Critique : L’Outsider

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l'outsider afficheL’Outsider

France, 2016
Titre original : –
Réalisateur : Christophe Barratier
Scénario : Christophe Barratier, Laurent Turner, d’après l’oeuvre de Jérôme Kerviel
Acteurs : Arthur Dupont, François-Xavier Demaison, Sabrina Ouazani
Distribution : Le Pacte
Durée : 1h57
Genre : Biopic, Drame
Date de sortie : 22 juin 2016

Note : 3/5

Alors que l’affaire Jérôme Kerviel vient de connaître un rebondissement inattendu avec la condamnation de la Société Générale à lui verser 455 000 euros aux Prud’hommes (pour licenciement sans cause réelle et sérieuse) sort ce nouveau long-métrage du réalisateur des Choristes et Faubourg 36. Il s’éloigne de passés lointains pour s’attaquer à cette histoire qui défraie la chronique depuis près de dix ans. Le point de vue de Christophe Barratier est foncièrement celui de Kerviel en prenant comme principale source d’inspiration l’ouvrage autobiographique «L’engrenage : mémoires d’un trader» publié chez Flammarion en 2010. pourtant, il n’en fait ni héros ni un innocent à 100%.

L'Outsider Arthur Dupont

Synopsis : En 2008, le trader Jérôme Kerviel a fait perdre plus de 5 milliards d’euros à la Société Générale avec des prises de position risquées. Depuis, il a été condamné à plusieurs années de prison ferme, passant au final quelques mois derrière les barreaux. De son arrivée dans l’entreprise en 2000 à sa perte record en passant par son succès trop fulgurant qui lui est monté à la tête, récit clinique d’un symbole de la dérive du capitalisme.

LOutsider-Arthur-Dupont-François-Xavier-Demaison

Les mécanismes d’une catastrophe financière

Christophe Barratier décortique humblement les mécanismes de cette catastrophe financière, replace les éléments dans leur contexte, humanise celui qui est devenu la cible trop facile de la justice (et de journalistes un brin paresseux), sans cacher pour autant les errements de ce jeune homme né dans un milieu modeste, grisé par les millions, les milliards même, qu’il manipulait sans contraintes. Il cherche surtout à atténuer l’exclusivité de ses torts et à souligner la responsabilité partagée des dirigeants qui n’ont pas su canaliser cette dérive, niant ensuite leur connaissance des irrégularités commises et affirmant ne s’être rendu compte de rien malgré les multiples alertes et le tempérament connu depuis des lustres des traders affichés aux yeux du grand public depuis la découverte de l’excessif Gordon Gekko (Michael Douglas dans Wall Street) au milieu des années 80. Certes, ce n’était que de la fiction mais son influence sur les futurs yuppies est à peu près égale à celle du Scarface de Brian De Palma sur un autre genre d’esprits faibles dont ils ne sont, au final, pas très éloignés. Oliver Stone avait donc déjà tout résumé en 1987 assez finement accompagné par sa suite en 2010, intéressante comme éclairage sur certains aspects des manipulations financières et du credo «ils n’apprennent jamais de leurs erreurs» (plus que pour sa dimension mélo romantique) et autres éléments ayant mené à la crise de 2008.

La complexité de cette histoire est analysée de façon pointue, tout en restant à hauteur de ces hommes excités par l’effervescence de la salle où ils sont réunis pour jouer avec les cordons de la Bourse, grisés par un excès de pouvoir. Le milieu dépeint est dénué du sens des responsabilités, formaté par le goût du gain facile et rapide, exalté par une atmosphère machiste. Ces traders sont comme sur une scène, en lieu clos tout de même, et sont dépeints en grande majorité comme des sales types imbus du pouvoir qui leur est accordé dans une impression d’impunité quasi totale. Leur cynisme est frappant, notamment lorsque les attentats du 11 Septembre font monter la Bourse.

l'outsider

 

Un style classique

Loin des acteurs attendus et à la mode qui auraient pu livrer une version plus caricaturale du personnage, Arthur Dupont apporte une douceur et une forme d’innocence dans son jeu à Jérôme Kerviel qui n’est pourtant pas épargné dans la critique du milieu malgré l’aspect entreprise de réhabilitation. Il est simplement observé à sa juste place, ni plus ni moins, un électron libre mal surveillé. François-Xavier Demaison, qui a lui-même travaillé à Wall Street avant de se reconvertir en humoriste puis comédien après les attentats du onze septembre 2001, revient sur les lieux de son premier métier (crime?) en incarnant l’un de ses mentors qui lui ont montré les ficelles de la profession. On le sent jubiler intérieurement de revivre son passé et comprendre intimement ce qu’il joue. Dans la distribution, l’on retrouve également Sabrina Ouazani en compagne de Kerviel au moment de la tourmente ainsi que Soren Prevost en cadre aveugle.

Le style de ce qui relève plus du film biographique et factuel classique à la française que d’un thriller tendu à l’américaine sur le monde de la finance (et ouf, au passage, on évite le désastre Krach avec Gilles Lellouche) est tout de même moins académique que les reconstitutions historiques des autres films de Barratier cités plus haut ou le gros ratage artistique que fut sa version de La Guerre des boutons. La sagesse du style empêche certes de s’enthousiasmer pour un film de bonne facture à qui il manque la fougue du Loup de Wall Street ou de The Big Short – le casse du siècle mais le réalisateur a le bon goût d’éviter de partager la fascination du pire en partie véhiculée par ces films.

L'OUTSIDER ARTHUR DUPONT

 

Conclusion

L’Outsider (titre plus vendeur mais moins juste et ironique que L’Esprit d’équipe auparavant envisagé) est un outil utile dans la vulgarisation de cette histoire malgré une approche stylistique et factuelle plus proches du Fair Game de Doug Liman qui, loin d’être un grand moment de cinéma malgré sa sélection en compétition au Festival de Cannes en 2010, réhabilitait là encore une personnalité traitée en criminel et jetée en pâture à l’opinion publique. Jérôme Kerviel n’a certes pas l’intégrité de l’ex agent de la CIA Valerie Plame mais les mondes dépeints et la caricature des explications au moment de l’explosion de ces deux affaires sont hélas bien voisins.

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