Etats-Unis : 2015
Titre original : Irrational man
Réalisateur : Woody Allen
Scénario : Woody Allen
Acteurs : Emma Stone, Joaquin Phoenix, Parker Posey
Distribution : Mars Distribution
Durée : 1h37
Genre : Drame, thriller, romance
Date de sortie : 14 octobre 2015
Note : 3,5/5
Avec une précision de métronome, Woody Allen dévoile son quarante-neuvième long métrage : L’Homme irrationnel. Présenté hors compétition au festival de Cannes 2015, le film est porté par un duo d’acteurs inattendu mais troublant : Emma Stone-Joaquin Phoenix.
Synopsis : Le professeur de philosophie Abe Lucas est muté dans le verdoyant Braylin College. Son arrivée suscite un bruissement de commérages au sujet de sa réputation de Don Juan alcoolique mais non moins brillant. Frustré par une vie qu’il perçoit comme vide et insignifiante, Abe peine à publier ses recherches et ne ressent aucun attrait pour l’enseignement. Fantasmé par une de ses collègues du nom de Rita Richards et vénéré par sa plus pétillante étudiante Jill Pollard, il entame alors une liaison avec les deux femmes. Loin d’y trouver l’extase psychique et corporelle, il entreprend alors un projet de meurtre qui, il l’espère, lui permettra de renouer avec les joies de l’existence…
Un Woody sans le Allen
On aurait fort à craindre du dernier Woody Allen tant ses cinq derniers crus, à la saveur inégale, se sont soldés par des critiques mitigées.
La première apparition à l’écran de Joaquin Phoenix a de quoi faire sourire. Sa transformation en professeur désabusé et ventripotent constitue l’un des premiers clichés d’une comédie qui s’insinue très vite dans des dialogues ciselés et pêchus, mais dont la drôlerie corrosive finit inévitablement par s’essouffler. L’attitude (très) légèrement mièvre du personnage campé par Emma Stone traduit l’une des plus grandes faiblesses de cette cuvée 2015 ; à trop jouer sur les stéréotypes comiques, le réalisateur finit par opposer des personnages à la consistance déséquilibrée. Le couple à trois semble donc bien terne en comparaison de celui sensuellement explosif qu’incarnaient les héros de Vicky Christina Barcelona.
Pourtant, L’Homme irrationnel renoue avec certains points qui firent le succès de Match Point. L’univers académique et les balances du clair-obscur qu’impose Woody Allen plongent les personnages dans un cadre caustique et intriguant. Comme toujours chez le réalisateur, l’ironie s’immisce partout : dans la gestuelle absurde d’Abe Lucas ou encore dans l’obsession toute consternante de l’amoureux éconduit. A tous ces classiques du style « woodyallenien » s’ajoute une musique jazzy envoûtante et tonique, qui guide le spectateur vers le dénouement tragique.
Un film rationnel ?
Avec L’Homme irrationnel, Woody Allen offre une expérience brutale de la pensée philosophique contemporaine. Il manie avec brio certains concepts philosophiques complexes et parfois obscurs, tout en y ajoutant une dose d’humour parfaitement maîtrisée. L’évocation bancale de « la banalité du mal » d’Hannah Arendt est très vite dépassée par des questions insolubles et dérangeantes telles que : peut-on commettre un meurtre au nom de l’intérêt commun ? Existe-t-il un crime parfait ? Le « phœnix » peut-il renaître de ses cendres ?
Soyez néanmoins rassurés, Woody Allen ne dispense pas sa leçon de philosophie « pour les nuls » mais propose au contraire de mettre les idées en pratique. Alors, comment illustrer certains concepts philosophiques à travers l’expérience humaine ? Le film dépend donc de vos arguments, chers spectateurs, à l’image de son héroïne qui ne cesse de tout remettre en question pour s’empêcher de sombrer dans le simplisme qui remue bien trop souvent la société contemporaine et qui pousse Abe Lucas dans le piège de la tragédie.
Conclusion
En somme, L’Homme irrationnel confirme la réussite du réalisateur depuis Blue Jasmine. Malgré un dénouement quelque peu convenu, le film parvient à captiver et à stimuler l’intellect : ça fait du bien !
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=QULUPr0OL9M[/youtube]