THE NIGHT OF
Alors que Stranger things de Netflix a occupé une grande partie de l’espace médiatique (sur internet en tout cas) cet été, il faut aller voir chez la concurrence pour se prendre la claque de la saison. Une mini-série HBO sombre et cynique sur le système judiciaire américain, qui vous remuera les tripes pendant ses huit épisodes, et vous marquera au-delà.
Synopsis : Au lendemain d’une virée nocturne bien arrosée, le jeune Naz, d’origine Pakistanaise, se réveille aux côtés d’une jeune femme baignant dans son sang. Cette dernière a été poignardée et il ne se souvient de rien. Inculpé pour ce meurtre, il est désormais prisonnier du système judiciaire où, parfois, la vérité passe au second plan. Un avocat bon marché mais tenace se propose de l’aider.
Cette soirée-là …
Dès le générique, le ton est donné : nous sommes à New-york, ses taxis jaunes et ses buildings se fondant dans le décor. Mais pas le N.Y. lumineux que verrait un touriste, non : celui vu par un étudiant d’origine pakistanaise qui a emprunté le taxi de son père, un New-york sombre et tristement cruel. Car, sans trop en révéler sur une intrigue qui joue sur les nerfs du spectateurs, la série va offrir une image de la justice américaine loin des topos du genre – pas de procès grandiloquents pour la majorité, mais des procès-éclair où il vaut mieux plaider coupable. La salle de procès, et tout ce qui déroule, va ainsi devenir un des pivots de l’intrigue, avec la prison. Car aux États-Unis, on est coupable jusqu’à preuve du contraire – surtout si on n’est pas « WASP »… Et le premier épisode, où tout se met en place, offre 1h30 de tension, un petit film très bien réalisé qui pourrait presque se suffire à lui-même. Mais, et tant mieux pour nous, la suite est toute aussi intéressante !
Jeune et innocent (?)
Mais la série ne brille pas que pas son intrigue, il faut l’avouer assez classique dans son déroulement, ici comme dans la majorité des œuvres télévisuelles les personnages sont au cœur du récit. Et ici, force est de constater que Steve Zaillian (on reviendra sur le showrunner / réalisateur en conclusion) a su (d)écrire des personnages profondément humains, chacun avec leurs zones d’ombres, leurs nuances, leur sympathie cohabitant avec leurs petits secrets. Ainsi au centre de l’intrigue on trouve l’étudiant new-yorkais Nazir Khan, magistralement interprété par l’acteur Riz Ahmed. Ce dernier, peu habitué aux rôles principaux, va non seulement nous faire vivre l’enfer à ses côtés, mais aussi se transformer physiquement autant que psychologiquement au cours de ce voyage infernal. Tel un adepte de l’Actors Studio, il va changer de physionomie, mais aussi de jeu au fil des épisodes. Profondément sympathique, difficile de ne pas avoir le souffle coupé au cours de ses (més)aventures, pendant lesquelles il va révéler une facette plus sombre de sa personnalité …
La série va se développer autour d’autres intrigues, toute interconnectées, et directement reliées avec celle de « Naz ». En premier lieu, l’autre « héros » de l’histoire, aussi (voire plus ?) important que le jeune accusé : un petit avocat, Jack Stone, incarné par John Turturro. L’acteur est aussi excellent que d’habitude, et une figure de plus parmi tous les « grands » acteurs de cinéma ayant rejoint une « grande » série télé. Lui aussi profondément humain, lui aussi tout en nuances, son avancée dans l’histoire va se dérouler en miroir de celle de Khan, les deux protagonistes se partageant un temps d’écran a priori équivalant.
A leurs côtés, une poignée de personnages marquants sont interprétés par des habitués au format télévisuel – vous savez, ces acteurs / actrices qu’on sait avoir déjà vu, mais dont on ne retient jamais le nom. Parmi eux un flic qui part à la retraite, un « ogre » ambigu dans son exercice de la justice (Bill Camp), une jeune avocate intègre attachée à Khan – et attachante pour le spectateur, Chandra (Amara Karan, qu’on a pu apercevoir dans The Darjeeling Limited de Wes Anderson) ou encore un ancien boxeur violent, un caïd qui va devenir proche de Khan (Michael Kenneth Williams). Sans oublier les parents désemparés de Nazir ou une brève apparition d’un croque-mort qui va emmener la série dans des contrées métaphysiques … Bref, des personnes plus ou moins importantes, mais qui par leur développement participent à la grande qualité de The Night of.
Conclusion :
On se demande une fois de plus la frontière qui sépare le format TV du format cinéma : du film, omis son extension sur un peu moins de dix heures, The Night of en a tout l’air. A l’instar de « la » série HBO qui a défrayé la chronique en 2014, True Detective, The Night of est dirigée par un seul réalisateur : Steve Zaillian. Et tout comme la série de Nic Pizzolato, cette unité va permettre de développer une ambiance homogène, comme s’il s’agissait d’un « véritable » long-métrage. De plus tous les éléments techniques convergent vers ce constat : la très belle photographie, les raccords ingénieux entre les deux intrigues parallèles, ou encore le jeu énorme sur le son, capital. Sans oublier John Turturo … Une fois de plus, on peut sortir le slogan de la chaîne à l’origine de cette petite pépite : « It’s not TV, it’s HBO » !