Love is Strange
Etats-Unis : 2013
Titre original : –
Réalisateur : Ira Sachs
Scénario : Ira Sachs, Mauricio Zacharias
Acteurs : Alfred Molina, John Lithgow, Marisa Tomei, Darren E. Burrows
Éditeur : M6 Vidéo (exclusivité FNAC)
Durée : 1h31
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie cinéma : 12 novembre 2014
Date de sortie DVD : 24 juin 2015
Après 39 ans de vie commune, George et Ben décident de se marier. Mais, au retour de leur voyage de noces, George se fait subitement licencier. Du jour au lendemain, le couple n’est plus en mesure de rembourser le prêt de son appartement new yorkais. Contraints de vendre et déménager, ils vont devoir compter sur l’aide de leur famille et de leurs amis. Une nouvelle vie les éloignant l’un de l’autre, s’impose alors dans leur quotidien.
Le film
[4/5]
Love is Strange : L’amour est étrange. Sans être autobiographique, c’est dans son propre vécu et dans celui de ces amis qu’Ira Sachs est allé puiser la matière de son dernier film, et c’est une chanson des années 50 qui lui donne son titre. Dès les premières images du film, nous faisons connaissance avec Ben et George, se réveillant côte à côte. C’est le matin de leur mariage. Ben a 71 ans, il est retraité, George doit avoir une petite dizaine d’années en moins, il est professeur de musique dans une école catholique. Ils sont ensemble depuis 39 ans. Bien que l’homosexualité de George et sa vie en couple soient connues de sa hiérarchie et de la plupart des parents d’élèves, la situation, acceptée jusqu’alors, évolue très défavorablement du fait de ce mariage : George est licencié. Conséquences : vente de leur appartement par manque de revenus, obligation de se séparer, provisoirement pensent-ils, pour aller vivre chacun de son côté. Ben, accueilli par son neveu Elliot et, Kate, la femme de ce dernier, se retrouve à partager la chambre de son petit neveu Joey. George, quant à lui, reste dans leur ancien immeuble, couchant sur le canapé du salon chez Roberto et Ted, deux policiers vivant en couple. Mais, comme dit Ben, lorsqu’on vit avec les gens, on apprend à les connaître plus qu’on voudrait ! Ce qui est vrai pour Ben, et pour George, ne l’est pas pour les spectateurs. En effet, même si Love is Strange est avant tout un film sur le couple que forment George et Ben, il ne se prive pas de s’intéresser plus généralement à ce que peut être la vie en couple dans une immense métropole comme New-York : chez Kate et Elliot, elle est écrivaine et travaille à la maison, il est réalisateur de cinéma et il n’est presque jamais à la maison. Tensions, disputes. Chez Roberto et Ted, c’est sans arrêt la fête. Fatigue.
Depuis Forty Shades of Blue en 2005, tous les films d’Ira Sachs ont le couple comme sujet principal. Toutefois, ce n’est que dans Keep the Lights On, son film précédent, qu’il a commencé à projeter sa propre vie dans son cinéma en mettant en scène un couple homosexuel. Dans Love is Strange, Ben et George sont âgés et vivent ensemble depuis très longtemps : leur amour est puissant et tendre à la fois. Ils ne le manifestent que de manière furtive, sans ostentation. La complicité qui les lie rend d’autant plus difficile à vivre cette séparation qu’ils espèrent très brève. Certes, ils auraient pu rester ensemble chez une amie pouvant les loger tous les deux, mais Poughkeepsie est à 2 heures de New-York, rendant difficile la recherche d’un nouveau travail pour George ainsi que celle d’un nouvel appartement compatible avec leurs revenus. C’est par de tels biais qu’Ira Sachs aborde de façon très fine les sujets qui viennent se greffer sur le sujet principal : la société catholique qui continue de s’opposer au mariage homosexuel, le prix des logements à New-York, le combat des homosexuels pour se faire servir dans des bars lorsqu’ils arrivent en couple, l’évolution d’un adolescent, Joey, son amitié ambiguë avec son condisciple Vlad et son premier flirt avec une fille de son âge. Musicalement, cette excellente comédie dramatique douce-amère est avant tout bercée par le piano de Chopin. Toutefois, Ben et George ont manifestement des goûts éclectiques puisqu’une scène du film les voit interpréter ensemble (Baby) You’ve Got What it Takes, un tube Rythm’n’Blues que Dinah Washington et Brook Benton avaient popularisé en 1960. Renforçant les qualités de réalisateur d’Ira Sachs, les prestations d’Alfred Molina et de John Lithgow, interprétant respectivement les rôles de George et de Ben, sont absolument bluffantes. Talent individuel des 2 comédiens, complicité entre eux : l’amour plein de tendresse qui lie George et Ben transparaît à l’écran de façon évidente, naturelle. Récompensée en 1993 par l’Oscar de la Meilleure actrice dans un second rôle dans Mon Cousin Vinny, Marisa Tomei campe parfaitement Kate et ses problèmes domestiques. Darren E. Burrows qui joue Elliot, était déjà présent dans Forty Shades of Blue. Quant à Charlie Tahan, excellent dans le rôle de Joey, il a un point commun avec Carla Bruni : il a interprété un petit rôle dans un film de Woody Allen, en l’occurrence Blue Jasmine.
La critique de ce drame romantique d’une grande subtilité avait été écrite par Pascal Le Duff au moment de la sortie en salles.
Le DVD
[4/5]
Seulement visible en Version Originale sous-titrée, Love is Strange est très classiquement proposé en Dolby 2.0 et en Dolby 5.1. Le caractère cinégénique de New-York, bien mis en valeur par le Directeur de la photographie Christos Voudouris, ne souffre pas du transfert sur DVD. Il en est de même pour le côté direct et subjectif qui caractérise la façon dont sont scrutés les protagonistes du film. En complément, un très intéressant « Making of » de 23 minutes fait le tour d’une part importante du générique du film : réalisateur, co-scénariste, producteurs, comédiens et comédienne, cheffe décoratrice, … Des impressions qu’on avait pu avoir à la vision du film s’y trouvent confirmer : le penchant d’Ira Sachs pour la peinture des émotions internes, son goût pour la spontanéité qui peut apparaître contradictoire avec son besoin de précision. On reste par contre plus dubitatif lorsque Ira Sachs se revendique du cinéma de Maurice Pialat, qu’il considère, certes à juste titre, comme un maître du réalisme mais dont le réalisme est beaucoup plus enflammé que le sien.