Le 27 Octobre 2015 est sorti en DVD et Blu-Ray, le splendide et merveilleux film d’animation de la firme Disney Pixar, intitulé Vice-Versa. Conçu dans les ateliers de la « petite souris aux grandes oreilles », ce film a eu le mérite de ne pas laisser indifférent son auditoire, et connait un énorme succès valorisé par ces charmants personnages colorés qui agrémentent cette jolie prouesse sentimentale. A cette occasion, nous avons eu l’immense honneur, que dis-je, l’incommensurable privilège d’échanger quelques mots, par téléphone, avec un des personnages incontournables dans la conception de cette pépite scintillante, Jonas Rivera, le sympathique et attachant Producteur. Le respect s’impose à lui tout seul. Quelle figure du cinéma ! Quel professionnalisme ! Parler avec lui a été un grand souvenir, et nous sommes très fiers de partager ce moment avec vous.
Jonas Rivera, cet homme qui a foulé les Marches du Festival de Cannes en Mai 2015, pour la présentation de son « bébé » et qui fut accompagné de ses acolytes John Lasseter (le Pape de l’animation chez Disney Pixar), Pete Docter et Ronnie Del Carmen (les deux Réalisateurs de Vice-Versa) a déjà travaillé pour de nombreuses animations à savoir Toy Story, 1001 Pattes, Toy Story 2, Cars, Là-Haut et donc Vice-Versa. Rien que ça !
A quelques minutes de parler avec ce grand personnage du monde de l’animation, le stress atteignait son paroxysme. J’étais au préalable briefé. Après l’avoir vu en salle, après m’être esclaffé comme une dinde, après avoir souri à tous ces clins d’œil dans le film qui ont ornés mon enfance, après avoir chialé comme un gosse à quelques moments clés du film (oui, ici, on ne pleure pas, on chiale à chaudes larmes mes amis !), mes enfants m’avaient totalement convertis dans le visionnage compulsivo-répétitif de ce chef d’œuvre dans l’animation cinématographique. Alors, je me suis dit : « vais-je lui en vouloir de me faire pleurer ? » ou « vais-je craquer sous cette pression ambiante qui me terrorise ? » Que nenni ! Tous simplement que nenni ! Et je vais vous expliquer tout simplement pourquoi : parce que ce Monsieur, est un Monsieur simple, attendrissant, pro, et qui vous file le « smile », même par téléphone, même à des milliers de kilomètres de là. Je tenais à remercier la Team Critique-Film pour son soutien (Julien, Mickael, Pascal… Merci les gars !), mais aussi Raphaël Ghrenassia, l’excellentissime Chargé de Relations Presse de The Walt Disney Company, qui a su me mettre dans des conditions optimums lors de cette interview. Je vous laisse, le téléphone sonne, et voilà ce qui s’est passé !
Critique-Film : Bonjour Monsieur Rivera. Tout d’abord, permettez-moi de vous féliciter pour ce magnifique film drôle, triste, effrayant, dégoutant, et colérique. Permettez-moi aussi de vous féliciter pour ce magnifique parcours. Enfant ou non, je suis un être humain, et quand on est un être humain, on ne peut qu’aimer ce que vous faites et ce que vous apportez au cinéma, et surtout ce que vous êtes devenu. Félicitations !
Jonas Rivera : Merci beaucoup, vous êtes très gentil. Je crois que je fais le plus beau métier du monde, et je sais très bien que je suis chanceux de faire ce que j’aime. Merci pour tous ces compliments, ça me fait vraiment chaud au cœur.
Critique-Film : Nos chers lecteurs savent que vous avez participé à de nombreuses aventures : Toy Story 1 et 2, 1001 Pattes, Cars, et surtout Là-Haut et Vice-Versa… Ce sont tous des monuments dans le cadre des films d’animation ! On a surtout envie de savoir, comment êtes-vous rentré chez Pixar ?
