Critique : Bonheur académie

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Bonheur académie

France, 2017
Titre original : –
Réalisateurs : Kaori Kinoshita et Alain Della Negra
Scénario : Rose Philippon, Kaori Kinoshita et Alain Della Negra
Acteurs : Laure Calamy, Michèle Gurtner, Arnaud Fleurent-Didier, Benoît Forgeard
Distribution : Epicentre Films
Durée : 1h11
Genre : Drame
Date de sortie : 28 juin 2017

Note : 2,5/5

Libre à chacun de choisir l’activité de relaxation estivale qu’il préfère. Pendant que certains partent bronzer sous le soleil des canicules tropiques ou visitent les monuments de pays lointains dans un flux de tourisme de masse qui n’est pas prêt à tarir, d’autres choisissent les mois de la saison chaude pour se ressourcer intérieurement et se libérer des contraintes du quotidien. Un camp de séminaire particulièrement bizarre se trouve en Croatie, où les adeptes du culte des Raéliens se réconfortent mutuellement au cours de stages hebdomadaires, censés renforcer leur plénitude prêchée par les dogmes de cette pseudo-religion inspirée par des extra-terrestres. Il y aurait de quoi rire face à cette conception foncièrement new age de l’humanité, basée sur une vision passablement naïve de l’existence, si ce film ne la prenait pas tellement au sérieux. Le problème flagrant de Bonheur académie est en effet qu’il développe assez maladroitement cette immersion dans un monde d’illuminés comme une thérapie envisageable. Si nous avons bien compris l’approche des réalisateurs Kaori Kinoshita et Alain Della Negra – une hypothèse d’autant plus hasardeuse que le registre de la docu-fiction brouille irrémédiablement les pistes –, il s’agirait simplement d’une démarche comme tant d’autres dans la cacophonie de croyances qui caractérise notre époque. Ce qui équivaut en somme à une occasion ratée pour prendre clairement position, ne serait-ce que sur un ton satirique, par rapport à la question épineuse des sectes en France et en Europe.

Synopsis : La Française Lily part pour la première fois en camp d’été, organisé par Raël en Croatie. Elle espère trouver son âme sœur à l’issue d’une semaine de méditations et de rencontres sans fausse pudeur. Dans son groupe, elle tombe surtout sous le charme du chanteur Arnaud, également surveillé de près par la Suissesse Dominique. Leur compétition dans le jeu de séduction risque alors de semer la zizanie dans un cadre focalisé au contraire sur l’harmonie et le respect de l’autre.

Rire, orgasme et méditation

A première vue, la vie en communauté des disciples de Raël s’apparente à une convention de hippies, libres comme l’air et sincèrement en quête d’un équilibre intérieur qui peut être considéré comme la plus grande richesse de l’homme. Leurs rites ont certes d’emblée quelque chose d’étrangement sectaire, avec ces tranches de pastèque distribuées pour rompre le jeûne tout en se touchant sans gêne. Et certaines parties de l’enseignement de leur gourou relèvent sans équivoque du lavage de cerveau, conçu pour étouffer toute forme de contestation réfléchie. Mais dans l’ensemble, il émane une telle sérénité apaisante de ces hommes et femmes, qui sont à la fois des figurants complices et des messagers zélés des bienfaits de leur foi, que l’on serait presque dupe de la supercherie. Et si une vraie paix intérieure était possible, peut-être pas nécessairement en lien étroit avec le discours abracadabrant de Raël, mais néanmoins assez solide pour nous permettre d’accepter notre existence imparfaite, au lieu de courir sans cesse après des chimères matérielles ou sentimentales ? Malgré ses nombreuses lacunes, Bonheur académie accomplit au moins cela : de nous aménager une parenthèse précieuse de suspension du doute, d’abandon des certitudes contraignantes pour entr’apercevoir une sorte de paradis terrestre, hélas bâti sur des fondations pourries.

Névrose, frigidité et charlatanerie

Difficile en effet de dire ce qui est pire dans ce projet filmique sans queue, ni tête. Aurait-on dû d’ores et déjà décrocher lorsqu’il devenait apparent que les réalisateurs ne prévoyaient aucun regard critique ou tout au moins une distance salutaire à l’égard des préceptes que le faux maître à penser a le droit de débiter ici comme de la propagande sans filtre ? Ou bien, le point d’une rupture irrécupérable était-il atteint dès qu’il était clair que la partie fictive de l’intrigue n’allait mener nulle part ? Le simulacre hautement pénible d’un triangle amoureux aurait en effet été entièrement dispensable, quitte à se retrouver en mode documentaire face à des gens, qui croient dur comme fer qu’ils seront tôt ou tard sauvés par des extra-terrestres. Les aspects les plus préoccupants de la secte, considérée comme dangereuse et donc interdite en France, sont ainsi passés sous silence, au profit de vestiges d’animosités mesquines qui dénotent bien sûr au sein d’une communauté dont l’hypocrisie pourrait bien être la valeur suprême. Rien de cette ambiguïté criante ne transparaît malheureusement au fil du récit. Ce dernier préfère enchaîner les exercices de groupe pesants – à l’exception notable près de l’intensité provoquée par la transmission d’énergie au corps dénudé de Lily à la fin du film – plutôt que creuser en profondeur dans les recoins cachés de ce village de vacances douteux, où la voix du maître spirituel a vocation de débusquer même les esprits les plus récalcitrants, en fin de compte sans succès.

Conclusion

Si cette œuvre inclassable nous interpellait uniquement par la bizarrerie de son sujet, Bonheur académie aurait éventuellement pu nous intriguer. Le bât blesse hélas de façon plus substantielle du côté formel, à cause d’une intrigue fictive qui a tout d’un prétexte laborieux pour avoir accès à l’arrière-boutique d’une secte, où Kaori Kinoshita et Alain Della Negra ne prennent même pas la peine de déterrer un lot considérable de casseroles que Claude Vorilhon et les siens traînent derrière eux.

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