Critique : Fronteras

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Fronteras

fronteras afficheEspagne : 2014
Titre original : A escondidas
Réalisateur : Mikel Rueda
Scénario : Mikel Rueda
Acteurs : Germán Alcarazu, Adil Koukouh, Joseba Ugalde
Distribution : Outplay
Durée : 1h36
Genre : Drame, Romance
Date de sortie : 31 août 2016

3.5/5

Originaire de Bilbao, aujourd’hui âgé de 36 ans, Mikel Rueda a signé avec Fronteras son 2ème long métrage, film qui, depuis sa sortie en 2014, a visité de nombreux festivals un peu partout dans le monde. Son premier long métrage, Izarren argia, était en langue basque. Fronteras est en espagnol et ce qu’il raconte est universel.

Synopsis : Rafa est un adolescent espagnol de 14 ans presque comme les autres : il va au lycée, traine avec ses amis, sort en boite… Ibrahim, lui, a une vie légèrement plus compliquée. Marocain, il est illégal sur le territoire et vient d’apprendre qu’il sera expulsé dans quelques jours. Leur rencontre, un soir dans un club, va changer leur destin. Rafa va tout faire pour aider Ibrahim à rester en Espagne.

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Quand on a 15 ans

A 15 ans, Rafa semble avoir la vie de tous les jeunes de son âge qui ont la chance de vivre dans un pays dans lequel ils peuvent faire preuve d’une certaine insouciance, surtout durant les vacances. Il joue, plutôt bien d’ailleurs, au water-polo et Marta, une charmante adolescente de son âge, semble avoir du sentiment pour lui. Tout irait donc pour le mieux si Rafa partageait ce sentiment. Mais voilà, Rafa est en train de s’apercevoir que ce ne sont pas les filles qui l’attirent mais plutôt les garçons. Pour être plus précis, un garçon l’attire particulièrement. Il s’appelle Ibrahim, c’est un jeune marocain de son âge qui réside dans un foyer et qui, vivant en Espagne depuis plusieurs années, espère voir aboutir bientôt la régularisation de sa situation. Mais, en Espagne comme dans la plupart des pays, il n’est pas facile d’être immigré et la menace d’une expulsion est toujours présente : pour un jeune de l’âge d’Ibra, il suffit que les autorités trouvent, ou fassent semblant de trouver, une attache quelconque, oncle ou grand-père, dans le pays d’origine.

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En cachette

Avec Fronteras, une fois de plus,  la preuve est apportée qu’un scénario très simple, sans aucune esbroufe, peut donner un film très riche tout en étant d’une grande délicatesse. Quoi de plus simple dans un scénario que la naissance d’une histoire d’amour entre deux adolescents ? Quoi de plus commun dans les pays occidentaux, malheureusement, que le sentiment de rejet des immigrés de la part d’une partie de la population autochtone ? C’est à partir de ces deux éléments que Mikel Rueda a construit le scénario de Fronteras, avec, toutefois, une particularité qui ajoute beaucoup à la richesse du film : c’est entre deux garçons que nait cette « banale » histoire d’amour entre deux adolescents de 15 ans. La naissance d’un amour que Mikel Rueda filme avec beaucoup de talent, de pudeur et de sensibilité, excellant à montrer la maladresse et les interrogations de Rafa et d’Ibra qui, manifestement, ne comprennent pas trop ce qui leur arrive. Des interrogations ? Les spectateur ne manqueront pas d’en ressentir eux-aussi, le réalisateur ayant fait le choix de casser la chronologie dans la première partie du film afin de leur faire partager ce sentiment d’incompréhension. Par ailleurs, cette situation donne aux deux jeunes hommes un statut quasiment identique, mélange de dissimulation et de pressions venant de l’entourage : face au monde machiste et xénophobe de son groupe de copains, Rafa doit cacher le sentiment qui l’anime (être amoureux d’un garçon, qui plus est arabe !), la pression exercée par son entourage lui impose d’embrasser une fille  ; du fait de sa situation d’immigré en attente de régularisation, Ibra doit faire dans la discrétion et, en même temps, son entourage cherche à faire de lui un vendeur de drogue. Leur vie se résume en deux mots : « en cachette ». C’est d’ailleurs la traduction en français du titre original, A Escondidas, et on peut se demander pourquoi le titre « En cachette » n’a pas été choisi pour la distribution dans notre pays, plutôt que le titre espagnol Fronteras qui fait appel à des notions de limites ou de frontières.

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Deux formidables découvertes

De toute évidence, Mikel Rueda ne pouvait pas faire appel à des comédiens professionnels pour interpréter les rôles de Rafa et d’Ibra. D’un autre côté, trouver les adolescents adéquats n’était pas une tâche facile. En fait l’équipe du film a réalisé 4500 interviews un peu partout en Espagne et ce travail approfondi a permis de trouver Germán Alcarazu et Adil Koukouh, deux formidables découvertes qui traduisent parfaitement dans leur jeu toutes les nuances exigées par leurs rôles. Ces nuances sont particulièrement mises en valeur par la façon dont Mikel Rueda s’intéresse aux expressions des visages et à la façon de bouger des corps. Dans un second rôle, on reconnait Alex Angulo, un acteur décédé peu de temps après la fin du tournage et qui était souvent présent dans les films d’Álex de la Iglesia.

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Conclusion

Curieusement, ce film attachant et sensible a attendu plus de 2 ans avant de trouver son chemin vers les salles de notre pays. Hasard du calendrier : sa sortie en salles coïncide avec celle du DVD de  Quand on a 17 ans, le dernier film d’André Téchiné. Des sujets  très proches, un traitement différent : plus frontal chez le « vieux » réalisateur français, plus tendre et plus pudique chez le « jeune » réalisateur ibérique.

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