Spider-Man Homecoming
États-Unis, 2017
Titre original : –
Réalisateur : Jon Watts
Scénario : Jonathan Goldstein, John Francis Daley, Jon Watts…
Acteurs : Tom Holland, Michael Keaton, Robert Downey Jr.
Distribution : Sony Pictures Releasing
Durée : 2h14
Genre : Fantastique
Date de sortie : 12 juillet 2017
Note : 3,5/5
Batman, Spider-Man et Superman, les vieux messieurs de l’univers des comics, ont connu tellement d’incarnations filmiques, que tout portait à croire qu’un énième redémarrage n’allait y apporter strictement rien. Erreur d’appréciation presque fatale, puisque la troisième version des aventures du super-héros aux pouvoirs arachnéens, après celles incarnées avec plus ou moins de succès par Tobey Maguire et Andrew Garfield, s’avère être une excellente surprise. L’astuce majeure de Spider-Man Homecoming consiste à ne pas en faire un film de super-héros de plus, et forcément de trop, tant ce croisement du film fantastique et du film d’action inonde depuis des années les écrans des multiplexes à travers la planète. Vous aurez ainsi droit à une poignée de séquences d’affrontements aussi manichéens que tonitruants, mais le cœur qui fait battre avec un surplus de fraîcheur le film de Jon Watts se situe indubitablement ailleurs. C’est qu’il s’agit en fait d’une comédie sur l’âge difficile de l’adolescence, avec dans le rôle du futur adulte mal dans sa peau un héros au chômage technique, faute d’être apprécié à ce qu’il considère comme sa juste valeur. De cette confrontation enjouée entre les codes désormais fermement établis du film de super-héros et leur relecture irrévérencieuse par le biais d’un rite de passage, certes douloureux depuis le point de vue subjectif du jeune Peter Parker, mais pas dépourvu d’éléments cocasses pour le spectateur, naît un divertissement de haut vol, comme on peut seulement rêver en voir plusieurs pendant la saison estivale des blockbusters hollywoodiens !
Synopsis : Après les derniers exploits des Avengers à New York, l’heure du grand nettoyage a sonné. L’entrepreneur Adrian Toomes a décroché le contrat d’enlèvement des vestiges des engins, laissés sur Terre par les agresseurs extra-terrestres. Ses ouvriers et lui sont cependant licenciés sans préavis, quand l’agence officielle prend le relais. Toomes réussira à subtiliser assez de matériel sophistiqué pour construire son empire de l’ombre, sur lequel il régnera comme le Vautour. En parallèle, le jeune Peter Parker a participé à sa première action collective auprès des Avengers. Galvanisé par l’expérience, il espère que son homme de liaison Happy lui transmettra bientôt ses prochaines missions sur la demande de son idole Tony Stark. Or, le super-héros en herbe ressent rapidement une certaine frustration, face à ses actions de proximité sans envergure, qui font de Spider-Man au mieux une vedette des réseaux sociaux. Il saute donc sur l’occasion de traduire en justice la bande du Vautour, surprise en flagrant délit de vente d’armes surpuissantes.
Une nouvelle génération de super-héros
On retrouve dans Spider-Man Homecoming une qualité rare, qui était pendant une période assez longue, en gros à quelques années près la première décennie du siècle, la chasse gardée quasiment exclusive des productions Pixar. En plus de leur savoir-faire technique, ces dernières avaient le don – hélas perdu depuis au fil des suites au mode opératoire répétitif – d’incorporer dans leurs intrigues un nombre conséquent de références à l’état d’esprit actuel des civilisations occidentales, leur permettant de préserver une incroyable fraîcheur de ton de Toy Story jusqu’à Wall-E. Malgré un scénario aux multiples auteurs, les sixièmes aventures de Spider-Man en quinze ans adoptent d’une seule voix une ligne de conduite similaire, en ce qu’elles déplacent la source de l’étonnement dû à l’existence des personnages extraordinaires vers un mode de lecture, où les super-héros sont presque perçus tels des hommes comme les autres. Cette banalisation généralisée de la cause des Avengers et apparentés va de pair avec justement la difficulté de se faire un nom au sein du spectre de la perception publique, qui considère ces sauveurs caricaturaux de l’humanité comme des vedettes populaires interchangeables à volonté. Le récit répond à cette perte irrémédiable de l’admiration sans partage avec quelques piques savoureuses, véhiculées autant par l’attitude vexée car frustrée de Spider-man version gamin que par les apparitions épisodiques de Captain America, réduit à un emploi bêtement pédagogique et sans doute jamais plus hilarant que lors de l’indispensable mini-séquence à la fin du générique.
Une réussite à 98 %
Cette ironie suprême se manifeste également du côté du personnage principal lui-même, interprété avec une désinvolture désarmante par Tom Holland. Son trait de caractère un brin pleurnichard est exploré ici dans le contexte des tracas inhérents à l’adolescence, y compris les innombrables maladresses avant d’oser avouer son amour à la fille de ses rêves. A priori, rien de très original dans ce purgatoire romantique, ni dans la sollicitation d’un confident moins séduisant, quoique fidèle jusqu’au sacrifice, si ce n’est que ces dispositifs narratifs ajoutent du piment bon enfant à la confrontation entre le bien et le mal, souvent creuse dans les autres films du même calibre. A la limite, Spider-Man Homecoming aurait été encore plus iconoclaste s’il avait osé faire complètement fi de ces prétextes à peine larvés à un déchaînement d’effets spéciaux en fin de compte identiques de film en film. Seulement, un film de super-héros, qui pratique à la perfection l’orchestration des séquences annexes et le développement de ses personnages, a-t-il encore le droit de se revendiquer d’un genre, dont le niveau de saturation devient aussi apparent par ces bifurcations formelles un peu sauvages, sans se soucier outre mesure de quelques passages obligés ? Pour nous, blogueurs modestes que nous sommes, comparés aux « vrais » journalistes, la réponse est un oui tout à fait enthousiaste, grâce à un film comme celui-ci : intelligent, vigoureux et en même temps empreint d’une subtilité hautement appréciable dans la mise en question du brouhaha parfois assourdissant, qui entoure le phénomène forcément éphémère des super-héros au cinéma.
Conclusion
Comment faire brillamment du neuf avec de l’ancien ? Jon Watts, qui n’en est qu’à son troisième film, nous le montre sans jamais forcer le trait avec Spider-Man Homecoming. La bande ultra-populaire des Avengers y fait certes son apparition et nous sommes bien sûr ravis d’y croiser à nouveau l’éblouissante Marisa Tomei, mais ce qui distingue réellement ce film-ci des dizaines d’épopées précédentes, c’est sa capacité à ramener ces acrobaties survitaminées au naturel accessible du processus de devenir adulte, avec tout ce que cela implique de revers humiliants, auxquels même un super-héros ne saura échapper.