Critique : The Lost City of Z

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The Lost City of Z

Etats-Unis, 2016
Titre original : The Lost City of Z
Réalisateur : James Gray
Scénario : James Gray, d’après le livre de David Grann
Acteurs : Charlie Hunnam, Robert Pattinson, Sienna Miller, Tom Holland
Distribution : Studiocanal
Durée : 2h21
Genre : Aventure
Date de sortie : 15 mars 2017

Note : 3/5

Changement de registre radical pour James Gray avec son sixième long-métrage, le premier à s’aventurer hors du microcosme des communautés d’immigrés à New York. La différence entre The Lost City of Z et la filmographie antérieure du réalisateur ne pourrait en effet pas être plus grande, puisqu’il n’y est pratiquement jamais question des préoccupations typiquement américaines, au profit d’un conte d’aventures qui s’étend même à une échelle joliment épique. Or, l’aspect sans aucun doute le plus étonnant pour quiconque affectionne tant soit peu les films au ton généralement lugubre de Gray est que celui-ci semble enfin avoir découvert l’optimisme. Car la durée plutôt considérable du film sert avant tout à illustrer intelligemment la passion d’un homme idéaliste, la quête d’un Graal qui est en elle-même au moins aussi importante que la découverte suprême. La patte du réalisateur reste ainsi inchangée, grâce à une narration à la fois exigeante et élégante, qui préfère l’acharnement mesuré au fil du temps à des coups d’éclat voyants, voire trop empreints d’un exotisme facile.

Synopsis : En 1906, le major Percy Fawcett est envoyé par la Société géographique royale d’Angleterre en Amérique du Sud, où il devra mener une opération périlleuse de cartographie qui pourrait bien éviter une guerre entre le Brésil et la Bolivie. Le militaire de carrière accepte à reculons, craignant de devoir s’abstenir pendant longtemps de sa femme Nina qui attend leur deuxième enfant. Il espère cependant rétablir le nom de sa famille et obtenir enfin une médaille, à condition de revenir vivant de l’Amazonie. La mission en pleine jungle s’avère particulièrement éprouvante, mais Fawcett et son fidèle aide de camp Henry Costin réussissent à remonter le Rio Verde jusqu’à sa source. C’est par contre la découverte annexe de poterie ancestrale qui incite l’explorateur à vouloir retourner à tout prix dans ce continent méconnu, afin de mieux y étudier les cultures indigènes.

En remontant le fleuve

The Lost City of Z n’est guère pressé de trouver le rythme convenable à l’incroyable odyssée de son héros. A l’image de cet officier, tiraillé entre son parcours militaire jusque là en panne d’exploits brillants et une vie de famille à laquelle il voudrait tant participer plus activement, le récit ne semble au début pas trop savoir où il veut en venir avec ce drame d’époque, au croisement historique entre le respect des traditions et un état d’esprit moins borné. Avant que le théâtre de l’action ne s’exile finalement en Amérique latine, nous assistons donc à une évocation minutieuse du contexte social, riche en frustrations et autres humiliations personnelles, auquel Percy Fawcett aurait davantage aimé échapper en prouvant sa valeur d’homme sur le champ de bataille. Ce va-et-vient entre l’identité au sein d’un monde civilisé dans toute sa rigidité et la liberté nourrie par l’équilibre précaire entre la vie et la mort ressenti en territoire inconnu servira de fil rouge tout au long du film. Il faudra en effet trois expéditions distinctes, chacune mise sur pied selon des exigences financières et scientifiques variables, pour que le protagoniste puisse enfin atteindre son nirvana. Bien que cette démarche – d’ailleurs étrangement spirituelle de la part d’un réalisateur aussi fataliste que James Gray – nous fasse indirectement penser aux films les plus inspirés du chamanisme de Jan Kounen, elle permet surtout à l’intrigue de trouver un équilibre prodigieux, quelque part entre les grands enjeux géopolitiques d’il y a un siècle et une obsession intime, plus forte que la guerre ou d’éventuelles responsabilités familiales, pourtant maintes fois mises en avant.

Trouver un foyer à son âme

En dehors de l’idéalisme qui fournit une énergie infatigable au personnage principal, le deuxième pilier sur lequel s’appuie l’histoire est la sérénité, elle aussi une notion jusqu’à présent plutôt absente des microcosmes tortueux créés par James Gray. Tandis que l’on peut qualifier le calme né du recul affectif par rapport au feu de l’action de constante dans la filmographie du réalisateur, il y était sensiblement plus rare de trouver des personnages dont la santé mentale ne cédait pas à la panique au moindre contre-temps. La raison fait ici par conséquent la force des explorateurs téméraires, qui sacrifient certes tout à la réussite de leur mission, mais qui savent en même temps faire la part des choses. Le plus exemplaire d’entre eux est bien entendu Percy Fawcett, à qui Charlie Hunnam confère une détermination intérieure assez fascinante. Son portrait nuancé aurait cependant été bancal, si ce n’était pour les personnages secondaires qui l’entourent, eux aussi vigoureux et dynamiques : son épouse interprétée par Sienna Miller, qui supporte du point de vue féminin le même type de démon – en apparence contradictoire – du devoir et de l’émancipation que son mari, ou bien Robert Pattinson dans un nouveau rôle solide et dépourvu de toute vanité. Enfin, l’apparition anecdotique de Franco Nero en baron d’esclaves digne de l’univers poisseux d’Apocalypse Now et d’autres aventures psychédéliques comparables dénoterait presque dans le cadre d’un film, qui tente justement de priver l’environnement sauvage de la jungle de tout coloris exotique avec lequel le cinéma l’a affublé depuis des décennies.

Conclusion

Au bout de cinq films au fond assez interchangeables, James Gray part enfin vers de nouveaux horizons. Et nous l’accompagnons avec plaisir au cours de ce voyage avare en poncifs et autres poses héroïques superficielles. The Lost City of Z n’est pas tout à fait un film d’aventure à l’ancienne, pas plus qu’il ne s’emploie à démonter méthodiquement les clichés d’antan. Il s’agit de l’exploration, toujours aussi peu tendancieuse et manipulatrice, de la vie d’un homme en avance sur son temps, qui a néanmoins su se donner les moyens pour atteindre le but de son rêve, aussi mystérieux soit-il en fin de compte.

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