Les Huit salopards
Etats-Unis : 2015
Titre original : The Hateful Height
Réalisateur : Quentin Tarantino
Scénario : Quentin Tarantino
Acteurs : Samuel L. Jackson, Kurt Russell, Jennifer Jason Leigh
Distribution : SND
Durée : 2h48
Genre : Western
Date de sortie : 6 janvier 2016
3,5/5
Pour son huitième film, Quentin Tarantino, trois ans après Django Unchained, repique dans ce genre qu’on avait longtemps cru en état de mort clinique, le Western. Cette fois ci, il a décidé de tourner ce film en Ultra Panavision 70, un procédé qui n’avait été utilisé que sept fois dans l’histoire du cinéma, la dernière fois remontant à 1966 avec Khartoum de Basil Dearden. Ce procédé permet d’obtenir un ratio de 2.76 sur l’écran, à condition, toutefois, de disposer du matériel permettant de respecter le choix du réalisateur lors de la projection. Pour permettre à des spectateurs d’avoir la chance d’assister à une telle projection, la seule copie française « respectueuse » a effectué une tournée d’avant-premières dans cinq salles de notre pays et sera utilisée au Gaumont Champs-Elysées à Paris pour la sortie officielle. Petit cadeau en bonus : 8 minutes supplémentaires par rapport à la version qui sera projetée en numérique à partir du 6 janvier.
Synopsis : Quelques années après la Guerre de Sécession, le chasseur de primes John Ruth, dit Le Bourreau, fait route vers Red Rock, où il conduit sa prisonnière Daisy Domergue se faire pendre. Sur leur route, ils rencontrent le Major Marquis Warren, un ancien soldat lui aussi devenu chasseur de primes, et Chris Mannix, le nouveau shérif de Red Rock. Surpris par le blizzard, ils trouvent refuge dans une auberge au milieu des montagnes, où ils sont accueillis par quatre personnages énigmatiques : le confédéré, le mexicain, le cowboy et le court-sur-pattes. Alors que la tempête s’abat au-dessus du massif, l’auberge va abriter une série de tromperies et de trahisons. L’un de ces huit salopards n’est pas celui qu’il prétend être ; il y a fort à parier que tout le monde ne sortira pas vivant de l’auberge de Minnie…
Huit personnages en quête d’auteur
L’état du Wyoming, quelques années après la guerre de sécession : dans un paysage enneigé, une diligence tirée par 6 chevaux et se dirigeant vers Red Rock trace sa piste aussi vite qu’il est possible. Pas question de musarder, en effet : la menace d’un violent blizzard se précise et il serait bon d’arriver rapidement à la mercerie que tiennent Minnie et Sweet Dave, un endroit où le cocher O.B. et les passagers pourront trouver un refuge bienvenu. Les passagers ? Ils ne sont que deux : John Ruth, dit « Le bourreau » et Daisy Domergue, sa prisonnière. John Ruth est un chasseur de prime et il conduit Daisy à Red Rock où 10 000 dollars attendent celui qui ramènera cette meurtrière « morte ou vive ». Lui, John Ruth, préfère la version « vive ». Les conditions météorologiques sont terribles, des chevaux meurent et, très vite, un autre chasseur de prime va être secouru et va prendre sa place dans la diligence. Il s’agit du major marquis Warren, un noir, ancien soldat de la guerre de sécession. Lui préfère la version « mort » et il installe sur le toit de la diligence les 3 cadavres qui, à Red Rock, vont lui rapporter 8 000 dollars au total. Avant d’arriver chez Minnie, un quatrième personnage est lui aussi secouru : il s’appelle Chris Mannix et se présente comme le nouveau shérif de Red Rock. Lorsque cette petite troupe arrive à la mercerie, c’est pour apprendre que ni Minnie, ni Sweet Dave ne sont là. Par contre, il y a là Bob, un mexicain chargé par Minnie de la remplacer, Oswaldo Mobray, un britannique qui tourne dans la région pour pratiquer les pendaisons, le général confédéré Sandy Smithers et Joe Gage, un cowboy peu bavard.
