En ce début d’année est sorti Les 8 Salopards, nouveau film de Quentin Tarantino, western en huis-clos violent et dérangeant qui a divisé la critique, certains criant au chef d’œuvre, d’autres au film hautain et prétentieux. Quoi qu’il en soit chaque nouveau film de QT est une petite révolution, voici un tour d’horizon de la filmographie de Quentin Tarantino.
Quentin Tarantino a commencé sa brillante carrière dans un vidéo club. Mais alors qu’il vendait des DVD à d’innombrables clients, il écrivait simultanément, en grand cinéphile qu’il était et qu’il est toujours, deux scénarios : True Romance et Tueurs Nés, tous deux adaptés au cinéma. Le premier a fini entre les mains de Tony Scott qui a réalisé un long métrage fidèle à l’esprit de Quentin Tarantino et adulé par les fans, le second a été adapté par Oliver Stone, un long-métrage violent mais néanmoins déjà plus éloigné de l’univers du scénariste et moins apprécié par les amateurs du genre. Ces deux œuvres cultes restent des longs métrages hors normes, décomplexés et distillant déjà une violence Tarantinesque. QT se remet rapidement de la frustration de ne pas avoir pu les réaliser et finance avec l’argent récolté de ces scénarios son premier film, Réservoir Dogs.
Reservoir Dogs
Réalisé par Quentin Tarantion
Avec Harvey Keitel, Tim Roth, Chris Penn, Michael Madsen, Steve Buscemi…
Thriller / 1992
Tarantino, auteur du scénario, le présente à Harvey Keitel, qui, après lecture, est tellement enthousiasmé, décide de jouer gratuitement dans le film. D’une aide précieuse l’acteur permettra à Tarantino de trouver son casting d’interprètes reconnus, qui réunira notamment Michael Madsen, Tim Roth, Chris Penn, petit frère de Sean Penn, Steve Buscemi, grand habitué du cinéma des frères Coen et bien sur Harvey Keitel. Avec cette petite troupe qui deviendra pour certains des fidèles du cinéma de Tarantino, l’auteur signe un film complètement culte autour d’un braquage que le spectateur ne verra jamais, ce qui le hisse au titre de grand réalisateur contemporain. Sous forme de semi huis-clos Reservoir Dogs reste l’un des meilleurs films de Quentin Tarantino. Bien que parfois encore maladroit, ce long métrage est une démonstration de style et de technique. S’en donnant à cœur joie ce nouvel enfant génial d’Hollywood démontre avec force, persévérance et facilité ses différentes capacités de metteur en scène visionnaire, se créant une personnalité propre et inimitable, reconnaissable au premier regard. S’inspirant de ses aînés, il est parvenu à créer son propre monde, voire un genre à part entière.
Pulp Fiction
Réalisé par Quentin Tarantion
Avec John Travolta, Samuel L Jackson, Tim Roth, Bruce Willis, Uma Thurman, Christopher Walken, Harvey Keitel, Ving Rhames, Rosanna Arquette, Amanda Plummer…
Thriller / 1994
1994, consécration totale lorsque son second film, Pulp Fiction, sorti deux ans après Reservoir Dogs, obtient la palme d’or au Festival de Cannes sous la présidence de Clint Estwood, malgré quelques rares critiques négatives. Une consécration survenue inhabituellement dès son début de carrière. Pulp Fiction est devenu instantanément et incontestablement un film culte, un classique des classiques, une œuvre intemporelle, multi générationnelle, qui a su séduire un public hétéroclite. Ce deuxième long métrage finalisait le style de Quentin Tarantino, un style composé de violence décomplexée et fun, presque cartoonesque, un déluge abusif d’hémoglobine, des personnages haut en couleur, de longs dialogues géniaux et inventifs et des situations à tiroir pour des scénarios très imagés, intelligents et brillamment orchestrés. Mais avec Pulp Fiction, Tarantino démontre également un potentiel pour déceler des acteurs pour ses rôles et a notamment relancé la carrière d’un John Travolta au plus bas. Il a également prouvé dans le même temps qu’il avait le souci de la loyauté, s’entourant régulièrement des mêmes acteurs. Pulp Fiction est sans aucun doute le film le plus célèbre de sa carrière, une œuvre fédératrice et représentative de tout un style.
