Critique : Bientôt, les jours heureux

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Bientôt, les jours heureux

France, Italie, 2016
Titre original : I tempi felici verranno presto
Réalisateur : Alessandro Comodin
Scénario : Milena Magnani, Alessandro Comodin
Acteurs : Sabrina Seveycou, Luca Bernardi, Erikas Sizonovas, Carlo Rigoni
Distribution : Shellac
Durée : 1h40
Genre : Drame
Date de sortie : 3 mai 2017

Note : 3,5/5

Bientôt, les Jours Heureux est le deuxième long-métrage d’Alessandro Comodin. Son œuvre liminaire, L’été de Giacomo (sorti en 2012), chronique solaire d’un amour balbutiant entre deux jeunes personnes, s’était attirée l’éloge de la critique lors de sa sortie, en 2012. Sélectionné à la semaine de critique 2016, Bientôt les jours heureux s’inscrit pleinement dans la filiation esthétique et formelle de son précédent film mais s’en éloigne également sur plusieurs aspects. Comme dans L’été de Giacomo, Comodin parvient à trouver un équilibre subtil entre le documentaire et la fiction, les deux s’imbriquant l’un dans l’autre de manière naturelle. Cette « cohabitation » entre deux genres à priori antinomiques contribue à insuffler une tonalité singulière à ce nouveau long-métrage.

Synopsis : Dans une forêt, deux jeunes hommes courent à perdre haleine. Fuient-ils quelque chose ? Est-ce un jeu ? S’enfonçant peu à peu dans ce bois touffu, les deux protagonistes, Tomasso et Arturo, apprennent à survivre dans ce milieu hostile, éloigné de toute présence humaine.


Quelle est la raison de cette fuite ? Nous pouvons supputer plusieurs hypothèses, mais à aucun moment Comodin nous explique le pourquoi. Aucun dialogue explicatif, aucun repère temporel, ou de lieu, est donné par le réalisateur. Sécheresse de l’instant présent qui ne s’encombre d’aucune explication superflue liée au développement de l’intrigue. A l’image d’un conte, ou d’une fable, c’est un endroit hors du temps, atemporel, suscitant moult questionnements chez le spectateur quant au caractère symbolique de l’histoire narrée. Parmi ces scènes initiales, l’observateur attentionné pourra y voir quelques réminiscences avec un film tchèque un peu oublié, mais ô combien grand, Les Diamants de la Nuit (1964), de Jan Nemec, dans lequel l’on suit deux jeunes personnes fuyant les Nazis dans les bois.

Voir errer ces deux jeunes personnes au sein d’une forêt évoque immanquablement L’Eté de Giacomo dans lequel l’on suivait un garçon et une fille s’ouvrir chacun l’un à l’autre, le tout dans un cadre bucolique irradié par le soleil et le clapotis d’une rivière à proximité. Une sorte de récit initiatique où l’éveil du désir amoureux s’accompagne d’une expérience sensorielle hypnotique. Dans son nouveau film, Comodin suit peu ou prou le même schéma : la déambulation de deux personnes dans un bois. Mais au caractère indolent et langoureux du premier film, Comodin substitue une urgence, voire une tension, liée à la fuite de ces deux jeunes gens. Le soleil, omniprésent dans L’Eté de Giacomo, est également absent pendant une bonne partie, remplacé par un temps automnal gris et humide. Fasciné par ces personnages, Comodin les capte au sein de longs plans-séquences, la caméra étant réceptive au moindre contact entre les protagonistes et la nature environnante. Cette dilatation du temps au sein de ces plans-séquences contribue à inscrire Comodin dans la filiation d’un Weerasethakul, où la moindre stase temporelle participe au caractère éthéré de l’œuvre.

A mi-chemin, et sans crier gare, le film prend une autre tournure, un retour à la réalité assez brutal où le documentaire (faux-documentaire ?) prendra le relais de la narration avant de s’aventurer sur divers niveaux de réalités, entre le conte symbolique et le documentaire rural. Ce ping-pong narratif entre scènes réalistes et séquences plus oniriques pourra peut-être décontenancer le spectateur peu averti, perplexe devant le caractère sibyllin de l’œuvre, mais reste une expérience fascinante pour quiconque saura s’y plonger sans a priori.

Conclusion

Nullement réducteur à un genre en particulier, Bientôt les Jours Heureux fait montre d’un mélange des genres maîtrisé de la part du metteur en scène italien, instillant une part d’ambiguïté quant au degré de réalité de la narration. Sans repères, le spectateur n’a plus qu’à se plonger dans le film et à se laisser transporter par celui-ci. Une expérience cinématographique comme l’on en voit trop peu de nos jours.

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