Critique : The Fits

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The Fits

Etats-Unis, 2015
Titre original : The Fits
Réalisateur : Anna Rose Holmer
Scénario : Anna Rose Holmer
Acteurs : Royalty Hightower, Alexis Neblett, Da’Sean Minor
Distribution : ARP Sélection
Durée : 1h12
Genre : Drame
Date de sortie : 11 janvier 2017

Note : 3/5

Toni n’est pas une fille comme les autres : elle n’en fait qu’à sa tête, abandonnant la protection de son frère aîné sur le ring de boxe pour s’essayer au sport en apparence plus féminin de la danse. Mais là non plus, elle n’arrive pas réellement à s’intégrer, à faire ses preuves en tant que membre d’un ensemble homogène. De toute façon, les exigences physiques de la chorégraphie du drill passent à l’arrière-plan, dès que les filles plus âgées du groupe tombent victimes d’étranges crises. Pour accommoder un personnage si atypique, évoluant de surcroît dans un univers qui risque constamment de basculer vers une perte de repères irrémédiable, il fallait un film d’exception. Le premier long-métrage de fiction de la réalisatrice Anna Rose Holmer réussit l’exploit, grâce à sa capacité de détourner nos attentes vers un récit mystérieux. The Fits est à première vue un conte guère rassurant sur le passage à l’adolescence. Il dispose cependant d’une ingéniosité formelle suffisante pour négocier ce cap, essentiel dans l’existence humaine, à l’écart des écueils habituels et sans le sublimer non plus par le biais de symboles lourds de sens.

Synopsis : Toni, onze ans, s’entraîne avec son frère aîné Jermaine dans la salle de boxe d’un centre culturel. Elle fait tache dans ce milieu très viril, dans lequel elle se sent pourtant à l’aise. Son allure de garçon manqué attire par contre les railleries des filles du groupe de danse les Lionnes, qui répète ses chorégraphies de hip-hop dans le même centre. Petit à petit, Toni ressent le besoin de se mesurer à ces gamines de son âge. Elle abandonne la boxe et rejoint l’équipe junior des danseuses, qui se préparent à une nouvelle compétition prestigieuse. Soudainement, la capitaine du groupe est prise d’une étrange crise. Au fil du temps, d’autres filles sont touchées, ce qui fait craindre aux autorités la contamination de l’eau issue de la canalisation du centre.

Petite boxeuse deviendra grande danseuse ?

Anna Rose Holmer adore visiblement perdre le spectateur dans un méandre de fausses pistes, jusqu’à ce qu’on ne sache plus où on en est avec une histoire qui aurait pu être infiniment plus banale. A vrai dire, nous avons l’impression que le sens profond de The Fits se dérobe progressivement sous nos pieds, chaque fois que le centre d’intérêt de la jeune protagoniste migre vers une autre préoccupation. Après les efforts initiaux consentis pour se faire une place parmi les garçons boxeurs, Toni change assez radicalement de registre pour tenter de s’intégrer à nouveau, cette fois-ci parmi les filles très portées sur les apparences de la troupe de danse. Cette quête d’harmonie et de cohérence – au début couronnée d’un certain succès, puisque Toni trouve deux copines avec lesquelles elle fait les quatre-cents coups – se heurte à nouveau à une forme larvée d’ostracisme avec l’arrivée d’abord inquiétante des crises. La volonté d’appartenir au cercle des initiées est alors mise à rude épreuve, en raison du caractère totalement aléatoire avec lequel cette maladie étrange et finalement bénigne frappe ses victimes. La peur de l’inconnu, en tant que réaction naturelle à chaque changement trop brutal, retient alors Toni, elle qui pouvait jusque-là compter sur son courage pour dynamiter le rôle prédéfini que la société cherchait à lui attribuer.

Voir sans comprendre

En même temps, le personnage principal de The Fits demeure longtemps dans une position d’observateur, avant de passer à l’acte. Toni est ainsi témoin des divers malaises inhérents à la pratique de la boxe, avant de regarder de plus près l’option danse. Son côté voyeur, qui va de pair avec son statut d’exclue innée, se poursuit, tant qu’elle ne se sent pas entièrement intégrée dans ce groupe, dont l’épreuve de passage avant l’adhésion est la maîtrise de la nouvelle chorégraphie. Or, comme c’est pratiquement chaque fois le cas au cours du récit, cette enfant en voie de devenir une adolescente est en décalage avec son environnement. Elle est peut-être même trop à distance par rapport à lui, comme l’indique son enthousiasme après avoir enfin acquis les mouvements de danse, juste avant l’annulation de la répétition pour cause d’épidémie galopante. En somme, le parcours de Toni aurait de quoi s’apparenter à la tragédie d’une jeune femme constamment en retard aux rendez-vous cruciaux de sa vie, si ce n’était pour l’habileté de la narration, qui conçoit le ton du film selon une étrangeté soigneusement dosée. La délicatesse avec laquelle la réalisatrice répand des indices sur le passage d’une période de la vie à l’autre, ce qui équivaut pour l’adolescence par exemple aux premières règles pour les filles et aux premiers rapports sexuels, évite ainsi à son premier film toute grossièreté, au profit d’une ambiance curieusement fascinante.

Conclusion

The Fits est un drôle de premier film ! Sa mise en scène affiche une faculté indéniable pour la création d’un propos joliment ambigu, qui risque simultanément de dérouter les spectateurs habitués à une direction plus claire et par conséquent moins métaphorique. C’est néanmoins cet aspect passablement abstrait du film qui nous a subjugués, tout comme la prestation d’une calme intensité de la part de la jeune Royalty Hightower, dans un rôle qui exprime dans un temps record toutes les contradictions à l’œuvre pendant l’adolescence !

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