Critique : La communauté

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La communauté

Danemark : 2016
Titre original :Kollektivet

Réalisation : Thomas Vinterberg
Scénario : Thomas Vinterberg, Tobias Lindholm
Acteurs : Trine Dyrholm, Ulrich Thomsen, Helene Reingaard Neumann
Distribution : Le Pacte
Durée : 1h51
Genre : Drame
Date de sortie : 18 janvier 2017

4/5

En 1995, deux réalisateurs danois lançaient un mouvement cinématographique intitulé Dogme95. Leurs noms : Lars Von Trier et Thomas Vinterberg. Les 10 règles édictées dans leur manifeste et réunies sous l’appellation de « vœu de chasteté » avaient pour but de revenir à un cinéma en prise avec le réel alors que, à l’époque, le cinéma anglo-saxon faisait déjà un usage de plus en plus important des effets spéciaux. En 1998, Thomas Vinterberg réalisait Festen, son premier film estampillé Dogme95. Un film qui obtint le Prix du jury au Festival de Cannes 1998 et qui reste dans les mémoires des cinéphiles comme le film le plus réussi et le plus important issu de ce mouvement qui, officiellement, n’a duré que 10 ans mais dont des traces sont toujours présentes dans de nombreux films, tels, récemment, A second chance de la danoise Susanne Bier et L’ennemi de la classe du slovène Rok Biček. Après un épisode britannique consacré à la réalisation de Loin de la foule déchaînée, Thomas Vinterberg est de retour au Danemark avec La communauté, adaptation d’une pièce de théâtre qu’il a écrite et film dans lequel on retrouve tout ce qui fait la force du réalisateur de Festen et de La chasse. On doit l’écriture du scénario de La communauté à Thomas Vinterberg et à Tobias Lindholm, réalisateur de Hijacking et de A war et un des scénaristes de la série Borgen.

Synopsis : Dans les années 1970, au Danemark, Erik, professeur d’architecture, et Anna, journaliste à la télévision, s’installent avec leur fille de 14 ans, Freja, dans une villa d’un quartier huppé de Copenhague où ils décident de tenter l’expérience de la communauté. Ils y invitent donc des amis mais aussi de nouvelles connaissances à partager là une vie en collectivité où toutes les règles, toutes les décisions sont prises de manière collégiale et soumises à un vote. Si leur communauté favorise l’amitié, l’amour et l’intimité du groupe, une liaison amoureuse entre Erik et l’une de ses étudiantes va venir perturber la vie de tous…

 

Que faire d’une trop grande maison ?

Lorsque Erik, la quarantaine, professeur d’architecture, hérite d’une très grande maison d’un quartier chic de la banlieue de Copenhague, lui et sa femme Anna, journaliste vedette de la télévision, ne savent pas trop quoi en faire. En effet, cette maison est manifestement trop grande pour abriter le trio qu’ils forment avec Freja, leur fille de 14 ans, les coûts prévisibles d’entretien et de chauffage dépassant leurs possibilités financières. Par contre, la dimension de la maison permettrait de loger un nombre important de personnes d’où l’idée que suggère Anna : créer une sorte de communauté dont les membres participeraient collégialement à ces coûts. Nous sommes dans les années 70 et la vie en communauté est un phénomène tendance de l’époque. Dans cette communauté qui s’apparente beaucoup à une colocation, l’entrée des membres se fait par cooptation, la cohabitation suit des règles précises, les décisions importantes sont votées en assemblée et, à part quelques anicroches ponctuelles, tout se déroule relativement bien, le plus souvent dans le rire et la bonne humeur. Jusqu’au jour où un événement de type individuel va rejaillir sur la communauté : Erik se fait draguer par Emma, une de ses étudiantes !

Un film qui devient de plus en plus fort et intense

Pour raconter comment peut se dérouler la vie en communauté dans une grande maison, il a suffi à Thomas Vinterberg d’aller plonger dans ses souvenirs : de 7 ans à 19 ans, il a lui-même vécu au sein d’une communauté et il en garde un excellent souvenir. Dans La communauté, après avoir lancé les protagonistes du film sur les rails de cette vie en commun, il retrouve un thème qui lui cher : comme dans Festen, comme dans La chasse, il décortique les relations entre des individus faisant partie d’un groupe et, plus encore, les interactions entre un groupe pris comme une entité et un ou plusieurs des individus qui le compose. Dans Festen, le groupe était familial, dans La chasse, c’était une communauté villageoise, dans La communauté, il s’agit d’un groupe de personnes qui ont choisi de vivre ensemble dans une grande maison.

Lorsqu’on est un adepte du cinéma de Thomas Vinterberg, on peut se montrer déçu par le début du film, même si la façon dont se « monte » la communauté et la description de son organisation réservent quelques moments savoureux. Et puis, petit à petit, le film devient plus fort, plus intense, plus passionnant. On fait connaissance avec Emma, on se désolidarise d’Erik dont les colères et l’égoïsme arrivent à le rendre imbuvable à nos yeux, on compatit au sort d’Anna, une épouse sensible et (trop) compréhensive, au point de suggérer que sa rivale vienne rejoindre la communauté à titre d’essai, on s’amuse à observer la façon dont Freja, la fille du couple, observe et juge ce qui se passe autour d’elle. Et pendant tout ce temps, la caméra de Thomas Vinterberg et de Jesper Tøffner, son directeur de la photographie, arrive à nous transformer en membres de cette communauté en scrutant pour nous, avec beaucoup de soin,  les visages des protagonistes.

Une excellente distribution

 Les séries et les films danois nous le prouvent régulièrement : ce petit pays de 6 millions d’habitants regorge d’acteurs de grand talent. On en retrouve un certain nombre dans La communauté, dont Trine Dyrholm déjà présente dans Festen et récompensée de l’Ours d’argent de la meilleure actrice lors de la Berlinade 2016 pour son interprétation d’Anna. Ulrich Thomsen, l’interprète du rôle d’Erik, était lui aussi présent dans Festen et on l’a rencontré dans de nombreux films de Susan Bier. Dans cette distribution de grande qualité se glisse une débutante très prometteuse : Martha Sofie Wallstrøm Hansen, l’interprète de Freja, une jeune comédienne qui, physiquement, ressemble à un ange de la peinture florentine et dont on peut penser qu’elle évoque le personnage de Thomas Vinterberg  vivant sa jeunesse au sein d’une communauté.

Conclusion

L’affiche de La communauté affirme qu’il s’agit du meilleur film de Thomas Vinterberg depuis Festen. C’est faire peu de cas de La chasse qui, pour beaucoup, représente le sommet de l’œuvre du réalisateur danois. Par contre, il n’est pas faux d’affirmer que La communauté est un film d’une telle force, d’une telle intensité qu’il fait partie des films à voir en priorité en ce début d’année.

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