Une nuit en enfer
Réalisé par Robert Rodriguez
Avec Quentin Tarantino, George Clooney, Harvey Keitel, Danny Trejo, Salma Hayek…
Fantastique, comédie, horreur / 1996
Après une courte apparition dans Desperado et les petits rôles qu’il s’est octroyé dans ses précédents films, Quentin Tarantino repasse devant la caméra en 1996 sous la direction de son ami Robert Rodriguez. Il joue l’un des rôles principaux et donne la réplique à George Clooney dans une histoire de vampire originale. Une nuit en enfer, co-écrit par ses soins, est un film divisé officieusement en deux parties distinctes : une première partie très proche de son style porté par des dialogues drôles, une violence décomplexée et des situations cocasses, avant que le film ne s’enfonce ensuite dans l’univers de Robert Rodriguez et tourne au massacre déjanté pure et simple d’une horde de vampires affamés. Un film original qui signe le début d’une étroite collaboration entre les deux artistes. À noter, ce film est également la dernière collaboration entre Quentin Tarantino et Harvey Keitel.
Jackie Brown
Réalisé par Quentin Tarantino
Avec Pam Grier, Samuel L Jackson, Robert De Niro, Bridget Fonda, Michael Keaton, Robert Forster..
Policier, drame / 1998
Sorti en 1998, ce troisième film de Quentin Tarantino prenait une tournure étonnante. Jackie Brown annonce à son tour le grand retour d’une star du grand écran : Pam Grier qui donne à l’occasion la réplique à Robert DeNiro et à l’irremplaçable Samuel L. Jackson. Plus subtil, plus réservé, plus sérieux, Jackie Brown est un film intimiste dans la filmographie de l’enfant terrible de Hollywood. Possédant tous les attraits des autres films de sa carrière, à savoir violence jouissive, personnages passionnants, situations inattendues, mise en scène inventive et dialogues intenses et imaginatifs, Jackie Brown est une histoire complexe, la seule adaptation d’une œuvre littéraire (le roman Rum Punch d’Elmore Leonard), offrant un casting de petits nouveaux, avec notamment l’inestimable et inoubliable présence de Robert DeNiro dans le rôle d’un ancien gangster rangé qui rend quelques menus services au personnage de Jackson. Un film qui a récolté une nomination aux Oscar et deux aux Goldens Globes.
Kill Bill Volume 1 & 2
Réalisé par Quentin Tarantino
Avec Uma Thurman, David Carradine, Michael Madsen, Julie Dreyfus, Samuel L Jackson…
Action / 2003-2004
Sorti dans les salles françaises réciproquement en 2003 et 2004 mais considéré par son réalisateur comme un seul et même film, Kill Bill est une grandiose histoire de vengeance. Porté par Uma Thurman, actrice fétiche du metteur en scène, Kill Bill multiplie les hommages, les sources d’inspirations et les clins d’œil : film de Yakusas, hommage à Bruce Lee, film d’art martiaux, hommage à Sergio Leone, Kill Bill est considéré par son metteur en scène comme son premier western. Nappé d’une violence omniprésente et d’une surenchère d’hémoglobine, ce quatrième film de QT est certainement son œuvre la plus importante de la pop culture et de l’imaginaire collectif de sa filmographie, racontant le destin d’une femme forte, détruite, qui cherche à se reconstruire à travers la violence et récupérer sa fille aux mains de son ex mari. Kill Bill est un condensé multiculturel de différentes notions, films, genres venant d’une temporalité différente, de lieux différents, un micmac génial et délicieux d’un cinéma oublié. Tarantino offre au passage une séquence en animation mémorable et transcendante.
Sin City
Réalisé par Robert Rodriguez, Quentin Tarantino et Frank Miller
Avec Bruce Willis, Mickey Rourke, Jessica Alba, Benicio Del Toro, Josh Harnett, Clive Owen, Elijah Wood, Rosario Dawson, Michael Clarke Duncan, Michael Madsen
Action, thriller, policier / 2005
En 2005 Quentin Tarantino se joint au projet de Robert Rodriguez d’adapter le roman graphique culte de Frank Miller, Sin City. Une brillante plongée dans une ville terrible où le vice est la norme et où la loi du plus fort règne, ce qui convenait parfaitement à l’univers de QT. Sin City est une brillante réussite, un film fort, qui se rapproche grandement du comic book grâce à une mise en scène puissante en forme de bande dessinée. D’un point de vu technique ce Sin City est d’une prouesse impeccable, magnifique, d’une qualité extrême, offrant des prises de vues et des cadrages hors normes pour une histoire complexe, à tiroir, où les personnages se croisent, les histoires s’entrecroisent et les monologues nous portent. Et même si Tarantino n’a eu qu’une faible incidence sur ce projet, cette adaptation de Sin City frise la perfection.
