Critique : Telle mère telle fille

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Telle mère telle fille

France, 2017
Titre original : –
Réalisateur : Noémie Saglio
Scénario : Agathe Pastorino et Noémie Saglio
Acteurs : Juliette Binoche, Camille Cottin, Lambert Wilson, Catherine Jacob
Distribution : Gaumont
Durée : 1h34
Genre : Comédie de grossesse
Date de sortie : 29 mars 2017

Note : 2/5

Rarement, les comédies de grossesse nous gratifient de plus qu’une dose accrue d’hystérie féminine, alimentée par la surcharge hormonale de rigueur en pareille circonstance, ainsi que par l’appréhension de la responsabilité parentale. Puis, dès que la progéniture a traversé l’épreuve de passage de l’accouchement, cette anxiété se transforme comme par miracle en un sentiment maternel consensuel, laissant alors au scénario une marge de manœuvre à peine plus large ou longue que le cordon ombilical. Comme si l’aspect tout tracé de cette nouvelle vie sur le point de naître n’était pas déjà assez frustrant, la réalisatrice Noémie Saglio a eu la mauvaise idée de faussement élargir la thématique familiale. La prémisse de son troisième film s’avère encore plus pénible que ne l’a été celle de son premier, sorti il y a deux ans, Toute première fois ou comment tourner lourdement en dérision la conception des genres et des orientations sexuelles si joliment fluide par les temps qui courent. En effet, Telle mère telle fille s’intéresse principalement au rapport absurde entre les générations, la future maman se trouvant en quelque sorte le cul entre deux chaises, puisque elle devra gérer à la fois sa grossesse et sa propre mère guère plus mature qu’un gamin. Ce détournement de l’attention des détails peu appétissants de neuf mois de galère se traduit hélas par un enchaînement de gags, qui se succèdent certes à un rythme soutenu, mais qui tombent invariablement à plat.

Synopsis : Avril, ordonnée et sérieuse, a une bonne nouvelle à annoncer à son père Marc, un célèbre chef d’orchestre, et sa mère Mado, une éternelle adolescente qui vit à ses crochets depuis son divorce : elle attend un bébé avec son mari Louis, un étudiant doctorant aux parents étouffants. Pour se remettre de l’émotion, qui a tout d’un choc déplaisant, Marc et Mado renouent ponctuellement leurs rapports sexuels. Avec une deuxième grossesse à la clef, cette fois pour Mado, qui hésite à garder l’enfant, faute de soutien moral de la part d’Avril, atterrée par l’irresponsabilité chronique de sa mère.

Immaturité et parfum de chiottes

Au début du siècle, l’un des sujets de prédilection du cinéma français, côté comédies, était l’incapacité de personnages trentenaires d’adopter un style de vie et une mentalité adultes. Cette génération a désormais la quarantaine, un âge suffisant, pourrait-on croire, pour faire preuve d’un comportement moins attardé. Car à partir d’un certain moment dans la vie, il est grand temps de faire le deuil de sa jeunesse, afin de vivre plus sereinement les étapes suivantes de l’existence. Le décalage devient carrément grotesque, lorsque les enfants dépassent leurs aînés en termes de choix de vie mûrement réfléchis. Cette situation peu réaliste fournit un point de départ d’emblée gangrené par la débilité dans cette comédie laborieuse, qui ne s’aménage à aucun moment un terrain de repli de tant d’enfantillages. La relation entre Avril et Mado a dangereusement tendance à tourner en rond, surtout à cause de l’attachement maladif de la fille à sa mère. Cette dernière n’aspire au contraire qu’à une forme de liberté bien trop abstraite pour les boutades plus ennuyeusement superficielles que platement vulgaires dont le récit est accablé en permanence.

Beaucoup plus un accident qu’une aventure

Au lieu de nous séduire avec un divertissement convenable, cette prétendue comédie nous agresse donc à intervalles réguliers avec ses revirements improbables, ses fausses trouvailles qui ne mènent à rien et – pire que tout – les pitreries pitoyables de comédiens qui méritent certainement mieux, comme Lambert Wilson, condamné à danser avec les loups lors d’une séquence qui relève de ce que le théâtre de boulevard a de plus agaçant. Quant à Juliette Binoche, elle est certes fort pénible quand elle s’adonne corps et âme aux gamineries excessives de son personnage sans le moindre humour. Elle sait néanmoins conférer un peu de grâce aussi insoupçonnée qu’éphémère au film : lorsque la réplique au trait forcé est supplantée le temps de quelques pas de danse improvisés par le mouvement presque sublime de l’actrice, il devient évident qu’elle n’est visiblement pas à sa place dans ce cabotinage de bas étage, contrairement à l’autre tête d’affiche Camille Cottin. Celle-ci continue sans broncher sa collaboration avec une réalisatrice, pourtant nullement disposée à lui confier autre chose que des rôles de garces au bord de la crise de nerfs, dépourvus d’un quelconque regard nuancé sur la condition de la femme face à des situations inextricables.

Conclusion

Il y a beaucoup d’agitation dans cette comédie, mais sans que n’en résulte un film à peu près potable. Il s’agit plutôt d’un ratage d’autant plus affligeant, qu’une histoire aussi farfelue aurait tout de suite dû décourager les producteurs et les autres participants malheureux. Espérons seulement que les prochaines retrouvailles de ces deux monstres sacrés du cinéma français que sont malgré tout Juliette Binoche et Lambert Wilson – déjà réunis à l’écran en 1985 dans Rendez-vous de André Téchiné – s’avéreront plus substantielles que Telle mère telle fille ! Quel gâchis !

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