Livre : Paulo Emilio Sales Gomes ou la critique à contre-courant (une anthologie)

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Titre : Paulo Emilio Sales Gomes ou la critique à contre-courant (une anthologie)

Coordination éditoriale : Isabelle Marinone, Adilson I. Mendes

Editeur : AFRHC

Date de publication : 08 mars 2016

Nombre de pages : 360

Format : 16 x 24 x 2,4 cm

Prix : 22 euros (livre broché), 13,20 €  (e-livre)

Heureux geste que celui entrepris par les éditions AFRHC – soit l’acronyme pour Association française de recherche sur l’histoire du cinéma – en publiant les écrits d’une personne quelques peu oubliée des exégèses cinématographiques, Paulo Emilio Sales Gomes. C’est l’un des quelques mérites des travaux de recherche, initiés par diverses universités, de mettre en lumière des pans de l’historiographie générale méconnus du public, qu’elles soient artistiques ou autres. De la même manière, la précédente publication, estampillée AFRHC, était consacrée à une figure de la critique cinématographique française omise d’une partie des cinéphiles, Léon Moussinac, grand écrivain s’il en fut.

Une seule motivation, à mon avis, guide ces différents travaux d’exhumation : cette envie de déterrer de l’oubli des êtres qui, à un moment donné de l’Histoire, ont été particulièrement importants pour le cinéma alors que celui-ci était considéré par une grande majorité de l’élite comme un vulgaire divertissement destiné aux ilotes. De manière succincte, et à titre de comparaison, Sales Gomes est l’équivalent brésilien d’André Bazin, mais aussi d’Henri Langlois. Point de vue un brin réducteur certes, mais qui s’approche malgré tout de la vérité. D’un côté, à l’instar d’un Bazin, il fut une figure de proue de la critique brésilienne annonçant, à travers ses nombreux écrits, la venue d’un cinéma plus en phase avec la réalité économique et sociale du Brésil, le Cinéma Novo. De l’autre, il a permis, grâce à son abnégation, son opiniâtreté, à fonder la première cinémathèque brésilienne dans l’espoir de conserver et préserver des films sur différents supports argentique. Ceci n’est pas sans rappeler les actions menées, en son temps, par Henri Langlois dans le même dessein.

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Curieux destin que celui de Sales Gomes : il voit le jour dans une famille aisée brésilienne. Alors qu’il est pressenti pour reprendre les rênes de l’entreprise familiale, il prend la décision de revendre les actions de celle-ci afin de créer une revue réunissant poèmes surréaliste, et divers essais politiques, influencés par le matérialisme dialectique d’Hegel et de Marx. La revue n’existe que le temps d’un seul numéro. Vers cette période, il fréquente assidûment les milieux politiques d’extrême-gauche, artistiques également, ce qui lui vaudra d’être emprisonné pendant une période de deux ans par le régime étatique brésilien, alors sous l’égide de Vargas. Libéré, il quitte le Brésil pour s’installer en France, à Paris plus précisément. Séjour déterminant dans sa démarche intellectuelle, il y fait la rencontre de Georges Franju et d’Henri Langlois. Il découvre, lors d’un ciné-club, l’œuvre de Serguei Eisenstei, Octobre, qui lui fait forte impression. Mais c’est surtout La Grande Illusion, de Jean Renoir, qui fera office d’épiphanie pour le futur critique.

Peu après, il retourne au Brésil où il rejoint les rangs du parti communiste. Suite à ses accointances avec le PC, il se retrouve de nouveau sous les fers. Il retourne en France à sa libération où il côtoie Jean Renoir mais aussi Henri Langlois. Profitant de l’effervescence intellectuelle l’environnant, il en profite pour s’atteler à la rédaction d’un ouvrage consacré à Jean Vigo. Cette étude sur le cinéaste de l’Atalante sera considérée par François Truffaut comme l’un des plus beaux livres dédié au cinéma. Toutes ces rencontres détermineront ses futures démarches au sein de la critique et de la pensée cinématographique brésilienne. Ainsi, à travers l’ouvrage édité par l’AFRHC, c’est tout un pan de l’Histoire culturelle et politique du Brésil, ainsi que de la France, qui y est évoqué. Passionnant à bien des égards…

En plus de ce bref panorama historique, l’ouvrage permet de découvrir les nombreux écrits de Sales Gomes. La plupart, consacrés à des cinéastes, allie une grande rigueur analytique à une vision poétique très proche des écrits du mouvement surréaliste. A l’image de nombreux critiques de son époque, ou antérieur, les films de Jean Renoir, Fellini, Rossellini, Eisenstein, Vigo, pour n’en citer que quelques-uns, ont été déterminants dans la constitution de sa pensée et de son écriture. Raison pour laquelle il importe de se replonger dans ces années-là afin de comprendre le cheminement intellectuel d’un des plus grands penseurs de l’Histoire culturelle brésilienne du 20ème siècle.

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