Berlinale 2017 : The Dinner (Oren Moverman)

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The Dinner

Etats-Unis, 2016
Titre original : The Dinner
Réalisateur : Oren Moverman
Scénario : Oren Moverman et Herman Koch, d’après le roman de Herman Koch
Acteurs : Richard Gere, Laura Linney, Steve Coogan, Rebecca Hall
Distribution : –
Durée : 2h01
Genre : Drame
Date de sortie : –

Note : 3/5

Le réalisateur Oren Moverman nous avait complètement enthousiasmés avec son premier film The Messenger, présenté au Festival de Deauville en 2009 et honteusement resté inédit en salles en France depuis, une plongée poignante dans le monde éprouvant des soldats chargés de prévenir les proches des militaires tombés au combat. Puisque nous savons donc pertinemment à quoi nous pouvons nous attendre de sa part, la suite de sa filmographie nous a plutôt déçus, faute de pouvoir renouveler la révélation initiale. Alors que son troisième film Time out of mind est lui aussi aux abonnés absents en France, son deuxième, le policier Rampart, indiquait déjà un certain penchant pour l’alourdissement du ton. Ce développement assez préoccupant se poursuit avec The Dinner, présenté cette année en compétition au 67ème Festival de Berlin, qui s’engouffre – après un début à la noirceur prometteuse – dans des règlements de comptes de plus en plus alambiqués. Le dispositif suffocant de la réunion de famille, au cours de laquelle tout le linge sale accumulé depuis des années est censé être déballé, y vole en effet bien trop tôt en éclats, avant que l’intensité dramatique ne soit parvenue à son comble.

Synopsis : L’ancien professeur Paul ne se rend qu’avec une immense réticence au dîner que son frère, le député Stan Lohman, a organisé dans un restaurant gastronomique. Il craint que les différents qui ont empoisonné leurs rapports pendant des années ne remontent à la surface, alors qu’une question importante devra être réglée de toute urgence. Derrière la façade de la campagne électorale et d’un vote décisif au congrès d’un côté, et la peur de voir sa famille fragilisée par la maladie récente de sa femme Claire et les frasques de son fils adolescent Michael de l’autre, rien ne va plus au sein des deux couples de la famille Lohman. Alors qu’un repas somptueux leur est servi, Paul et Claire, ainsi que Stan et Katelyn cherchent en vain à faire bonne mine face à la tragédie qui les bouleverse tous.

La haine comme mantra

Cela commence plutôt bien, avec une profession de foi en voix off de la part de Paul, qui se distingue par un nihilisme misanthrope comme on en trouve rarement dans le cinéma américain. Sous les traits de Steve Coogan, qui y trouve une nouvelle fois un rôle à la hauteur de son talent de bouffon tragique, ce quinquagénaire horriblement blasé crache sans ménagement tout le dédain qu’il éprouve pour l’humanité en général et la civilisation contemporaine en particulier. A l’état embryonnaire, il y avait là la promesse d’un regard satirique mordant, qui aurait pris pour cible la bourgeoisie des Etats-Unis, figée dans le simulacre du politiquement correct et pourtant pas mieux préparée à affronter les vicissitudes de la réalité que des personnes moins bien loties. Hélas, plutôt que de s’amuser malicieusement avec ce point de vue nihiliste et hermétiquement fermé à toute manifestation d’optimisme, la mise en scène s’emploie à vouloir l’expliquer assez platement par un passé trop lourd à porter pour un seul homme. Progressivement dépossédé du point d’identification privilégié, Paul finit par être supplanté par son épouse, à laquelle Laura Linney confère certes une férocité maternelle effrayante, quoique pas non plus hors de la zone de confort pour cette comédienne éprouvée.

Trop de casseroles

Ces deux tours de force mis à part, comparé auxquels Richard Gere et Rebecca Hall dans des rôles incomparablement plus raisonnés et raisonnables ne font guère le poids, il ne reste qu’un récit fâcheusement farfelu et incapable de se focaliser sur le cœur de l’histoire. Au lieu de faire monter la tension tout au long d’un dîner mondain, qui commencerait avec des bavardages anodins pour mieux culminer dans des engueulades barbares, Oren Moverman quitte bien trop tôt le cadre soyeux du restaurant de luxe afin de se fourvoyer dans de nombreux retours en arrière, plus pesants les uns que les autres. Aucun détail de la pénible histoire de famille n’est alors épargné, comme si cette explication ennuyeusement exhaustive rendait les éclats de colère plus compréhensibles. Pire encore, d’un point de vue formel, la juxtaposition des intrigues draine toute énergie dramatique du récit, qui finit sans surprise sur une note tristement bâclée.

 

Conclusion

Après avoir vu ce nouveau film de Oren Moverman, nous sommes encore plus réticents qu’auparavant à soutenir son type de cinéma sans réserve. Il y a bien évidemment quelques morceaux de bravoure dans The Dinner, notamment pendant la première partie, lorsque les antagonismes ne sont pas encore muselés par un carcan d’explications en fin de compte superflues. Mais dans l’ensemble, le récit aurait grandement bénéficié de plus de simplicité, ce qui aurait éventuellement permis à tous les acteurs d’atteindre le même degré d’intensité que Steve Coogan et Laura Linney.

https://youtu.be/3ApuUYVWT2Q

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