Cannes 70 : quand la compétition s’anime

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70 ans, 70 textes, 70 instantanés comme autant de fragments épars, sans chronologie mais pas au hasard, pour fêter les noces de platine des cinéphiles du monde entier avec le Festival de Cannes. En partenariat avec le site Écran Noir, nous lançons le compte à rebours : pendant les 70 jours précédant la 70e édition, nous nous replongeons quotidiennement dans ses 69 premières années…

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Quand on évoque les long-métrages sélectionnés à Cannes, on pense rarement aux films d’animation. Pour preuve, aucun film d’animation n’a remporté de Palme d’or, et leur présence se limite dans le meilleur des cas à un ou deux films sur une vingtaine. Prenons l’exemple de l’année dernière. En prenant en compte les sélections parallèles, trois long-métrages d’animation étaient présentés, mais aucun en compétition officielle : La tortue rouge de Mikael Dudök de Wit à Un certain regard, Ma vie de Courgette de Claude Barras à la Quinzaine des Réalisateurs et La jeune fille sans mains de Sébastien Laudenbach à l’ACID. Trois films qui ont connu un beau succès critique, bien supérieur à d’autres films en compétition d’ailleurs, et qui n’auraient certainement pas démérité auprès des autres films concourant pour la Palme d’or.

D’ailleurs, lors de l’édition de 2004 (déjà brièvement évoquée ici), deux films d’animation étaient en compétition. Un choix à saluer, mais plutôt surprenant, les deux films étant aux antipodes l’un de l’autre. D’un côté, le divertissement familial Shrek 2, de l’autre, une complexe réflexion philosophique sur la condition humaine, suite d’un classique de la S.-F. japonaise : Innocence : Ghost in the shell 2. Saluons l’audace de Thierry Frémaux avec ces deux choix, qui seront peu répétés les années suivantes (peut être que l’initiative n’a pas été bien accueillie…). Si on remonte dans le temps, il n’est cependant pas rare de croiser des films d’animation qui sortent du lot. En 1980, une comédie préhistorique pastichant la théorie de l’évolution de Darwin, Le Chaînon manquant du Belge Picha, a eu droit aux honneurs de la compétition officielle. Huit ans auparavant, le « sulfureux » Fritz the cat était présenté à la Semaine de la critique : une adaptation du personnage de B.D. underground éponyme, résolument pour adultes (premier film d’animation à être classé X aux Etats-Unis !), qui a dû avoir du succès, car on retrouvera en 1974 sa suite Les neufs vies de Fritz le chat en compétition officielle. En 1973, La planète sauvage de René Laloux obtient même le Prix spécial du jury ! Comme nous l’évoquions hier dans notre texte sur les adaptations sur Shakespeare, Le Songe d’une nuit d’été fut présenté en 1959 dans une version animée en marionnettes par le tchécoslovaque Jiří Trnka. Plus récemment Persepolis de Vincent Paronnaud et Marjane Satrapi, adapté de la bande dessinée de cette dernière reçoit le prix spécial du jury en 2007 (ex-aequo avec Lumière silencieuse de Carlos Reygadas) et en 2008 le documentaire animé Valse avec Bashir d’Ari Folman impressionne les festivaliers.

La présence en compétition officielle n’est cependant pas l’apanage d’une production résolument tournée adultes – du moins pas au débuts. En 1946, Disney présente sur la croisette deux courts-métrages et un long. Peinture fraîche met ainsi en scène Donald aux prises avec un oiseau l’empêchant de repeindre sa voiture, et dans Le chiot dérobé Pluto tente de sauver un chiot. Quant à La boîte à musique, un long-métrage qui n’en est pas vraiment un (il s’agit en réalité d’une compilation de dix court-métrages), il remportera le Grand prix international du Dessin animé. Une récompense qui disparaît lors des éditions suivantes, ce qui n’empêche pas Disney de remporter coup sur coup un Grand Prix du dessin animé pour Dumbo (1947), et un autre pour L’île aux phoques l’année suivante. Il est amusant de noter la présence de Disney sur la croisette lors des premières années du Festival, et Walt en personne viendra présenter Peter pan en 1954 – et recevra une légion d’honneur de la part du ministre de l’information d’alors. Les décennies suivantes cependant il n’y aura plus de proximité apparente entre le studio aux grandes oreilles et la Riviera : Mary Poppins (1962), La petite sirène (1990) et La belle et la bête (1992) seront présentés hors-compétition, de même que le court-métrage Mickey perd la tête en 1996. Pour élargir aux studios Pixar, rachetés il y a onze ans par Disney, rappelons nous que Là-haut (2011) a récemment ouvert le festival, et que Vice-versa, présenté hors compétition, a été accueilli à bras ouverts en 2015, certains festivaliers jugeant même qu’il était supérieur aux films en lice pour la Palme d’or.

Le Festival de Cannes ne les a certes pas mis en avant, mais historiquement il n’a pas toujours boudé les films d’animations en compétition officielle. Si ce sont des films plutôt « adultes » qui sont présentés, ouvrir les festivités avec des films multi-générationnels comme Là-haut et Vice-versa est tout même bon signe. De plus, l’absence de prix spéciaux « animations » (contrairement aux César) prouve qu’à Cannes les films d’animation sont des œuvres à part entière au sein de la production cinématographique !

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