le deuxième. Ce professeur issu de la vieille école, dégradé temporairement parce qu’il n’a pas su faire preuve d’égoïsme et de courage, n’en fera pas non plus dans un milieu professionnel où ses méthodes à l’ancienne ne prennent pas vraiment. Quant à son adversaire principal, il est avant tout dépeint comme un adolescent typique, pas bête, mais pas non plus porteur du gène du génie, qui n’attend qu’à être mis en valeur grâce à l’intervention d’un Pygmalion aux lunettes fermement vissées sur le nez. L’apparition sporadique de coups de théâtre ne fait alors quasiment rien pour détourner le récit de la voie de la sobriété doucement militante, sur laquelle il s’était engagée dès le début et à laquelle il reste fidèle en toute modestie jusqu’à la fin. L’indignation, absolument indissociable du genre qui vit au fond de ce que les camps opposés peuvent s’apporter mutuellement pour aller mieux, s’y fait jour sur un ton pas loin de la détente lucide. Afin d’atteindre cette dernière, la vision de ce film nous paraît être une recette moins périlleuse que la consommation d’un space cake, ou de deux, ou de trois, pendant un goûter avant les vacances !
Conclusion
Personne ne devrait crier au chef-d’œuvre face à cette comédie sociale, qui sait bien négocier ses virages plus dramatiques. Il s’agit néanmoins d’un film solide, ni outrancièrement révérencieux à l’égard du mythe du surdoué trop longtemps resté dans l’inculture, ni trop complaisant envers l’élite de l’éducation nationale qui n’est après tout, elle aussi, qu’humaine.