Critique : Spotlight

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Spotlight

Etats-Unis, 2015
Titre original : Spotlight
Réalisateur : Tom McCarthy
Scénario : Josh Singer et Tom McCarthy
Acteurs : Mark Ruffalo, Michael Keaton, Rachel McAdams, Liev Schreiber
Distribution : Warner Bros
Durée : 2h09
Genre : Thriller médiatique
Date de sortie : 27 janvier 2016

Note : 3/5

Le cinéma hollywoodien réagit toujours avec un retard relativement important aux sujets d’actualité les plus brûlants. Ce décalage récurrent peut être imputé à bon nombre de raisons d’ordre économique ou logistique, mais ce qu’il traduit surtout, c’est un tempérament frileux lorsqu’il est question de prendre les armes filmiques pour une cause dont l’issue reste incertaine. Rien de mieux pour créer l’unanimité – et par conséquent la reconnaissance commerciale – que d’attendre dix, quinze ans, voire plus, avant d’oser aborder une thématique sur laquelle tout le monde aura eu le temps de se mettre d’accord depuis son avènement. C’est exactement le cas de figure qui s’est produit avec Spotlight. Il s’agit certes d’un pamphlet filmique entièrement respectable, mais qui arrive après la bataille que d’autres formes d’expression cinématographique, tel le documentaire bouleversant de Amy Berg, Délivrez-nous du mal, sur un sujet très proche, ont courageusement livré avant lui. La perspective de l’enquête journalistique, adoptée pendant l’immense majorité du récit, tend à mettre le scandale sur l’abus sexuel systématique d’enfants par des prêtres catholiques dans un contexte plus universel. Un parti pris narratif qui rend cette affaire révoltante plus factuelle, au détriment de notre engagement émotionnel dans l’intrigue.

Synopsis : En 2001, le nouveau rédacteur en chef du Boston Globe Marty Baron voudrait conférer une plus grande importance à ce journal local. Pour ce faire, il propose aux quatre journalistes de la rédaction Spotlight, dirigée par Walter Robinson, de se pencher sur une affaire d’abus sexuels d’enfants par un membre du clergé, relevée dans un éditorial récent. Obligés d’enquêter dans le plus grand secret à cause du rôle primordial que l’église catholique joue dans la communauté de Boston, Robinson et ses confrères découvrent avec effarement qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé, mais que d’autres prêtres se seraient rendus coupables de ce crime sans jamais avoir été jugés. Avec l’aide des survivants des abus et de l’avocat qui les défend, ils tentent de prouver que ce problème a été passé sous silence depuis longtemps par les responsables haut placés de l’institution religieuse.

Les bienfaits de la presse

Du point de vue de son fonctionnement et de sa respectabilité légale, l’église catholique serait aussi opaque et intouchable que la mafia. C’est ainsi que nous avons compris le sens de la séquence mise en exergue du film de Tom McCarthy, où dans les années 1970 un prêtre accusé d’attouchements quitte le commissariat sans être inquiété, après l’intervention de ses supérieurs et sous l’œil complaisant du procureur de la ville. Il y aurait eu de quoi élaborer un brûlot filmique exemplaire à partir de cette hypothèse, à laquelle nous souscrivons au moins partiellement. Ce n’est pourtant pas la voie que Spotlight prendra par la suite. Au lieu d’explorer en détail le marasme moral dans lequel l’église catholique se complaît depuis longtemps, sans qu’elle n’opère des changements radicaux à la hauteur du préjudice subi par cette tolérance inadmissible du crime, il préfère nous administrer une sorte de cours magistral passablement passionnant sur le travail au quotidien, fastidieux et rarement couronné de reconnaissance, des journalistes d’investigation. Ce parti pris narratif met par conséquent les infatigables représentants de la presse à l’honneur, au risque de dégrader l’objet de leur travail acharné au niveau de simple prétexte pour toute cette agitation en quête de la vérité. A bien y regarder, c’est même plus l’envergure de cette affaire qui lui garantit l’attention des médias que sa nature à proprement parler. Ce qui revient à dire que ce drame engagé aurait sans doute été aussi efficace, s’il avait traité d’une affaire dépourvue de toutes les implications éthiques à l’œuvre dans cette histoire désolante.

Un coup d’épée dans l’eau

Dans les limites de son objectif, annoncé clairement au moins dès que l’action ne quitte quasiment plus le cadre restreint des réunions de rédaction et des démarches d’enquête sur le terrain, le film fait preuve d’une intelligence appréciable. Le récit s’interdit tout coup de théâtre tendancieux. Et si par mégarde le montage parallèle s’adonne à une montée de tension directive, les faits en apparence clairs sont vite relativisés par les bâtons mis de façon plus ou moins volontaire entre les roues des journalistes. Car la vérité la plus précieuse qui ressort du scénario solide est que les choses changent très lentement : le statu quo d’une communauté, aussi intenable soit-il, ne va pas être mis sens dessus dessous du jour au lendemain, juste parce que la conscience de quelques hommes et femmes bien intentionnés s’est réveillée soudainement. Grâce à ce constat nuancé, le propos du film reste lucide, sans entrer dans le cercle vicieux des manipulations voyantes de l’opinion du spectateur. Ce qu’il perd en impact émotionnel, il le gagne en impartialité. Vu que nous avons surtout apprécié certains des films précédents du réalisateur, comme The Station agent et The Visitor, pour leur capacité de créer la symbiose saisissante entre le sort de l’individu et l’engrenage de faits qui le dépassent, nous ne pouvons être que légèrement déçu face à ce film tout à fait respectable et nullement spectaculaire.

Conclusion

Spotlight suit avec application le travail de détective de quelques journalistes d’exception. Il le fait sans esbroufe formelle, mais avec un sens aigu pour les faits les plus parlants dans le contexte d’un scandale à fort potentiel polémique. Les interprétations sont à la hauteur de ce projet louable, notamment celles de Michael Keaton et de Mark Ruffalo en tant que collègues animés par le même esprit d’excellence, qu’ils vivent pourtant différemment au jour le jour.

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