Un tueur dans la foule
États-Unis : 1976
Titre original : Two-minute warning
Réalisateur : Larry Peerce
Scénario : Edward Hume
Acteurs : Charlton Heston, John Cassavetes, Martin Balsam
Éditeur : Elephant Films
Durée : 1h55
Genre : Thriller
Date de sortie cinéma : 6 avril 1977
Date de sortie DVD/BR : 5 septembre 2017
Plus de 90.000 spectateurs sont rassemblés au Memorial Coliseum à Los Angeles, pour assister à une finale de football américain historique : même le Président des États-Unis est là ! Personne ne se doute qu’un tireur s’est embusqué derrière le panneau d’affichage des scores, prêt à faire feu. Lorsque les forces de l’ordre le repèrent, ils doivent faire face à une situation est très délicate : avec une telle foule un mouvement de panique serait tout aussi dangereux…
Le film
[3,5/5]
A travers une série de films secs et brutaux tels que L’inspecteur Harry (Don Siegel, 1971) et sa suite Magnum force (Ted Post, 1973), Justice sauvage (Phil Karlson, 1973), Police puissance 7 (Philip D’Antoni, 1973), Police connection (Howard W. Koch, 1973) ou encore Un justicier dans la ville (Michael Winner, 1974), le polar américain du début des années 70 a peu à peu infléchi son récit dans le sens d’une réhabilitation de la police et de ses méthodes les plus « musclées ». Aussi tous ces films en appelaient-ils à l’époque à une élite de ces « nouveaux centurions » chers à Richard Fleischer (Les flics ne dorment pas la nuit, 1972), ultime rempart de la civilisation occidentale, à qui les flics efficaces et brutaux de French connection (William Friedkin) avaient ouvert la voie en 1971.
En 1976, Un tueur dans la foule marquait les premiers signes d’essoufflement de ce mouvement en même temps qu’une espèce de point d’aboutissement, dans le sens où le film de Larry Peerce opérait la synthèse entre ce mouvement de polar « badass » et un autre genre extrêmement populaire à l’époque : celui du film catastrophe. Au-delà de ce qui était montré à l’écran, toutes les peurs et hantises de l’Amérique moderne se dessinaient en filigrane…
Dès l’ouverture du film, Un tueur dans la foule s’inscrivait dans une certaine réalité socio-politique des États-Unis : le film s’ouvre sur un stade de football américain ; c’est le Super Bowl, le stade va donc déterminer la vie de Los Angeles – et du pays tout entier – pendant la journée à venir. En dehors du stade, toute vie semble même s’être arrêtée. Sauf pour le tueur, que la caméra va suivre d’entrée de jeu, tuant une personne au hasard avec son fusil à lunette depuis sa tranquille chambre d’hôtel. Après ses premières minutes calquées sur celles de L’inspecteur Harry, le ton est donné : il y a un mouton noir dans la société US. Qui est-il, d’où vient-il, et quelles sont ses motivations ? Le film ne répondra jamais à ces questions, renforçant le climat paranoïaque grimpant au fur et à mesure que l’intrigue déroule sa galerie de personnages qui sont autant de stéréotypes hérités du film catastrophe. Le spectateur se demandera d’ailleurs même ce qu’attend le tireur pour débuter son massacre annoncé : la fin du match, peut-être ? Nul ne saura répondre à ces questions, que le film de Peerce et le scénario d’Edward Hume laissent en suspens, renforçant de fait encore d’un cran la perversité et l’inquiétante normalité d’un tueur qui pourrait être n’importe qui.
Cette peur du « sniper », de l’américain moyen qui, sans mobile apparent, s’embusque et tire au hasard sur la foule, justifie donc doublement l’intervention de la police : à travers le personnage de Charlton Heston, héros du film, mais qui se fera finalement voler la vedette par celui incarné par John Cassavetes, chef de la brigade anti-gangs, peu soucieux des formes et des méthodes, qui triomphera finalement de tous (des atermoiements de Charlton Heston autant que du tueur) et se posera en protecteur cynique, mais efficace et surtout parfaitement légitime de la société. Une belle réussite pour un film aujourd’hui un peu oublié.
Le Blu-ray
[4,5/5]
C’est aujourd’hui grâce à Elephant Films que le consommateur français pourra (re)découvrir sur galettes HD quelques pépites et autres grands classiques [un peu] oubliés. Un tueur dans la foule fait donc partie d’une nouvelle vague de films à grand spectacle que l’éditeur nous propose pour fêter la rentrée 2017 (allez, au boulot !). Côté master, la copie d’Un tueur dans la foule est d’excellente bonne tenue, avec un grain cinéma respecté aux petits oignons, et des contrastes finement travaillés. La restauration a fait place nette des tâches, rayures et autres griffes disgracieuses, et propose une image relativement stable, avec néanmoins quelques fourmillements discrets sur certaines séquences. Côté son, l’éditeur nous propose une version originale en DTS-HD Master Audio 2.0, sans souffle ni bruits parasites. Les dialogues sont parfaitement clairs, on appréciera la VF d’époque un brin surannée et les sous-titres ne souffrent d’aucun problème particulier.
Au rayon suppléments, on trouvera une pléiade de bonus intéressants, menés par le très sympathique Julien Comelli, qui trouve le ton parfait pour aborder le film : ni trop « hype », ni trop analytique, ni trop coincé, il semble de plus assez à l’aise devant la caméra. Dans un premier sujet d’une demi-heure environ, il revient en long, en large et en travers sur le contexte de tournage et sur le casting du film. Le deuxième sujet explique les particularités assez folles de la version longue du film, destinée à la télévision, qui sera par ailleurs également disponible, en SD, VOST et 4/3. D’un durée de 2h20 environ, ce supplément pourtant de piètre qualité visuelle et sonore s’avère tout à fait passionnant, dans le sens où Universal a carrément demandé au réalisateur Larry Peerce de tourner plus de 30 minutes de scènes supplémentaires composant au final un « deuxième » film, complètement différent de celui découvert en salles, n’ayant plus rien à voir avec une histoire de terroriste mais de braquage de musée. Le film présente donc une intrigue très différente et beaucoup de personnages supplémentaires ; Larry Peerce a d’ailleurs décliné la proposition d’Universal, laissant la main à Gene Palmer afin de charcuter et défigurer son film. On terminera enfin avec les bandes-annonces des films de la collection et une galerie de photos.