Boulevard de la mort
Réalisé par Quentin Tarantino
Avec Kurt Russell, Rosario Dawson, Zoe Bell…
Drame / 2007
Sorti en 2007, Boulevard de la Mort avec Kurt Russell dans le rôle du grand méchant est le premier segment du dyptique déjanté Grindhouse dont Planète Terreur, réalisé par Robert Rodriguez, est la seconde partie. Boulevard de la Mort est le film de Tarantino le moins bien reçu par la presse française qui l’avait souvent considéré à raison comme le moins subtil de ses films. En dirigeant un groupe de filles, QT met en avant son féminisme et propose des personnages féminins forts et indépendants notamment interprétés par Rosario Dawson et Zoe Bell. Boulevard de la Mort permet cependant à Tarantino d’offrir à son public quelques scène d’action, de courses poursuites en voitures qui ne sont pas sans rappeler la qualité d’antan des premiers Mad Max de George Miller, un délicieux mélange de technique et de kitch agréable. Ce cinquième film, souvent discrédité, a pour autant été sélectionné au Festival de Cannes en compétition et a permis d’observer une des scènes d’accident de la route les plus impressionnantes de l’histoire du cinéma.
Inglourious Basterds
Réalisé par Quentin Tarantino
Avec Brad Pitt, Mélanie Laurent, Christoph Waltz, Michael Fassbender, Diane Kruger, Daniel Brühl…
Action, historique / 2009
En 2009 QT entre dans sa phase historique, décidant d’offrir des longs-métrages retraçant un pan de l’Histoire. Il commence donc son initiation avec la seconde guerre mondiale et se prend l’envie de réécrire la fin de la seconde guerre mondiale et d’orchestrer la mort de Hitler. S’affichant comme le film le plus commercial de Quentin Tarantino, Inglourious Basterds reste pourtant un divertissement paradoxalement à la fois brillant et lassant. Le cinéaste ne signe pas son meilleur film, et présente peut être même l’œuvre où son style est le plus absent, mais le casting est étoffé, le sujet est très intéressant, et le génie est de retour de temps à autre lorsque quelques effets de mise en scène, de style, se font ressentir, effets qu’il est le seul à manier avec autant d’aisance. Inglourious Basterds signe la première collaboration entre Quentin Tarantino et Christoph Waltz, collaboration fructueuse puisque l’acteur autrichien a obtenu grâce à son interprétation l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle et le prix d’interprétation à Cannes. Inglourious Basterds a également comptabilisé 7 autres nominations aux Oscar.
Django Unchained
Réalisé par Quentin Tarantino
Avec Jamie Foxx, Christoph Waltz, Leonardo DiCaprio, Kerry Washington, Samuel L Jackson, Jonah Hill, Don Johnson…
Western / 2013
Rebelote : Christoph Waltz repart de nouveau avec l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle grâce à Django Unchained qui obtient également l’Oscar du meilleur scénario original ainsi qu’une nomination au César du meilleur film étranger. Tarantino s’est récemment vu accusé de plagiat sur ce scénario, alors récompensé, de Django Unchained, un scandale qui tombe pille au moment de la sortie de son huitième film, Les 8 Salopards. Django Unchained est dans la lignée de Inglourious Basterds, un film retraçant une part de l’Histoire, en l’occurrence l’esclavagisme, tout en offrant un long métrage accessible à tous, assez commercial et davantage porté sur le style que sur le fond, à la différence de 12 years a slave sur un sujet similaire. Pour autant, Django Unchained reste plus inventif que la précédente œuvre de son auteur, rythmé, drôle, terriblement bien mis en scène. Ce western survitaminé réunit toutes les qualités d’un film réussi de Tarantino. Les interprètes s’en donnent à cœur joie entre un Waltz récompensé, un Jamie Foxx charismatique et un Leonardo DiCaprio déchaîné, le spectateur ne sait plus où donner de la tête alors que Samuel L. Jackson apparaît en négrier noir très imaginatif lorsqu’il s’agit de manigancer. Le montage sonore, la bande originale et le choix des musiques entraîna l’offuscation d’Ennio Morricone lorsque Tarantino osera mettre du TuPac au milieu des somptueuses mélodies du compositeur, un mélange des genres étonnant et très appréciable. Django Unchained est directement devenu une œuvre culte et intemporelle.
