Test Blu-ray : Terreur sur la lagune

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Terreur sur la lagune

Italie : 1978
Titre original : Solamente nero
Réalisateur : Antonio Bido
Scénario : Antonio Bido, Marisa Andalò, Domenico Malan
Acteurs : Lino Capolicchio, Stefania Casini, Craig Hill
Éditeur : Le chat qui fume
Durée : 1h49
Genre : Thriller, Horreur
Date de sortie DVD/BR : 2 novembre 2016

 

 

Jeune professeur à l’université de Rome, Stefano D’Archangelo profite des vacances d’été pour aller voir son frère, Don Paolo, prêtre dans une paroisse proche de Venise. En chemin, il rencontre la belle Sandra, artiste peintre qui vit avec sa mère paralysée. Le soir même de son arrivée, une médium est étranglée en face du presbytère, sous les yeux de Don Paolo. La vision du cadavre provoque chez Stefano une série de flash-back lui renvoyant l’image d’un petit garçon effrayé caché derrière un buisson. Dès lors, un tueur élimine un par un les participants aux séances de spiritisme dirigées par la médium. Tous ces crimes auraient-ils un lien avec le meurtre d’une jeune fille, vingt ans auparavant ?

 

 

Le film

[4/5]

De l’énorme vague de gialli (ces sanglants thrillers italiens évoluant entre le policier, l’horreur et, parfois, l’érotisme) ayant déferlé sur l’Europe dans les années 70/80, puis, dans une moindre mesure, au début des années 2000 avec l’avènement du format DVD, certains films semblaient injustement retombés dans l’oubli et ne restaient vivaces que dans les souvenirs de ceux qui les avaient vus ou en conservaient précieusement une VHS dans un carton ou sur une étagère.

Resté inédit en France depuis son exploitation en VHS dans les années 80 sous les couleurs de Hollywood Vidéo, Terreur sur la lagune (Antonio Bido, 1978) faisait, jusqu’à ce que Le chat qui fume le ressorte de ses cartons magiques fin 2016, partie de ces films un peu « oubliés », malgré des qualités techniques tout à fait recommandables. Cependant, quand on (re)découvre le film aujourd’hui, on tend à comprendre les raisons de cette postérité contrariée – pas parce que le film est quelconque, bien au contraire ! Mais tout simplement parce qu’il s’agit d’un film formellement très élégant, respectant à la lettre les codes du genre telles qu’ils avaient été établis, quelques années auparavant, par Mario Bava et, surtout, par Dario Argento et son Oiseau au plumage de cristal (1970), qui constitue une influence majeure -presque écrasante- sur le film de Bido.

Ce classicisme formel s’ajoute par ailleurs à l’utilisation d’un décor très en vogue dans les années 70 : la ville de Venise. La ville chérie des romantiques a en effet déjà tenu lieu de décor dans de nombreux gialli et autres films horrifiques, allant de Amuck (Silvio Amadio, 1972 – bientôt chez Le chat qui fume !) à Qui l’a vue mourir ? (Aldo Lado, 1972), en passant par le très surestimé Ne vous retournez pas (Nicolas Roeg, 1973). En deux mots, aussi élégant et bien foutu soit-il, Terreur sur la lagune a pu donner l’impression d’une sorte de « reader’s digest », de melting-pot de bons éléments empruntés à des films qui le précédaient, ce qui, au cœur d’un genre aussi déviant et excessif que le giallo, a probablement sonné avec le temps comme un manque de personnalité, et condamné le film de Bido à s’effacer derrière d’autres gialli. Des gialli par ailleurs parfois moins bons que Terreur sur la lagune, mais qui auront su d’avantage imprimer les mémoires grâce, par exemple, à des outrances plus marquées, plus graphiques, ou même à une légère tendance à l’hystérie (autant de caractéristiques qui sont également, admettons-le, de celles qui font que l’on aime ce genre).

Néanmoins, le recul temporel permettra à coup sûr au spectateur des années 2010 d’apprécier Terreur sur la lagune à sa juste valeur : celle d’un « petit » classique du giallo, riche d’une ambiance inquiétante touchant à l’essence du genre (l’ombre d’Edgar Wallace plane au dessus de l’intrigue), de la composition moderne et entêtante de Stelvio Cipriani, et d’une photographie fort classieuse signée Mario Vulpiani. La réalisation est aussi carrée que solide, et les scènes en « vision subjective » dans la peau du tueur démontrent une certaine maestria technique – on sent bien la volonté du cinéaste de se rapprocher des « grands » films ayant vu naître le giallo, afin sans doute d’en retrouver la classe à une époque (1978) où le genre est plutôt sur la pente descendante. On notera d’ailleurs qu’il ne s’agissait pas là d’un coup d’essai de la part d’Antonio Bido, puisque ce dernier avait déjà réalisé l’année précédente Il gatto dagli occhi di giada (littéralement Le chat aux yeux de jade, mais plus connu chez nous sous son titre anglais Watch me when I kill), qu’on serait bien curieux de découvrir. Côté acteurs/trices, on trouvera dans Terreur sur la lagune quelques têtes bien connues des amateurs du genre, telles que Lino Capolicchio (La maison aux fenêtres qui rient), ou encore Stefania Casini (Suspiria), qui s’offre d’ailleurs une scène de fesse visiblement imposée par la production tant elle tombe comme un cheveu sur la soupe et détonne avec le reste du métrage.

