Critique : Free fire

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Free fire

Royaume-Uni, 2016
Titre original : Free fire
Réalisateur : Ben Wheatley
Scénario : Amy Jump et Ben Wheatley
Acteurs : Sharlto Copley, Armie Hammer, Brie Larson, Cillian Murphy
Distribution : Metropolitan Filmexport
Durée : 1h31
Genre : Comédie de gangster
Date de sortie : 14 juin 2017

Note : 3/5

L’influence de Quentin Tarantino plane sans l’ombre d’un doute sur le sixième film de Ben Wheatley. Ce qui n’est en soi ni un reproche, ni un lien de filiation insurmontable. En effet, le réalisateur américain le plus emblématique de ces vingt dernières années se voit d’abord lui-même comme un passeur, comme le plus grand fan du cinéma de genre d’une époque révolue, qui s’emploie avant tout à transmettre cette cinéphilie de niche, devenue populaire grâce à lui. Et puis, la référence claire et nette s’estompe au fur et à mesure dans Free fire, jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un divertissement d’évasion pleinement maîtrisé. Après la présentation initiale d’un groupe de personnages hauts en couleur, il ne s’agit ainsi qu’à procéder à un joyeux spectacle proche d’un stand de tir mi-tragique, mi-comique, où tout un chacun peut être pris pour cible sans que la sensibilité des spectateurs ne soit choquée outre mesure. Par le biais d’un rythme narratif soutenu et d’un ton qui baigne sans complexes dans l’irrévérence, le récit abandonne rapidement quelque considération globale des faits que ce soit pour se focaliser exclusivement sur le microcosme explosif dans lequel les repères et les alliances se déplacent presque à la même vitesse que les balles qui fusent de partout.

Synopsis : Un groupe de terroristes nord-irlandais est venu aux Etats-Unis pour s’y procurer des armes. Le meneur Chris a pris contact avec l’intermédiaire Justine, qui s’est à son tour mise en relation avec Ord, en lien étroit avec le marchand d’armes Vernon. L’échange doit se faire la nuit dans une vieille usine abandonnée. Tout se passe à peu près comme prévu, jusqu’à ce que Stevo, l’un des complices des Irlandais, reconnaît en son pendant côté fournisseurs l’homme qui l’avait tabassé la veille lors d’une altercation violente dans un bar. S’ensuit alors une prise de bec entre les deux camps, qui ne pourra se solder que par une fusillade généralisée.

Cool

Free fire met un peu de temps avant de s’affranchir complètement du fil ténu qui le relie, malgré tout, au premier film de Quentin Tarantino, le magistral Reservoir dogs. A l’introduction encore en mode mineur succèdent des plans de déplacement en groupe qui y font si explicitement référence, que l’on serait en droit de craindre une copie supplémentaire du style désormais associé aux films de Tarantino. Depuis que ce dernier s’est imposé sur la scène cinématographique, les bienfaits de son travail inlassable de dénicheur de pépites populaires locales injustement ignorées par le grand public international et d’adaptateur en chef de leurs figures de style universelles ont été passablement contrebalancés par sa mainmise – volontaire ou accidentelle – sur tout ce pan du cinéma. Plusieurs générations de jeunes réalisateurs arrivées après lui ne jurent que par sa mise en scène à la fois survoltée et témoin d’un héritage de films de genre nullement occulté, à tel point que même le maître en personne doit redoubler d’efforts pour préserver une certaine originalité. Le risque sérieux du simulacre, adroit mais dépourvu de signes distinctifs, que ce film-ci courait pendant son prologue est heureusement vite écarté, grâce à une tournure plutôt inattendue, qui l’amène avec vigueur sur le terrain du plaisir coupable, débordant d’une tension viscérale. Puisque chez Tarantino, la mise en abîme élégante prime le plus souvent sur le carnage tellement débridé qu’on en oublierait presque sa nature sanguinaire, c’est au plus tard à partir de ce moment-là que Ben Wheatley apprend à voler de ses propres ailes.

And the gang

Un aspect du générique de ce film n’a pas manqué de nous interpeller : les scénaristes Amy Jump et Wheatley y occupent en effet également le poste de monteurs, une particularité assez rare qu’on retrouve d’habitude chez Robert Rodriguez et d’autres cinéastes polyvalents, même si le stade crucial dans la création d’un film qu’est le montage se déroule souvent sous l’œil attentif du réalisateur. Ici, cette double casquette nous paraît carrément indispensable, tellement le déroulement de l’intrigue dépend directement de l’agencement astucieux de ses nombreux personnages. Ceux-ci sont confinés au sein d’un décor quasiment unique qui doit, lui aussi, être découpé selon les règles de l’art du montage percutant, quoique en aucun cas voyant. Un défi relevé haut la main par Free fire, qui réussit sans peine à jongler entre le côté absurde de certains traits de caractère des personnages, voire de la situation en elle-même, et ses répercussions mortelles qui ne devraient pas prêter à rire en dehors du cadre codifié de la fiction ébouriffante. Enfin, les comédiens se consacrent gaiement au jeu de la surenchère ironique, avec des mentions spéciales pour l’inimitable Sharlto Copley en marchand d’armes sud-africain imbu de vanité, Armie Hammer en dandy guère moins mondain et hors de sa zone de confort et Brie Larson, qui y trouve à nouveau un rôle plutôt complexe de femme forte, parmi ses choix de carrière relativement commerciaux post-Oscar.

Conclusion

Ce n’est pas le nom de Quentin Tarantino qui figure au générique de Free fire, mais celui de Martin Scorsese, son producteur exécutif. Néanmoins, le réalisateur Ben Wheatley arrive parfaitement à se défaire de ces influences démesurées pour nous livrer un film très divertissant, pas vraiment à prendre au sérieux par rapport à son contenu, bien que plus que prometteur en termes de gestion des tensions à fleur de peau, qui n’ont pas tardé à déclencher ces hostilités malicieusement jubilatoires !

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