Les Huit Salopards
Réalisé par Quentin Tarantino
Avec Kurt Russell, Tim Roth, Samuel L Jackson, Jennifer Jason Leigh, Michael Madsen, Bruce Dern, Channing Tatum…
Western / 2016
Dernier film en date issu de l’esprit génial de Tarantino, Les Huit Salopards est sorti en ce début de mois de janvier. Œuvre étonnante, qui a divisé la critique, Tarantino est revenu à un style plus subtil et en retenue, moins commercial, en offrant une œuvre ambitieuse, un huis-clos démoniaque, sorte de remake western du chef d’œuvre de John Carpenter, The Thing. Porté par un casting de premier ordre, ce nouveau western n’a obtenu que trois petites nominations aux Oscar, l’une pour Jennifer Jason Leigh dans la catégorie meilleure actrice dans un second rôle, une autre pour la photo de Robert Richardson, la dernière pour Ennio Morricone dans la catégorie meilleure bande originale. Les Huit Salopards a la particularité d’avoir été filmé en 70mm une technique cinématographique qui n’avait pas été utilisé depuis des décennies, permettant d’offrir une qualité d’image exceptionnelle. Terriblement long, ce dernier coup d’archer reste néanmoins une œuvre puissante qui apporte de l’innovation dans la filmographie du metteur en scène qui qualifie ce dernier long métrage comme son premier film d’horreur, aisément compréhensible lorsque l’on observe avec quelle violence celui-ci conclue son histoire.
Once Upon a Time…in Hollywood
Avec Leonardo DiCaprio, Brad Pitt, Margot Robbie, Al Paccino
Comédie dramatique et historique / 2019
C’est sans doute le film le plus mature de Quentin Tarantino. De ce fait c’est aussi celui qui divise le plus. Le cinéaste délaisse sa condition de vilain petit canard, d’enfant qui joue avec l’hémoglobine et le montage. Ici, Quentin Tarantino décide de se poser, de se calmer, et d’offrir son film le moins excentrique, le moins gamin violent. Ce dernier s’éloigne de ses chantiers battus, prend des risques en proposant un cinéma inédit dans sa filmographie. Plus proche de Jacky Brown que de Pulp Fiction, le long métrage semble signer l’âge de la sagesse pour QT. Il cherche à proposer un cinéma nouveau, et cherche à se réinventer. Once Upon A Time…In Hollywood reprend le rythme extrêmement lancinant de Les 8 Salopards, préférant prendre son temps que d’offrir un montage épileptique qu’il connaît si bien. Il s’agit certainement de son film le plus lent. Il doit beaucoup à son duo d’acteurs qui transcende totalement l’écran. Réunir ces deux immémoriaux acteurs du cinéma américains était un pari osé. Ils n’ont encore jamais tourné ensemble, et l’un aurait pu voler la vedette à l’autre. Mais Tarantino sait comment écrire des personnages, et offre un montage suffisamment homogène pour qu’ils aient chacun leur moment. Le cinéaste gère parfaitement la relation entre les deux acteurs et leur temps à l’écran. C’est simple, il a utilisé leur style pour les pousser à leur paroxysme sans pour autant les caricaturer.
Qu’en est-il de l’avenir cinématographique du Quentin Tarantino ? Ce natif de Knoxville avait annoncé au commencement de sa carrière qu’il ne dépasserait pas les dix longs métrages et ainsi partir avec les honneurs avant de faire de mauvais films. Pour autant QT à l’habitude de changer d’avis et à récemment déclaré qu’il ferait peut-être un Kill Bill 3, qu’il avait également le désir de mettre en scène un film de gangsters à la Scorsese et un film d’horreur façon L’Exorciste. Si Tarantino tient sa promesse et se cantonne à dix films il va devoir faire un choix pour le plus grand malheur de ses fans.
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