Tarantino, fidèle à lui-même
Après avoir réalisé dans Django Unchained une parodie du genre parodique qu’était le western Spaghetti, Quentin Tarantino reconnaît s’être surtout inspiré des séries Western télévisuelles des années 60 pour Les Huit salopards. Très souvent, des épisodes de ces séries se déroulaient sous forme de huis-clos dans des lieux isolés, et, en reprenant ce schéma, Tarantino savait qu’il allait se faire plaisir. En effet, il est infiniment probable qu’il a dû jubiler d’avoir réuni, dans le huis-clos de la mercerie de Minnie, huit personnages aussi hauts en couleur et aussi différents l’un de l’autre et ce, dans la période sensible suivant de peu la guerre de sécession. Pensez donc : un général sudiste et un ancien soldat noir ayant combattu dans le camp opposé, un nouveau shérif qui, lui aussi, a combattu dans le camp des confédérés, deux chasseurs de primes aux méthodes différentes, un bourreau qui explique longuement la différence entre la justice légale et la justice de l’ouest, une prisonnière à la langue bien pendue (avant le reste!), etc. Avec une telle réunion, le champ était ouvert pour les joutes oratoires dont Tarantino a le secret et qui, le plus souvent, se terminent par des flingues qui remplacent brutalement les langues. Ouvert aussi pour des alliances, parfois improbables, qui se font et se défont. Quant au racisme, qu’il se porte vers les noirs ou vers les mexicains, Tarantino s’amuse beaucoup à en présenter les facettes les plus diverses. Par ailleurs, d’aucuns pourront être surpris de constater que tous ces gens venant d’horizons différents se connaissaient de réputation avant même de se rencontrer, dans une époque sans internet, sans télévision, sans radio et nécessitant des jours de voyage pour effectuer des trajets de quelques centaines de kilomètres. Cela, toutefois, ne surprendra pas quiconque s’est un peu penché sur l’histoire de l’ouest américain.
Où se situe le curseur ?
Tout cinéphile sait que Quentin Tarantino aime mélanger humour et violence. La réception qu’on peut avoir de ses films est, bien sûr, très personnelle et elle dépend pour beaucoup de la position du curseur installé par le réalisateur entre humour et violence. C’est ainsi que le même spectateur peut porter au pinacle Pulp Fiction et Inglourious Basterds et rejeter Boulevard de la mort, le considérant comme un film abject. Dans Django Unchained, son film précédent et son premier western, il y avait beaucoup trop de scènes de violence totalement complaisantes avec, entre elles, des scènes qui s’étiraient, permettant certes à Tarantino de se regarder filmer (et il filme bien, le bougre!) mais qui arrivaient souvent à générer de l’ennui. L’humour, quant à lui, était présent (pas assez!) grâce à Christoph Waltz et aux dialogues distillés avec un ton pince-sans-rire assez jouissif. Qu’en est-il dans Les Huit salopards ? Tout d’abord, on ne s’ennuie jamais, ce qui est quand même très positif. Concernant le ratio humour vs violence, il est plus qu’acceptable et même réjouissant pour tout cinéphile normalement constitué dans la première partie du film. Même si l’humour est toujours présent, ne serait-ce que par la prestation de Tim Roth dans le rôle du bourreau, la deuxième partie est plus discutable, avec des épisodes sanguinolents ou vomitifs d’une exagération qui, franchement, n’apportent rien au film. Heureusement, ils ne représentent, en temps, qu’une très faible partie du film. L’autre bémol qu’on peut mettre sur Les Huit salopards concerne la musique. A condition, bien sûr, qu’on ait encore le droit d’affirmer que la musique d‘Ennio Morricone est trop présente et, surtout, d’un genre que l’on qualifiera, pour être gentil, de pompier. Heureusement qu’il y a quand même des moments où on ne l’entend pas et d’autres où elle est remplacée par de très belles chansons de The White Stripes, de Crystal Gayle et de Roy Orbison, ou par une interprétation intéressante d’une chanson traditionnelle par Jennifer Jason Leigh.
Concernant la distribution du film, Quentin Tarantino a beaucoup puisé parmi des acteurs qu’il avait déjà utilisés dans le passé. Samuel L. Jackson (le major marquis Warren), Kurt Russell (John Ruth), Jennifer Jason Leigh (Daisy Domergue) et Walton Goggins (Chris Mannix, le shérif) tiennent les rôles les plus importants, mais on se gardera bien d’oublier Tim Roth (le bourreau), Bruce Dern (le général Sandy Smithers), Demian Bichir (Bob, le mexicain), Michael Madsen (Joe Gage) ainsi que quelques autres dont la moindre évocation pourrait gâcher le plaisir futur des spectateurs.
Conclusion
La deuxième incursion de Quentin Tarantino dans l’univers du Western est beaucoup plus réussie que la première. Même si on peut tiquer face à quelques scènes de violence trop appuyées, il est probable que la majorité des spectateurs arrivera à les digérer et que seront encore plus nombreux celles et ceux qui se régaleront à l’écoute des dialogues savoureux que nous distille le réalisateur tout au long du film. Quant à savoir s’ils se régaleront de la musique de Morricone, à eux de décider ! Mais, au fait, les huit minutes en plus, quelles sont elles ?
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En fait, si « on ne s’ennuie jamais », c’est tout simplement parce que « Les Huit salopards », avant d’être un western, est une intrigue policière. On s’en bien qu’il y a un problème dans cette mercerie de Minnie et à partir de la mort de Russel, on bascule franchement dans un « whodunit » (Qui l’a fait ?), c’est comme une enquête d’Hercule Poirot !