Ave César
Etats-Unis, 2016
Titre original : Hail, Caesar !
Réalisateur : Ethan Coen et Joel Coen
Scénario : Ethan Coen et Joel Coen
Acteurs : Josh Brolin, George Clooney, Alden Ehrenreich, Ralph Fiennes
Distribution : Universal Pictures France
Durée : 1h46
Genre : Comédie
Date de sortie : 17 février 2016
Note : 3,5/5
Quoi de mieux pour démarrer un des plus prestigieux festivals du monde sur les chapeaux de roue qu’un film qui célèbre toutes les facettes du Septième art sous un jour irrévérencieux ? Le nouveau film des frères Coen – qui vient de faire l’ouverture de la 66ème édition de la Berlinale – répond parfaitement à la tâche ardue de ravir les cinéphiles nostalgiques de la grande époque des studios hollywoodiens au début des années 1950, tout en mettant le doigt là où ça fait mal, à savoir dans la nature profondément artificielle et hypocrite de l’usine à rêves. Le rire n’est en effet jamais tout à fait franc dans Ave César, grâce à l’humour caustique de Joel et Ethan Coen, guère avares en chutes malicieuses et prétextes pour tourner en dérision un microcosme décidément trop imbu de lui-même. La journée de travail particulièrement agitée du patron d’un grand studio y sert de fil rouge pour un enchaînement inspiré de différents genres, tous disséqués sans ménagement à travers le contraste entre l’être et le paraître. Le seul reproche que l’on puisse faire à cette farce haute en couleur serait alors qu’elle s’éparpille dans les petites piques, tout en ayant tendance à perdre de vue le contexte plus global de son histoire.
Synopsis : En 1951, Eddie Mannix gère de main de maître le destin du studio Capitol, dont il supervise toutes les productions. Actuellement, il est un peu sur les nerfs à cause de ces tentatives laborieuses d’arrêter de fumer, mais il sait pertinemment quoi faire si le tournage de l’un des films du studio est mis en péril par les caprices des vedettes. L’enlèvement de l’acteur mondialement connu Baird Whitlock, qui était sur le point d’achever la nouvelle super-production biblique Ave César, met Mannix face à de nombreux dilemmes. Il accepte de payer la rançon de cent mille dollars, alors que la presse lui demande de plus en plus de questions compromettantes sur son poulain. En même temps, l’acteur de westerns Hobie Doyle fait ses premiers pas maladroits dans le registre du drame sophistiqué.
Que le spectacle commence
Le péplum, le western, le ballet aquatique et la comédie musicale : tous les genres en vogue il y a plus de soixante ans ont le droit de briller à tour de rôle dans cette comédie mi-enlevée, mi-sarcastique. L’ambiguïté du regard nous paraît en effet le point commun de ces parties diverses qui à la fois rendent hommage aux idoles d’antan et se moquent presque méchamment d’eux. Le côté technique du spectacle est sans faille, grâce à la photographie sublime de Roger Deakins, en mesure de faire revivre les splendeurs visuelles d’une époque révolue, tout en éclairant les aspects moins plaisants de l’envers du décor. C’est à ce niveau-là que l’écriture au ton acerbe des frères Coen prend la relève. Comme à son habitude, elle ne prend rien, ni personne au sérieux, mélangeant avec un entrain remarquable les références de l’Histoire réelle de Hollywood et des inventions opportunes pour en faire un divertissement de haut vol. Le spectacle doit y continuer à tout prix, quitte à démasquer la plupart des personnages comme des abrutis complets, peu enclins à se mettre en ordre de marche afin de préserver le mécanisme parfaitement huilé du système de la production américaine.
La joyeuse parade
Dans un ensemble d’acteurs impressionnant, si bien fourni qu’on frise parfois le gâchis, comme dans le cas de Frances McDormand et Jonah Hill à peine sollicités, sans oublier l’apparition très anecdotique de Christopher Lambert, les interprétations jubilatoires ne manquent pas. Aux côtés des piliers de l’intrigue Josh Brolin et George Clooney, presque sobres dans leur névrose affectée, ce sont surtout les rôles de Alden Ehrenreich et de Tilda Swinton qui nous ont conquis sans réserve. Le premier réussit à rendre son cowboy caricatural moins crétin qu’il ne paraît initialement, tandis que l’ancienne présidente du jury de Berlin explore assez brièvement l’étendue de son talent dans un double rôle savoureux. La structure relativement rapiécée de la narration ne nous permet hélas pas de passer plus de temps avec eux, préférant opérer des transitions presque hâtives entre les différents théâtres de l’action. Ce serait donc notre seul regret face à cette déclaration d’amour, concoctée souverainement par les frères Coen sinon au meilleur de leur forme.
Conclusion
Les frères Coen aiment visiblement le cinéma. Et nous les suivons avec enthousiasme dans leur délire sur les rouages peu recommandables de l’univers hollywoodien. Ils y réussissent un équilibre quasiment parfait entre la critique cynique et la relecture respectueuse d’une époque, qui ne parle peut-être plus forcément aux spectateurs d’aujourd’hui, mais qui ravira sans aucun doute les fans des grands classiques des années 1950. Or, Ave César n’est nullement une leçon de cinéma soporifique, réservée à quelques initiés. Il s’agit au contraire d’un film hautement accessible et divertissant. C’est en somme le film idéal pour nous préparer à l’orgie d’œuvres cinématographiques éclectiques, qui nous attend pendant la semaine à venir au festival de Berlin !
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