Critique : Good Luck Algeria

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good luck algeria affiche 1Good Luck Algeria

France, Belgique : 2015
Titre original : –
Réalisateur : Farid Bentoumi
Scénario : Farid Bentoumi, Noé Debré, Gaëlle Macé
Acteurs : Sami Bouajila, Franck Gastambide, Chiara Mastroianni, Hélène Vincent
Distribution : Ad Vitam
Durée : 1h30
Genre : Comédie
Date de sortie : 30 mars 2016

Note : 4/5

Comédien et réalisateur de court-métrages (fiction et documentaires), Farid Bentoumi est né à Saint-Jean de Maurienne de père algérien et de mère toulousaine. Désirant réaliser un premier long-métrage évoquant la situation des bi-nationaux, il est vite apparu comme une évidence à Farid qu’il lui suffisait de puiser dans son histoire familiale pour avoir le point de départ du scénario idéal : la participation dans l’épreuve du 50 km de ski de fond de son frère aîné, Noureddine Maurice Bentoumi, aux Jeux Olympiques d’hiver de Turin, en 2006, en tant que représentant de l’Algérie.

Synopsis :  Sam et Stéphane, deux amis d’enfance fabriquent avec succès des skis haut de gamme jusqu’au jour où leur entreprise est menacée. Pour la sauver, ils se lancent dans un pari fou : qualifier Sam aux Jeux Olympiques pour l’Algérie, le pays de son père. Au-delà de l’exploit sportif, ce défi improbable va pousser Sam à renouer avec une partie de ses racines.

 

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Une idée saugrenue ? ou bien géniale ?

La double nationalité, on en parle beaucoup en ce moment. Toutefois, il est un point que la presse et les politiques n’ont jamais mentionné : elle peut permettre de sauver une entreprise et, par conséquent, des emplois. Comment ? Imaginez une petite entreprise française de fabrication de skis de fond installée au cœur des Alpes. A sa tête, deux associés, Sam, franco-algérien, et Stéphane, deux amis d’enfance. Malgré la qualité du matériel fabriqué, les affaires ne sont pas florissantes et ce n’est pas du côté de la banque que pourront venir les 20000 Euros permettant de maintenir l’entreprise à flot. Un espoir, néanmoins : les Jeux Olympiques approchent et un grand champion suédois s’est engagé à y participer en utilisant ces skis de fabrication française. Sauf que, finalement, le grand champion suédois décide d’aller voir ailleurs ! Aussitôt, une idée a priori saugrenue germe dans la tête de Stéphane : Sam a un père algérien, il a tout à fait le droit de représenter l’Algérie aux Jeux Olympiques. C’est donc lui qui participera à l’épreuve des 50 kilomètres avec les skis que l’entreprise fabrique. Idée saugrenue ? Oui, dans la mesure où Bianca, l’épouse de Sam, est enceinte et ne montre pas un grand enthousiasme pour ce projet, dans la mesure où Sam ne parle pas du tout arabe,  dans la mesure, surtout, où il a la bonne quarantaine, qu’il a abandonné toute pratique sportive depuis pas mal de temps et qu’il lui faut arriver à se qualifier en réussissant les minima lors d’une épreuve officielle. Il va donc lui falloir s’entraîner d’arrache-pied pour retrouver une forme physique acceptable. Idée géniale ? Oui, car cette participation aux Jeux Olympiques, si elle a lieu, sera à coup sûr très médiatisée, avec des retombées forcément positives sur l’entreprise. Et puis, en attendant, pourquoi ne pas tenter d’obtenir une bourse de préparation olympique de la part du Comité olympique et sportif algérien, histoire de donner à l’entreprise une bouffée d’oxygène en attendant ces retombées positives.

