Bergamo Film Meeting 2017 : Diorthosi

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Diorthosi

Grèce, 2007
Titre original : Diorthosi
Réalisateur : Thanos Anastopoulos
Scénario : Thanos Anastopoulos et Vasilis Raisis
Acteurs : Yorgos Symeonidis, Ornela Kapitani, Savina Alimani
Distribution : –
Durée : 1h25
Genre : Drame
Date de sortie : –

Note : 3/5

Avant la crise financière et migratoire, en amont des bizarreries cinématographiques pour lesquelles le réalisateur Yorgos Lanthimos reçoit désormais une attention internationale sans partage, se passait-il quelque chose dans les rues et sur les écrans grecs ? Cette interrogation à peine facétieuse trouve une réponse des plus stimulantes à travers le deuxième long-métrage de fiction du réalisateur Thanos Anastopoulos, dont le documentaire L’ultima spiaggia était sorti en France en novembre dernier. Projeté au Festival de Bergame dans la sélection Europe now !, Diorthosi porte déjà en lui à l’état embryonnaire les troubles sociaux et les obsessions filmiques dont on ne pouvait guère se douter il y a dix ans. C’est un film sobre, voire minimaliste, qui s’appuie principalement sur la force de ses images pour conter l’histoire d’une rédemption impossible. Tandis que la vague des réfugiés syriens n’était alors qu’une improbable utopie, l’immigration albanaise causait des frictions tangibles dans la société grecque. Et les perversions assumées d’objets filmiques inclassables comme Canine ou Alps y sont indirectement anticipées par l’intermédiaire d’un harcèlement jamais tout à fait en mesure de se défaire de son origine glauque.

Synopsis : Yorgos sort de prison, après y avoir purgé une peine de quatre ans. Il erre sans but dans les rues d’Athènes. L’un de ses rares repères est un centre d’accueil pour anciens détenus, qui est cependant déjà trop chargé pour l’accueillir pleinement. Sans domicile fixe, il observe de loin une femme qui travaille dans un restaurant et sa fille. Ce ne sont toutefois point de joyeuses retrouvailles qui se préparent, ni avec cette mère meurtrie, ni avec les anciens compagnons hooligans de Yorgos.

Une question d’appartenance

L’immense majorité du récit de Diorthosi repose sur une atmosphère oppressante, due à notre ignorance quant aux motivations des personnages et aux liens entre eux, que le scénario dissipe très progressivement. Or, le choix manifeste de la part de la mise en scène de laisser le plus longtemps possible le spectateur dans le flou s’avère en fin de compte bénéfique à la tension dramatique qui sous-tend le film d’un bout à l’autre. Notre volonté d’identification avec ce paria taciturne et ténébreux, que Yorgos Symeonidis joue avec une intensité impassible, se démultiplie en effet au fur et à mesure que ses nombreux dilemmes existentiels sont révélés. L’accumulation de ses problèmes, entre le chômage et une précarité croissante d’un côté et son incapacité de renouer avec un passé peu glorieux de l’autre, ne culmine ainsi pas dans un misérabilisme trop facile, d’un point de vue formel et thématique. Elle se traduit au contraire par un regard nuancé sur l’ostracisme aveugle dont tombaient victimes les habitants les plus fragiles de la Grèce des années 2000. Vu le contexte géopolitique et financier actuel, il est fort à craindre que la situation ne se soit nullement arrangée depuis. Ce qui n’implique pas que ce film tenterait de se dresser en pamphlet prémonitoire de la révolte contre une instabilité omniprésente. Pour cela, il s’investit beaucoup trop dans l’évocation intimiste d’un destin, qui aspire en premier lieu à se soustraire à toute récupération extrémiste.

Une vie derrière les barreaux

Le vocabulaire formel employé par Thanos Anastopoulos pour exprimer cette tentative malheureuse de reprendre pied dans une société cruellement cloisonnée ne brille certes pas par sa variété. Les nombreuses mises au point à l’intérieur des plans, en guise de créateur de profondeur expressive du champ, risquent en fait de susciter un effet de répétition pas nécessairement probant. Il n’empêche que l’exploration de l’espace procède à une mise en abîme assez astucieuse du monde urbain dans lequel erre Yorgos. Ce sont notamment les différentes perspectives, mises à contribution pour relayer la traque à distance et néanmoins passablement malsaine de la mère et de sa fille par l’ex-détenu, qui enferment à dessein la narration dans un dédale d’obstacles visuels. Là encore, le motif des barres derrière lesquelles se cache le protagoniste ou qui, de façon plus conventionnelle, l’enferment a tendance à devenir un brin rébarbatif. Il reste cependant cohérent dans le projet global d’un film aux ambitions esthétiques mesurées, qui ne court pas après le fait sensationnel, mais qui s’intéresse au douloureux travail de rafistolage existentiel de l’après.

Conclusion

L’une des raisons principales pour lesquelles nous aimons fréquenter – un peu partout en France et désormais en Europe – des festivals à la programmation exigeante et hors des sentiers battus, c’est de ne jamais trop savoir sur quel type de curiosité on va tomber en se glissant dans les deux ou trois salles récurrentes de ces manifestations cinématographiques hélas trop confidentielles. Ce film grec, passé largement inaperçu il y a près de dix ans, peut valoir le détour, à condition que vous fassiez preuve du même trait de caractère que son personnage principal : la patience, indispensable afin de se laisser happer par cette histoire à l’intensité plus que subtile !

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