Tout comme Orson Welles, l’actrice Ingrid Bergman aurait eu cent ans cette année, ce qui au passage, permet de rappeler que tous deux étaient plus jeunes que Manoel de Oliveira, comme tout le monde ou presque… À cette occasion, la Cinémathèque Française rend hommage à ces deux personnalités fortes du cinéma américain, Orson Welles du 17 juin au 2 août, Ingrid Bergman depuis le 24 juin et jusqu’au 2 août.
À l’occasion de l’ouverture de la rétrospective, le programmateur Jean-François Rauger a souligné l’importance de l’implication du Swedish Film Institute qui permet en particulier de découvrir les longs-métrages qu’Ingrid Bergman a tourné en Suède sous la direction de Gustaf Molander à commencer par Intermezzo dont le remake signé Gregory Ratoff et produit par David Selznick fut sa porte d’entrée vers Hollywood. Il a rappelé à cette occasion que le rôle de la Cinémathèque est aussi de montrer ces films inconnus du grand public même s’ils n’attirent pas forcément beaucoup de monde… bien moins que certaines rétrospectives (Tati, Burton…), est-on tenté d’ajouter, vantées par les communicants du lieu comme des exemples à suivre aveuglément afin de pouvoir se glorifier d’un taux de remplissage qui permettrait de faire de la Cinémathèque Française une Tour Eiffel du cinéma, c’est à dire un lieu d’appel culturel plus qu’un cadre réellement porté par une ambition artistique… Voilà, c’est dit…
Cet impressionnant hommage permet donc de découvrir ainsi de vraies raretés, comme ces longs-métrages réalisés par Gustaf Molander dont l’oeuvre est totalement méconnue chez nous. S’ajoute à Intermezzo, Dollar, Du côté du soleil, Un Visage de femme, Les Swedenhielm et Une seule nuit. Leur projection commence ce dimanche 28 juin avec ces deux derniers, respectivement à 19h30 et 21h30.
Évidemment on retrouve les grands classiques réalisés par Rossellini (Stromboli, Europe 51, Voyage en Italie, La Peur, Jeanne au bûcher) et Hitchcock (La Maison du Docteur Edwardes, Les Enchaînés, Les Amants du capricorne) et les inoubliables Docteur Jekyll et Mister Hyde et Jeanne d’Arc de Victor Fleming, Casablanca de Michael Curtiz, Pour qui sonne le glas de Sam Wood, Hantise de George Cukor (premier oscar), Les Cloches de Sainte-Marie de Leo McCarey, Indiscret de Stanley Donen et son dernier pour le cinéma Sonate d’automne, rencontre tardive avec son homonyme Ingmar Bergman qu’elle a sollicité.
Au programme encore les deux autres performances qui lui ont permis de remporter deux autres oscars, l’imposture historique Anastasia d’Anatole Litvak (qui la redirigera dans Aimez-vous Brahms?) et l’enquête d’Hercule Poirot Le Crime de l’Orient-Express de Sidney Lumet ainsi que dans un autre registre la comédie de Broadway, Fleur de cactus du récemment disparu Gene Saks (voir hommage). Dans Elena et les hommes, Jean Renoir dirige la comédienne alors qu’elle est au plus bas dans sa carrière, selon les propres mots du réalisateur de La Règle du jeu.
À ces classiques s’ajoutent des films plus discrets venus des années 30 (Le Conte du Pont au Moine, La Nuit de la Saint-Jean, Les Quatre compagnes), 40 (Quand la chair est faible, La Proie du mort avec George Sanders, L’intrigante de Saratoga, Arc de Triomphe), 50 (L’auberge du sixième bonheur), 60 (La Pluie de Printemps), 70 (The Hideaways, Nina de Vincente Minnelli avec Liza with a Z) ainsi que des téléfilms, une adaptation de Hedda Gabler, la pièce d’Ibsen aux côtés de Ralph Richardson et Michael Redgrave, The Human Voice de Ted Kotcheff d’après Jean Cocteau ou Une femme nommée Golda dans le rôle de Golda Meir, avec le récemment disparu Leonard Nimoy. En complément de programme des courts-métrages, de fictions pour une adaptation d’une nouvelle de Guy de Maupassant (La Parure) qui marquait ses retrouvailles avec Gustaf Molander dans les années 60 (dans le cadre d’un film à sketchs tourné en Suède) mais aussi des courts documentaires et/ou promotionnels, parfois tournés en famille. Espérons que le public cinéphile curieux se déplacera autant pour les Hitchcock / Rosselini & co que pour ces films qui ne seront pas reprogrammés de sitôt mais restent d’autres illustrations du parcours d’une comédienne que l’on peut aussi voir comme un auteur à sa manière.
Histoire de bien lancer le cycle, un dialogue (vraiment plaisant, entre jolies anecdotes privées -mais pas trop- et évocation de sa carrière) a eu lieu ce samedi avec sa fille Isabella Rossellini précédé de la projection de Stromboli de Roberto Rossellini, le premier des cinq longs-métrages qu’ils ont tourné ensemble et qui a marqué le début de leur scandaleuse histoire d’amour. Ingrid Bergman – In Her Own Words, présenté à Cannes Classics cette année, permettra de se plonger dans sa vie et son œuvre à travers des archives personnelles rares réunies par Stig Björkman, Ingrid Bergman ayant tout conservé dans son parcours d’un journal intime tenu depuis l’âge de 10 ans, les lettres écrites et reçues, ses films en Super 8 ou en 16 mm. Le calendrier complet des projections est à découvrir ici.
Ci-dessous la présentation du cycle par Murielle Joudet, critique cinéma à Chronic’art