 

 

Le Combo Blu-ray + DVD + CD

[5/5]

Aussi inattendue que réjouissante, la réapparition de Terreur sur la lagune s’est donc faite sous les couleurs du Chat qui fume, dans un coffret « luxe » auxquels nous a habitué l’éditeur depuis la sortie du Venin de la peur en 2015. Le film d’Antonio Bido débarque donc dans un sublime digipack quatre volets contenant le Blu-ray du film + 2 DVD, ainsi que le CD de la très efficace bande-originale du film. Les collectionneurs sont aux anges, d’autant que comme à son habitude, l’éditeur français a non seulement soigné la qualité de son transfert Haute Définition, mais également veillé au grain en ce qui concerne la qualité des suppléments, qui auront vite fait de faire de ce coffret une nouvelle édition « définitive » à mettre à l’actif du Chat qui fume. Comme d’habitude avec l’éditeur, ce premier pressage est limité à 1000 exemplaires.

Côté image, la copie est quasi-irréprochable : la restauration a été faite avec soin, et le Blu-ray (naturellement encodé en 1080p) s’impose sans peine comme tout à fait respectueux des couleurs et de la granulation d’origine, tout en proposant un piqué et un niveau de détail assez bluffants. Les contrastes ne sont jamais pris à revers, et les (nombreuses) scènes nocturnes ne souffrent jamais de noirs « bouchés ». Les pistes audio ne sont pas en reste : les deux mixages (VF / VO) sont proposés en DTS-HD Master Audio 2.0 (mono d’origine). On perçoit certes quelques légers craquements sur la VO (contre toute attente, la VF est légèrement plus claire à ce niveau), mais on la préférera tout de même à la version française, non seulement parce qu’elle est plus convaincante d’un point de vue artistique, mais également parce qu’elle s’avère plus « punchy » sur les moments de bravoure du film. On notera que, comme souvent, la version française propose des passages en italien sous-titré, pour la raison simple et évidente que le film avait subi quelques coupes en arrivant dans l’hexagone.

Mais comme on le disait un peu plus haut, Le chat qui fume ne perd pas ses bonnes habitudes et nous propose, en plus de cette présentation du film littéralement impeccable, plus de deux heures de suppléments littéralement passionnants. Outre les DVD et le CD de la bande-originale (ce dernier s’avérant déjà, à lui-seul, un supplément de choix), la galette HD se révèle pleine à craquer de bonus. On commencera de façon logique avec Le monstre de Venise, un long entretien avec le réalisateur Antonio Bido. Ce dernier n’est pas avare en anecdotes, et revient de façon généreuse sur la petite histoire du film, en remettant le tournage dans son contexte historique : casting, tournage, sortie du film… Le cinéaste reviendra également (dans un module intitulé Les photos du crime) plus précisément sur divers éléments non évoqués durant l’interview. Antonio Bido présentera également son étrange court-métrage Danza Macabra, proposé pour la première fois en DVD. Après avoir passé presque une heure en compagnie de Bido, on pourra également s’attarder sur un entretien avec Lino Capolicchio dans Profondo Noir. L’acteur semble à première vue assez imbu de sa personne, mais il faut admettre qu’il délivre quelques souvenirs et anecdotes sur le tournage de Terreur sur la lagune qui complètent plutôt bien les propos de Bido.

Après avoir abordé le film en long, en large et en travers aux côtés du réalisateur et de son acteur principal, l’éditeur nous propose une plongée du côté de « l’analyse » de ce dernier. On commencera avec un entretien avec Jean-François Rauger (la Cinémathèque Française), qui revient sur le film avec le talent qu’on lui connaît. On poursuivra avec 3 gialli, un entretien avec Olivier Père (Arte), qui n’a rien à voir avec le film à proprement parler mais au cœur duquel le père Père dresse une liste de ses gialli préférés : en haut du podium, on trouvera le très sous-estimé Frissons d’horreur (Armando Crispino), en deuxième et ex-aequo 6 femmes pour l’assassin (Bava) et Les frissons de l’angoisse (Argento), et en troisième position les deux films d’Aldo Lado Je suis vivant et Qui l’a vue mourir ?.

Enfin, comme à son habitude, l’éditeur nous propose de découvrir Terreur sur la lagune en mode VHS, un transfert de la VHS du film, témoin s’il en fallait encore un de l’énorme bond qualitatif offert par le transfert Blu-ray présent dans cette édition. On terminera avec les génériques de début et de fin alternatifs anglais (3 minutes environ) ainsi qu’avec les traditionnelles bandes-annonces, de Terreur sur la lagune mais également de films à venir en 2017 chez Le chat qui fume, tels que le très attendu La longue nuit de l’exorcisme, réalisé par Lucio Fulci en 1972.

Et pour les chanceux ayant pré-commandé le Combo Blu-ray / DVD sur le site de l’éditeur, le coffret s’accompagnait également d’un superbe livret illustré de nombreuses photos de tournage.

 

1 COMMENTAIRE

  1. Bonjour,

    Quand on parle de « Côté image, la copie est quasi-irréprochable : la restauration a été faite avec soin », je pense avant tout qu’il faudrait ce renseigner avant de dire n’importe quoi !

    Possédant le Blu-ray anglais de 88 Films, j’ai pu m’apercevoir que le Blu-ray Le chat qui fume souffre de compression et même pire, une perte de détails laissant à penser qu’il a subi un nettoyage par DNR.

    Certes, cette édition est bien emballé, bon packaging, un contenu étoffé, mais cela cache la misère de l’encodage très moyen et c’est vraiment dommage car c’est avant tout le film qui nous intéresse.

    Alors oui, le Blu-ray de 88 Films (UK) est dénué de bonus, menu très basique, packaging amaray transparent, mais au moins il a le mérite de proposer le meilleur transfert, tout éditions confondus !

    Si je ne devais en garder qu’un, je pencherais sans hésiter pour le 88 Films et tant pis pour le côté collector de l’édition Le Chat qui fume.

    Cordialement,

    Frédéric H.

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