The Miner
Slovénie, 2017
Titre original : Rudar
Réalisateur : Hanna Slak
Scénario : Hanna Slak
Acteurs : Leon Lucev, Marina Redzepovic, Zala Duric Ribic, Tin Marn
Distribution : –
Durée : 1h42
Genre : Drame
Date de sortie : –
Note : 3/5
Située au carrefour des zones d’influence de l’Europe du Sud-Est, la Slovénie a une Histoire plus complexe qu’on ne pourrait le croire. Le troisième long-métrage de la réalisatrice Hanna Slak, présenté en compétition à l’Arras Film Festival, traite sobrement, mais avec une lucidité appréciable, de ces guerres récentes et plus anciennes, qui ont laissé des cicatrices encore vives dans la mémoire collective de ce pays des Balkans. A partir de la précarité professionnelle d’un mineur, qui a certes beaucoup d’expérience, mais dont l’ambition personnelle est soigneusement enfouie pendant la première partie du récit, The Miner tente le grand écart entre le drame intimiste et le lien que celui-ci entretient malgré tout avec des enjeux plus importants. Avec un succès notable, puisque le film maintient en toute circonstance l’équilibre délicat entre d’un côté la commémoration sans excès de solennité des horreurs de la guerre et de l’autre une forme d’héroïsme très discrète. Le protagoniste y avance à visage masqué, non pas pour triompher avec fracas au moment opportun, mais au contraire afin d’exorciser en toute modestie ses propres démons, à travers un coup de main détourné donné aux autres adversaires coriaces des criminels et des monstres.
Synopsis : Le mineur d’origine bosniaque Alija Basic, qui vit et travaille depuis longtemps en Slovénie, attend avec impatience les vacances, lors desquelles il est censé partir avec sa femme et son fils Samir au spa. Alors que la situation est tendue dans son entreprise, où de nombreux collègues ont déjà reçu leur lettre de licenciement, Alija est convoqué par le jeune patron. Avant de liquider complètement la société, ce dernier procède en effet à son inventaire. Il charge donc l’un de ses employés les plus expérimentés d’explorer une vieille mine, à l’arrêt depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Alija exécute cet ordre sans enthousiasme, aussi parce que son patron avare ne lui donne que le stagiaire Tom en tant qu’assistant. Mais quand il découvre des restes humains derrière un mur, son attitude envers cette tâche ingrate change radicalement.
Bonjour et bonne santé
« Zdravo », cette expression slovène qui est employée à la fois comme salut et pour souhaiter bon courage à son interlocuteur, on l’entend avec une régularité étonnante dans The Miner. On serait même tenté d’y voir un symbole linguistique pour le film dans son ensemble, à travers cette ouverture au monde entièrement feinte, qui cache en fait une préférence assez malsaine pour l’oubli. Tout comme cela n’engage à strictement rien d’employer ce terme de bienvenue dans un échange cordial, le mineur du titre aurait aisément pu s’en tenir au sens exact de sa mission, voire à sa vocation économique perverse de démanteler dans les règles une entreprise frappée par la crise. C’est dans l’illustration de cette contradiction, de s’opposer au système en place, ainsi qu’à ses rouages apparemment indolores car généreusement graissés par le pouvoir en place, alors que l’on n’a rien à y gagner, que la mise en scène de Hanna Slak s’avère la plus probante. Son but est moins de raviver de façon approximative la légende du duel déséquilibré de David contre Goliath, mais plutôt d’indiquer subtilement l’ambiguïté existentielle à partir de laquelle chacun d’entre nous opère ses choix, anodins ou au contraire lourds de conséquences.
Une vie d’obéissance
Au cœur de ce dilemme doucement philosophique se situe un homme des plus ordinaires : Alija est l’homme effacé par excellence, un exécutant sans histoires qui accumule ses propres souvenirs douloureux en son for intérieur, au lieu d’oser se révolter contre sa condition de vie de subalterne. En tant que porte-parole des opprimés, on aurait certainement pu s’imaginer un personnage plus valeureux et éclatant. Or, c’est précisément grâce à sa nature de larbin assumé, qui pose des questions mais qui s’écrase dès qu’il voit qu’elles mènent dans l’impasse du conflit, que ce père de famille semble prédestiné à porter l’étendard des victimes réelles d’une tragédie plus crue que son quotidien assurément terne. Cette révolte à longue haleine, Alija l’effectue avec un stoïcisme et une détermination sourde, qui doivent beaucoup au jeu tout en finesse de Leon Lucev, à l’image de Boris Cavazza – en quelque sorte le pendant adriatique de Jacques Weber – dans le rôle pas moins habilement noble du vieillard, qui mène une lutte encore plus ancienne contre l’effacement des crimes contre l’humanité. Que ces deux valeureux compagnons de cause arrivent en fin de compte à très peu faire évoluer les choses dans la Slovénie d’aujourd’hui, à l’exception d’un effet d’annonce dans les actualités, vite supplanté par la version officielle toujours assez loin de la vérité, compte de même parmi les qualités de ce film, ferme dans son propos, quoique guère enclin aux figures de style tape-à-l’œil.
Conclusion
Un début de compétition réussi pour cette 18ème édition de l’Arras Film Festival ! The Miner s’inscrit en effet dans la tradition d’un cinéma européen qui sait traiter de sujets d’intérêt général, tout en restant fidèle aux spécificités du pays producteur. Les personnages y paraissent être pris dans un mouvement de fuite mesuré, vers le pays voisin, la ville ou l’Australie, alors que la moral de l’intrigue insiste sur l’impossibilité de se soustraire à ses responsabilités, de frère, de père ou tout simplement d’employé appelé à regarder plus loin que le bout de son nez.