Critique : L’Oracle

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L’Oracle

Allemagne, 2014
Titre original : The Forecaster
Réalisateur : Marcus Vetter
Scénario : Marcus Vetter et Karin Steinberger
Intervenants : Martin Armstrong, Thomas Sjoblom, Larry Edelson
Distribution : Jupiter Films
Durée : 1h34
Genre : Documentaire
Date de sortie : 16 septembre 2015

Note : 2,5/5

Profitez bien de votre confort matériel tant que vous le pourrez ! Car si la dernière prévision de Martin Armstrong devient réalité, dans quelques semaines, voire quelques jours, toutes nos richesses relatives s’évaporeront à cause d’un « big bang » des dettes publiques début octobre. Même si nous ne croyons plus en ces messages apocalyptiques, nous devons reconnaître qu’il y avait de quoi faire un documentaire joliment alarmiste sur cette échéance prochaine. Hélas, l’opportunité de déchiffrer la jungle des différentes règles de l’économie actuelle, sur fond d’un compte à rebours haletant, est largement ratée par ce documentaire allemand, qui préfère entreprendre la tâche impossible du portrait d’un homme discret. Contrairement à Master of the Universe, le documentaire magistral de Marc Bauder sorti en novembre dernier sur un ancien banquier de la haute finance, L’Oracle ne nous apprend quasiment rien sur les tenants et les aboutissants d’un monde de l’ombre, dans lequel seul le profit prime, au détriment de toute considération humaine. Pire encore, le long détour par le périple judiciaire de Armstrong atténue la portée économique du film, pour nous laisser en fin de compte en panne d’un nouveau repère pour mieux comprendre le cheminement obscur de l’argent à travers le monde.

Synopsis : Passionné par les pièces de monnaie, l’économiste américain Martin Armstrong a établi un code secret basé sur le nombre Pi et ses recherches sur les mouvements cycliques des marchés. Grâce à ses connaissances, il a pu prédire des événements économiques majeurs, comme le krach de la bourse en octobre 1987 ou la faillite de la Russie onze ans plus tard. Tandis que ce savoir redoutable lui a valu une réputation internationale à travers son entreprise de conseil financier Princeton Economics, il l’a également conduit derrière les barreaux pendant douze ans, à l’issue d’un procès douteux en l’an 2000.

Un secret (trop) bien gardé

Il faudrait beaucoup de temps, une intelligence hors pair et une compréhension accrue des mécanismes du monde financier pour y comprendre encore quelque chose aujourd’hui aux fluctuations imprévisibles des marchés. A ne pas en douter, Martin Armstrong dispose de ces prérequis pour tirer son épingle du jeu des bourses et des taux de change volatils à travers le monde. Le problème, c’est qu’il ne semble guère volontaire pour partager ses tuyaux, à moins de monnayer ses services au prix fort. Et puis, aussi redoutable le taux de réussite de sa formule secrète soit-il, ce calcul farfelu ne dira probablement rien au spectateur ordinaire, si jamais Armstrong était disposé à dévoiler le fruit du travail d’une vie. Or, l’existence de cet homme énigmatique tourne justement autour de sa capacité exclusive de prédire les crises financières, à ne surtout pas partager avec les puissants de ce monde, qui en feraient probablement mauvais usage. Dans un tel contexte ultra-secret, la marge de manœuvre pour un documentaire comme L’Oracle est forcément réduite. Même en prenant largement le parti de son sujet, il peine en effet à lui soutirer autre chose que des banalités sur le déséquilibre des richesses et l’hypocrisie qui règne dans le monde des finances. Le constat n’est point plus édifiant du côté des autres intervenants, qui s’emploient certes à encenser le talent de Armstrong, mais qui n’apportent rien de concret en termes de dissection des rouages du marché.

L’Injustice américaine

La mise en scène un peu trop complaisante de Marcus Vetter finit par se rendre compte de cette vacuité relative du contenu et s’engage alors dans une vaste digression sur le procès et l’incarcération abusive de son héros, suite à l’affaire de la banque Republic New York. Bien que cet épisode de la vie d’Armstrong puisse être intéressant d’un point de vue personnel, puisque cet homme richissime qui tenait indirectement les rênes de la haute finance se voyait alors confronté à une impuissance légale et sociale insoutenable, il ne contribue rien d’essentiel au raisonnement théorique du documentaire, autre qu’une sensation croissante de paranoïa. En effet, vu comment les déboires carcéraux de Armstrong y sont présentés, il s’agirait d’un vilain complot qui vise à écarter ce prophète devenu trop encombrant. A priori, il n’y a rien d’abusif dans cette prise de position-là, sauf que la narration s’en sert une fois de plus comme prétexte pour une accusation tendancieuse du système américain. Ce ne sont pas tant les arguments qui pèchent dans le raisonnement du réalisateur, mais leur mise en images très approximative et l’absence de solidité de leur enchaînement. L’impression d’une manipulation peu habile va même en croissant, à cause de la musique incluse d’une façon particulièrement peu discrète dans le mixage sonore.

Conclusion

Si le monde financier tel que nous le connaissons s’écroule d’ici la rentrée, les répercussions seront infiniment plus graves que notre déception relative face à ce documentaire formellement trop bancal pour rendre pleinement justice à son sujet. Il n’empêche qu’un propos sensiblement plus concret, voire plus précisément alarmant, aurait pu être tiré de la prémisse d’un homme en mesure de prédire les grands bouleversements du monde financier avec une exactitude mathématique, quitte à ce que ce magicien des chiffres ne dévoile rien sur sa méthode.

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