 

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Comédie sociale, familiale et politique

Ce n’est pas la première fois, qu’au cinéma, une comédie évoque un défi sportif quelque peu improbable. Sauf que Good Luck Algeria n’est pas qu’une comédie cherchant à faire rire sur des situations inattendues, c’est aussi un film social, un film sur les racines familiales et, osons l’écrire, un film politique. Le défi sportif est, bien sûr, bien mis en valeur avec les séances d’entrainement que s’inflige Sam avec l’aide de Stéphane et sa recherche des minima lors d’épreuves de la Coupe du monde de ski de fond. Le côté social du film, on le trouve dans le combat mené par Sam et Stéphane pour sauver leur PME, aidés par leurs employés mais lâchés par leur banque. Ses racines familiales, Sam va les retrouver lors d’un court périple en Algérie, au départ motivé par sa demande de bourse de préparation olympique mais dont il va profiter pour aller rendre visite à son père et à sa mère et rencontrer ses oncles, ses tantes et ses cousins. Ce périple en Algérie permet à Farid Bentoumi de glisser un petit chapitre sur les turpitudes de l’administration algérienne, un chapitre qui relate en fait ce que son frère, Noureddine Maurice Bentoumi, a réellement vécu lorsqu’il préparait les Jeux Olympiques de Turin. Quant à la visite familiale, si elle permet de mieux faire comprendre à Sam ce que représente le fait d’avoir deux nationalités, si elle lui permet de faire connaissance avec une culture qui est celle d’une moitié de ses origines familiales mais dont il ignorait à peu près tout, elle aborde aussi un autre sujet éminemment politique : à qui appartient la terre, à celui qui la possède ou à celui qui la travaille ?

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Un casting solide

Lorsqu’il s’est agi pour Farid Bentoumi de trouver le comédien qui aurait à interpréter un rôle s’inspirant largement de ce qu’avait vécu son frère Noureddine en 2006, il a tout de suite pensé à Sami Bouajila : une ressemblance physique évidente entre les deux hommes et, pour l’un comme pour l’autre, une naissance dans les Alpes suivie une jeunesse grenobloise. Il a fallu beaucoup d’énergie et de travail à Sami pour améliorer sa condition physique et, surtout, pour être crédible au niveau de la gestuelle du skieur de fond. Malgré tout, il a fallu faire appel à une doublure pour certaines scènes et cette doublure n’était autre que … Noureddine. Le rôle de Stéphane est (bien) interprété par Franck Gastambide, le réalisateur de Pattaya, film dans lequel apparaît Sami Bouajila. Le reste de la distribution est très solide avec Chiara Mastroianni dans le rôle de Bianca et la toujours juste Hélène Vincent, dans celui de Françoise, la mère de Sam. Quant à Kader, son père, son rôle est tenu par Bouchakor Chakor Djaltia, un vieux grenoblois d’origine algérienne dont la vie étonnante pourrait donner naissance à un roman ou à un film !
Au rayon des anecdotes, sachez que le manque de neige durant l’hiver 2015 a obligé l’équipe de Good Luck Algeria à abandonner des stations françaises et italiennes pour finir par en trouver à Sölden, en Autriche. Petit problème : en même temps que le tournage de Good Luck Algeria, avait lieu dans la même station celui de 007 Spectre, le dernier James Bond. D’un côté, une équipe de 30 personnes, de l’autre 420 personnes. Et beaucoup de problèmes pour arriver à louer ne serait-ce qu’un motoneige ! Quant aux scènes censées se dérouler dans la campagne algériennes, elles ont été tournées au Maroc : le 23 septembre 2014, un touriste français avait été décapité dans les Aurès par un groupe djihadiste algérien et les assurances ont refusé qu’un tournage ait lieu dans un environnement considéré comme peu sûr.

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Conclusion

 On connait tous le dicton « qui trop embrasse mal étreint ». Eh bien, ce qu’affirme ce diction est démenti par Good Luck Algeria, le premier long métrage de Farid Bentoumi. En effet, ce réalisateur réussit son coup en délivrant une comédie à la fois drôle, sociale, familiale et même politique. Cette réussite est due à la fois à une mise en scène qui ne fait jamais dans la facilité, à un montage qui donne la longueur juste à chaque scène et à des comédiens dont le jeu chaleureux permet aux spectateurs de se trouver en totale empathie avec les personnages. En fait, Good luck Algeria n’est pas très éloigné dans l’esprit et dans la forme de certains films de Ken Loach : à la fois social et drôle. Dans la période très particulière que nous vivons, merci à Farid Bentoumi de montrer que la double nationalité peut être un atout et qu’on peut être à la tête d’une entreprise qui fabrique du matériel français et procure des emplois dans notre pays tout en représentant l’Algérie aux Jeux Olympiques.

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