Berlinale 2017 : L’Autre côté de l’espoir

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L’Autre côté de l’espoir

Finlande, 2017
Titre original : Toivon tuolla puolen
Réalisateur : Aki Kaurismäki
Scénario : Aki Kaurismäki
Acteurs : Sherwan Haji, Sakari Kuosmanen, Janne Hyytiäinen
Distribution : Diaphana Distribution
Durée : 1h40
Genre : Drame de réfugiés
Date de sortie : 15 mars 2017

Note : 3/5

Par les temps mouvementés qui courent, où la problématique des réfugiés provoque souvent de l’indignation bien intentionnée, mais rarement des actions concrètes pour en venir à bout, est-il convenable d’avoir un grand sourire aux lèvres en regardant un film qui traite frontalement le sujet ? Trouver matière à rire alors que de misérables rescapés de la guerre frappent à la porte d’une Europe largement indifférente car préservée, cela relève sinon du miracle, tout au moins d’un grand écart difficile à accomplir sans se vautrer dans la complaisance ou le chantage aux sentiments. Après avoir déjà tourné, il y a six ans, un très beau film sur la possibilité d’une entente constructive entre autochtones et réfugiés avec Le Havre, Aki Kaurismäki récidive pour notre plus grand bonheur en ce début d’année avec L’Autre côté de l’espoir. Il s’agit d’un film 100 % estampillé Kaurismäki, tellement le réalisateur y cultive son humour hautement caustique, tout en découvrant accessoirement que l’impassibilité typiquement finlandaise peut être un rempart insoupçonné contre la haine et l’exclusion.

Synopsis : Le mécanicien syrien Khaled arrive en Finlande à bord d’un cargo et y demande asile. Pendant que son dossier est étudié par les autorités, il est condamné à l’oisiveté et à la crainte pour sa sœur Miriam, dont il avait été séparé sur la route des Balkans. En même temps, le représentant commercial Wikhstrom décide de changer complètement de vie, en quittant sa femme alcoolique et en vendant son stock de chemises. Il achète la licence d’un restaurant auquel il espère donner un nouveau souffle. Un matin, il trouve Khaled couché dans son local poubelles et, impressionné par son courage, décide de donner un coup de pouce à ce jeune homme sur le point d’être expulsé.

Les Syriens arrivent, les Syriens arrivent

Aki Kaurismäki aura bientôt soixante ans. Avec déjà une petite vingtaine de films à son actif, il serait présomptueux de s’attendre à un changement radical de direction artistique de la part d’un réalisateur, qui sait capter comme personne d’autre le flegme presque pathologique de ses compatriotes. Dans un film du cadet des frères Kaurismäki, on parle très peu, on agit à peine plus et, surtout, on fait passer ses états d’âme par des signes plus détournés que des répliques platement explicatives. La preuve dès les premières minutes de ce film gracieux, lorsque tout est dit par l’image et à la limite par quelques regards et gestes dépités pour faire comprendre au spectateur que c’est fini entre Wikhstrom et son épouse. Le vocabulaire visuel reste joliment expressif tout au long du film, avec ces décors épurés, comme venus d’une décennie antérieure, que les personnages traversent sans se presser, à moins qu’ils n’y soient carrément figés. En effet, voir un personnage surgir d’une coulée de charbon ou bien surprendre le cuistot du restaurant en train de dormir aux fourneaux, cela n’a rien d’étonnant dans un contexte pictural, qui puise une part importante de sa vérité et de sa beauté dans son don d’observation subtilement décalé.

Le « Nous y arriverons », version finlandaise

Au niveau du propos, le même constat s’impose, puisque Aki Kaurismäki célèbre une forme de douce utopie, sans se faire d’illusions sur la méchanceté du monde réel. Le terme « les gens biens » revient ainsi régulièrement pour indiquer que l’avenir de la caste des défavorisés dépendra de ces gardiens discrets de la justice, puisqu’il ne faudra s’attendre à rien de la part des représentants de la juridiction officielle, appliquant sommairement des articles et des chiffres au lieu de tendre l’oreille aux plaintes des déplacés. Pour Khaled, un personnage conçu par le biais d’une écriture sobre qui ne cherche à aucun moment à en faire le symbole d’une communauté criblée de préjugés, la bouée de sauvetage étonnante se présente sous les traits du patron du restaurant. Ce dernier véhicule lui aussi une certaine ambiguïté des intentions. Elles sont d’autant plus difficiles à cerner que l’homme ne brille point par son expressivité, un avantage au moins dans le cercle confidentiel des parties de poker clandestines.

En tant que drame de réfugiés – le genre dans lequel on classerait L’Autre côté de l’espoir par défaut –, le récit passe en fait beaucoup de temps auprès de Wikhstrom et de ses improbables acolytes, au détriment des péripéties pas toujours très drôles de Khaled. Cet équilibre narratif, acquis grâce à l’éloignement de la tragédie la plus éprouvante, pourrait alors être interprété également en tant que commentaire fort lucide sur le besoin de ne pas exclusivement se focaliser sur ces pauvres gens loin de chez eux, mais au contraire de leur donner leur chance à retrouver un peu de normalité. Ce qui est, en somme, le message fort recommandable de ce film qui l’est guère moins.

Conclusion

Pour certains, ce film finlandais serait le candidat idéal pour l’Ours d’or du 67ème Festival de Berlin, histoire de sauver les meubles d’une compétition globalement plutôt anémique cette année-ci. Même si notre enthousiasme ne va pas jusque là, nous reconnaissons volontairement la magistrale cohérence du film au sein de l’œuvre de Aki Kaurismäki, qui sait rester pertinent par le choix de son sujet dans l’air du temps, tout en le détournant délicatement vers ses propres envies joyeusement blasées.

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