Jonas Rivera : Et bien, cela fait presque vingt ans à peu près… Et c’était pour le film Toy Story. Je venais de sortir de l’Université et j’ai presque tout de suite intégré les bureaux Pixar. J’étais passionné dans tout ce qui pouvait toucher l’animation. A l’époque, Pixar était une petite compagnie. On travaillait énormément en équipe dans les bureaux, et on buvait vraiment beaucoup trop de café. On ne dormait pas beaucoup (rires). Toy Story nous a pris un temps considérable car nous souhaitions quelque chose de réellement abouti avec une vision différente sur les choses. Nous voulions qu’il soit réussi, parfait. Ensuite, on a pas mal enchaîné les animations : Bugs Life (1001 Pattes), la suite de Toy Story. Une chose est sûre : mon métier a pris une toute autre envergure lorsque j’ai produit Up (Là-Haut) et Inside Out (Vice-Versa). J’ai senti que nous avions beaucoup évolué à cet instant, avec l’ensemble de mon équipe, mais toujours avec cette passion intacte pour la conception et l’animation.
Critique-Film : Il paraît que Luxo Jr., de John Lasseter, en 1986, a eu un grand impact sur vous… (Luxo Jr. est le premier court-métrage de Pixar, sorti en 1986, lorsque le studio d’animation venait d’être créé. Il est aujourd’hui son emblème)
Jonas Rivera : Oui Monsieur, c’est vrai. Un très grand impact ! Plus jeune, j’étais vraiment fan de tout ce qui pouvait toucher l’animation informatique et la création de projets animés créés sur un ordinateur. J’adorais le concept de raconter des histoires, de créer des personnages, de leur donner vie, et de fabriquer tout un environnement autour. Je me rappelle, un jour, j’ai vu Luxo Jr., et j’en ai parlé tout autour de moi à l’école. Je me demandais surtout comment la chose était possible, comment il était concevable de faire bouger aussi parfaitement un objet à l’écran. J’étais sous le charme. J’ai tout simplement voulu y prendre part. Plus tard, j’ai contacté Pixar. Tout simplement. Aujourd’hui… je me dis que j’ai eu vraiment de la chance de m’être lancé, comme j’ai de la chance de travailler pour cette magnifique entreprise.
Critique-Film : Parlez-nous de votre métier de producteur… Tiens, imaginons, que vous venez de vous lever, que vous venez de boire votre jus d’orange ou votre café, que vous avez fait un bisou à votre famille pour leur dire au revoir et leur souhaiter une bonne journée… C’est quoi alors cette fameuse journée-type chez Monsieur Rivera quand il arrive à son bureau ?
Jonas Rivera : (Rires) Alors ça, c’est une bonne question ! (Rires). Bon, il faut tout d’abord se dire une chose vraiment importante : un film comme Vice-Versa, c’est avant tout près de quatre années de travail pour le concevoir. Et pour vous répondre honnêtement, au tout début, je me lève, oui (rires), je prends mon café et ensuite, je passe presque toute ma journée dans, ce qu’on appelle, la salle des histoires, avec les deux directeurs, Pete Docter et Ronnie Del Carmen. Nous sommes autour de la table, nous discutons énormément, échangeons nos idées, on réfléchit à tout ce qui peut servir de base à un film d’animation. Nous créons les équipes, on construit l’histoire, les dialogues, le casting bien évidemment. Morceaux par morceaux, l’équipe bâtit les éléments de tout le film. Et pour moi, c’est vraiment amusant, puisque mon travail change, évolue toutes les vingt minutes. Voyez-vous ce que je veux dire ? Et la part la plus importante de ce travail c’est l’animation, les personnages qui sont fabriqués, les paysages qui sont inventés pour faire du film, une réussite totale tout d’abord pour nous tous, mais aussi et surtout pour le public. En fait, il faut se dire que l’équipe de production c’est comme un coach dans une équipe de football, qui manage, qui motive tous ses éléments.
Critique-Film : Nous ressentons que vous faites ce métier avec beaucoup de passion. Le rôle du producteur est indispensable sous différents aspects. Nous aimerions savoir si vous êtes plutôt un homme d’affaire ? Un créateur artistique ? Un doux rêveur ? Ou alors, un joli mélange de tout ça ?
