Critique : Le Chemin (Jeanne Labrune)

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Le Chemin

France, Cambodge, 2017
Titre original : –
Réalisatrice : Jeanne Labrune
Scénario : Jeanne Labrune, d’après un roman de Michel Huriet
Acteurs : Agathe Bonitzer, Randal Douc, Somany Na, Agnès Sénémaud
Distribution : Epicentre Films
Durée : 1h32
Genre : Drame
Date de sortie : 6 septembre 2017

Note : 2,5/5

En tant que pays exotique, riche en mystères spirituels et ambiances poisseuses, le Cambodge a bon dos. Dans son neuvième film, la réalisatrice Jeanne Labrune ne réussit guère à transcender ce cliché ambulant, préférant plutôt rester dans le vague. Inutile de préciser que cet état de flottement génère son lot de frustrations dans Le Chemin. A commencer par la nôtre, puisque aucune voie n’y est aménagée pour rendre plus accessibles les aventures dans la jungle d’une future religieuse française. A moins que ce ne soit concrètement l’absence d’action au sens classique qui rend le film aussi distant et peu engageant. Toujours est-il que quelques belles images et un ton joliment éthéré mis à part, l’intrigue de ce mélodrame languissant ne contribue en rien à l’enrichissement des légendes cambodgiennes, depuis toujours peu enclines à se dévoiler au regard occidental.

Synopsis : Camille a rejoint une mission catholique au Cambodge, avec l’intention d’y prononcer ses vœux. Tous les matins, elle emprunte un chemin qui longe la rivière et traverse des ruines anciennes. Tandis que la mère supérieure voit d’un mauvais œil ces promenades solitaires à travers la forêt déserte, qui a de surcroît la réputation d’être hantée, Camille persiste dans son cheminement afin d’apporter quotidiennement de l’aide médicale à une femme blessée à la jambe. De temps en temps, elle croise sur son chemin Sambath, un guide touristique cambodgien qui a habité en France avant de revenir dans son pays natal pour mieux y prendre soin de sa compagne souffrante Sorya.

Sur le bon chemin ?

Certains des plus beaux films d’aventures de l’âge d’or du cinéma hollywoodien des années 1950 ont pour thème les bonnes sœurs sous les tropiques, tels que Dieu seul le sait de John Huston et Au risque de se perdre de Fred Zinnemann. Dans le cas présent, Agathe Bonitzer ne cherche certes pas à rivaliser avec Deborah Kerr ou Audrey Hepburn. Pour cela, son film n’aurait pas dû s’inscrire dans cette tradition infiniment plus intimiste, dont l’ambition est filtrée tant bien que mal par le dilemme colonial de nombreux pays européens. Il n’aurait par contre pas non plus été de refus de percevoir en elle un personnage plus charnu ou au moins un minimum volontariste, au lieu de la créature passive, prise en étau entre des cultures et des styles de vie qui lui restent étrangers d’une façon préjudiciable. Le souci principal du Chemin nous paraît en effet son incapacité à provoquer quelque émotion que ce soit de notre part à l’égard de son personnage principal, une femme qui donne l’impression de se sentir à peine impliquée par ce qu’elle fait. Sa supérieure hiérarchique fait, quant à elle, preuve d’un engagement déjà plus convaincant, peut-être aussi parce qu’elle a su se fondre sans trop d’arrière-pensées dans un univers dont de nombreux aspects lui échappent. On cherchera hélas en vain pareille quiétude d’esprit du côté de Camille, le prototype carrément caricatural de la fille paumée, partie au loin pour trouver sa raison d’être, mais qui finira invariablement en vagabonde éternellement insatisfaite.

Étranger chez soi, étranger partout

L’histoire du film ne se résume cependant pas aux errements spirituels d’une jeune Française en mode touriste de l’âme. Pratiquement en parallèle de ce fil narratif trop ténu pour soutenir le récit dans son ensemble, nous suivons la quête d’ancrage existentiel de Sambath, un homme lui aussi tiraillé entre l’Europe et l’Asie, qui doit en plus s’occuper de sa femme malade. La dynamique trompeuse apportée par cette dernière, trop consciente de sa fin proche pour vouloir ajouter ce poids supplémentaire sur les épaules de son mari, ne fait alors que pousser encore un peu plus le ton du film vers le terrain vague d’une impossibilité douloureuse de communiquer. Hélas, Jeanne Labrune ne s’improvise nullement ici en disciple de l’esthétique froide et moderne pratiquée jadis par Michelangelo Antonioni. Elle lui préfère plutôt une ambiance suffocante, faite de paysages en état de décomposition et de personnages qui ne se portent pas vraiment mieux. Sauf que de toute cette dégénérescence des corps et des esprits, il n’émane que la sensation déplaisante d’une futilité totale, à la fois du côté des objectifs peu précis des personnages et – sans doute pire encore – de celui du projet filmique dans son ensemble, pris dans le marasme d’une beauté exotique entièrement lénifiante.

Conclusion

Il se peut que le sens profond de ce film nous ait échappé. Nous sommes prêts à admettre que Le Chemin et son charabia formel nous ont laissés largement indifférents. Ce qui est après tout dommage, puisque la sensibilité cambodgienne, aussi éloignée du pragmatisme occidental soit-elle, aurait mérité mieux que ce drame religieux confus, dont nous ne sauverons que la belle photographie pour laquelle la réalisatrice était en partie responsable, ainsi que le séduisant Randal Douc et sa voix soyeuse, en symbiose parfaite avec le propos nébuleux du film.

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