Critique : K.O

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K.O

France, 2017
Titre original : –
Réalisateur : Fabrice Gobert
Scénario : Fabrice Gobert et Valentine Arnaud
Acteurs : Laurent Lafitte, Chiara Mastroianni, Pio Marmaï, Clotilde Hesme
Distribution : Wild Bunch Distribution
Durée : 1h53
Genre : Thriller
Date de sortie : 21 juin 2017

Note : 3/5

Imaginez-vous, un jour, au réveil, vous êtes toujours vous-mêmes, vous reconnaissez les gens de votre entourage et vice-versa, mais votre situation professionnelle et privée a changé de fond en comble ! C’est à ce genre de prémisse, mi-fantastique, mi-cauchemardesque que nous convie le deuxième long-métrage de Fabrice Gobert. K.O s’inscrit dans un métissage thématique entre La Vie est belle de Frank Capra, à la différence près que ce n’est pas l’anonymat qui turlupine le protagoniste mais la dégringolade sociale, et Un jour sans fin de Harold Ramis, dans la mesure où c’est un recommencement cyclique avec des passerelles de gestes et de paroles qui rythme le récit. La petite touche d’originalité y provient du fait que ce héros privé soudainement de repères est à l’origine un salaud, un pauvre type tellement imbu de lui-même qu’il ne se rend pas compte de la détresse qu’il sème autour de lui. Pareil positionnement moral comporte toujours le risque du propos édifiant, trop à cheval sur des principes altruistes pour exploiter sans ménagement les aspects à la fois absurdes et cyniques d’une telle mise en question existentielle. Grâce à l’interprétation savoureuse de Laurent Lafitte dans le rôle principal, le doute demeure quant aux bienfaits réels de ce plongeon involontaire dans un monde parallèle.

Synopsis : Antoine Leconte est arrivé au sommet et il compte bien y rester. A la tête de la rédaction d’une chaîne privée, il est craint par ses subordonnés et apprécié par la direction pour son ambition démesurée. Alors que les choses se dégradent dans son couple, avec sa compagne Solange qui a versé tout son dépit sentimental dans un livre-vérité, et au travail, où les syndicats agitent la menace d’une grève, Antoine est pris pour cible par Edgar Limo, un ancien collaborateur qui lui tire dessus. Il se réveille à l’hôpital, avec une jolie cicatrice au niveau du cœur et impatient de rattraper le temps perdu. Or, dès son arrivée chez lui, il doit se rendre à l’évidence que beaucoup de choses ont changé pendant son absence.

Interdiction de fumer, permis de cogner

Est-ce qu’un film dont le titre se réfère à l’univers de la boxe aurait pu démarrer autrement que sur un ring, où les deux adversaires s’affrontent férocement ? En effet, Fabrice Gobert privilégie d’emblée une forme d’évidence, d’autant plus utile plus tard que toutes ces certitudes qui sont le fruit du pouvoir voleront en éclats à partir du point de basculement au bout d’une petite demi-heure de film. Pour l’instant, il s’agit cependant de brosser le portrait sans fard d’un homme avide de rapports de domination et par conséquent guère en mesure d’interpréter correctement les signes annonciateurs du cataclysme à venir. Car quelque chose cloche indubitablement dans le quotidien en état constant de surchauffe de cet homme, qui enchaîne les conquêtes féminines, les propos avilissants et les malaises cardiaques sans reconnaître que l’arrivée au bout de l’impasse est pour bientôt. En termes de narration, la gestion de cette antipathie sournoise à travers laquelle se présente Antoine à nous est assez prodigieuse, surtout parce qu’elle n’aménage aucun moment de répit pour faciliter tant soit peu l’identification avec ce père, collègue et amant tout à fait indigne. La froideur calculatrice du personnage nous prépare par contre astucieusement à ce qui va suivre, à savoir une mise en abîme faussement salutaire, dont la leçon n’a pas nécessairement été retenue par le principal intéressé.

N’oublie pas que tu vas mourir

La remise à zéro abrupte de la plupart des points de familiarité s’accompagne alors d’une nouvelle définition du personnage, qui apprend en fait en même temps que le spectateur que plus rien n’est comme avant. Se trame du coup une piste de désenchantement plus ou moins vertigineuse. Ainsi, le malaise inhérent au ton du film ne fait que s’accroître, au fur et à mesure qu’Antoine devra s’adapter à cette vie minable, notamment comparée à son style bling-bling du début. Mais là encore, cette prise de conscience, tellement touchante par exemple chez Capra, n’est jamais entièrement franche dans le cas présent, comme si cette sorte de deuxième chance ne faisait qu’exacerber encore un peu plus la nature dominante, voire autocratique de cet homme foncièrement incorrigible et donc mauvais. Par son ancrage plus ou moins volontaire dans l’actualité – comment ne pas penser à la grève récente chez i-télé quand l’équipe du plateau débraie brusquement ? –, K.O prend de surcroît des allures de commentaire sur notre époque, dont le nihilisme et l’égoïsme sont hélas des valeurs phares. Il n’y procède peut-être pas de la façon la plus subtile, en faisant redémarrer plusieurs fois la machine enrayée au delà de tout espoir de rédemption. Mais c’est justement son pessimisme dépourvu de remords, qui anoblit la noirceur de ce labyrinthe existentiel duquel toute sortie durable est impossible.

Conclusion

Bien qu’il n’y ait rien de nouveau à signaler du côté du dispositif amplement éprouvé d’une deuxième vie dans un monde parallèle, K.O s’acquitte plus que convenablement de la tâche de tenir en haleine le spectateur, par le biais d’un protagoniste complètement déboussolé. Sensiblement plus qu’un simple exercice de style, le deuxième film de Fabrice Gobert, sept ans après Simon Werner a disparu, s’autorise un commentaire en filigrane sur des conditions de vie et de travail, qui ressemblent plus à une jungle impitoyable qu’à une civilisation éclairée. A méditer donc en toute sérénité !

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