Jonas Rivera : Oh ! C’est exactement tout cela. C’est, comme vous dites, une jolie combinaison de tout cela. C’est le sens même de la création dans toute sa globalité. On a ce côté « business » dans ce travail de création qui est finalement, primordial. Avec John Lasseter, nous essayons de faire en sorte de protéger au mieux, les intérêts de la société. Nous protégeons le film, son idée, ce qu’elle évoque auprès du public, et auprès du cahier des charges que nous mettons en place. Nous le protégeons pour qu’il soit le meilleur possible, nous le défendons au maximum pour qu’il soit aussi et surtout, le plus rentable. C’est normal. La partie artistique, je laisse cela au reste de l’équipe qui travaille énormément. Je laisse cela à Pete (Docter) et Ronnie (Del Carmen), qui donnent le meilleur d’eux pour que ce soit une réussite totale, un film abouti, et apprécié du plus grand nombre. Ce qui me plaît le plus finalement, c’est la partie rêve. Dans cette partie, nous créons un film à partir de rien, puis d’une idée lumineuse. Nous le faisons pour qu’il plaise. Nous le faisons pour le public. Nous le bâtissons grâce à cette chance que nous avons de faire ce que nous aimons le plus : faire rêver les gens. Et c’est exactement ça qui fait que nous sommes tous un peu des rêveurs. C’est ça qui est fun.
Critique-Film : Excusez-mais je crois que « Joie » s’impatiente… elle veut qu’on parle un peu d’elle et de ses amis ! De l’énorme succès de Vice-Versa ! Ce film m’a ébahi… il est beau, il est triste, il fait peur, il est tout simplement et terriblement fun. On veut savoir : comment est née l’idée « Vice-Versa » ?
Jonas Rivera : Au tout départ, cette idée vient de nombreuses interrogations d’un papa de notre équipe, Pete Docter. Il se posait des questions sur sa petite fille, Elie. A l’époque, elle devait avoir le même âge que Riley dans le film. Elie est une petite fille très charmante, pleine de vie, vraiment adorable, toujours souriante, toujours joyeuse. Un beau jour, Pete a constaté quelques changements chez elle. Il nous en a parlé. Je pense d’ailleurs que ces changements touchent tout le monde dans son entourage (rires). En effet, son humeur passait d’un état à un autre. On sentait que ça le perturbait un peu, et il nous le faisait savoir. Le premier à avoir été au courant, c’était Ronnie (Del Carmen). Il se posait évidemment beaucoup de questions, et ce qui est vraiment bien, c’est qu’il a partagé ses angoisses un peu avec tout le monde dans l’équipe (rires). Ces questions qui semblaient importantes pour lui ont soulevées beaucoup d’interrogations chez nous. Comment est-ce possible ? Qu’est ce qui fait que nous pouvons passer d’un état triste à un état joyeux ? Comment sont guidés nos choix ? Voilà d’où est née cette fabuleuse idée, le principe même du film, l’importance des sentiments, et notamment chez les enfants.
Critique-Film : C’est sûr que les émotions jouent un rôle important dans le film. Nous n’en doutons pas une seconde. Mais, je vais tout de même vous poser cette question, Monsieur Rivera : vous rendez-vous compte que vous jouez avec les sentiments du spectateur ? D’abord, dans Là-haut, on a beaucoup ri, on a beaucoup pleuré, puis on a ri… Pareil, dans Vice-Versa, on rit, on pleure, puis on rit à nouveau, et on pleure, pour enfin rire… Trouvez-vous cela raisonnable, cher Monsieur ?
Jonas Rivera : (rires) Evidemment, c’est raisonnable (rires) ! Le fondement même chez un créateur de films, c’est de procurer des émotions, de chambouler les gens. C’est marrant d’ailleurs que vous parliez de Là-Haut puisqu’il a eu ce pouvoir de toucher les gens très profondément, générations confondues. Je peux vous dire que c’est un souvenir énorme pour nous. Il en est de même dans Vice-Versa. Il arrive à toucher tout le monde, car il soulève quelque chose en chacun de nous. Il évoque les souvenirs, les clins d’œil liés à nos enfances. On s’attache beaucoup aux différents personnages, on s’identifie beaucoup à eux. C’est ce qui fait la beauté du cinéma. Et ce qui est formidable, c’est que ça semble naturel. Alors, je vais même faire un lien avec cette série, loin, loin de tous ces films d’animation… mais qui procure un attachement énorme aux personnages chez le spectateur… Oui ! The Walking Dead ! Regardez comme cette série est troublante. Dans tous les genres de films ou de séries, nos émotions sont soumises à rude épreuve. Le spectateur, dans cette série, s’identifie, se rapproche de lui dans les moments simples de bonheur, comme dans les moments difficiles. Ils les suivent, ils ont mal pour eux, s’en séparent avec beaucoup de tristesse. Vous voyez, chaque film, chaque série peut provoquer des émotions intenses dans le cœur de tout le monde. C’est ça qui fait du bien, c’est ça aussi qui fait la beauté du cinéma.
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