CEFF 2015 : Onur Tukel présente Applesauce

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(photo : Sarah Couturier pour le CEFF)

Applesauce 1

Qu’avez-vous fait de pire dans votre vie ? Inspiré par une émission de radio controversée, Ron va révéler une anecdote peu glorieuse de son passé et ainsi mettre en danger son couple et celui de ses meilleurs amis, Les et Kate. En parallèle, Ron reçoit des morceaux de corps humain. Qui est son énigmatique harceleur ? Avec Applesauce, Onur Tukel confirme avec cette nouvelle invitation au Champs-Elysées Film Festival, un talent décelé l’an dernier seulement (Summer of blood) pour l’auto-dénigrement, l’humour potache, un romantisme particulier, le cinéma de genre et un regard politique osé, notamment dans son évocation du 11 Septembre 2011. Via le personnage égocentrique (mais attachant) qu’il interprète, il tisse un parallèle entre les nobles théories de ceux qui se voient comme des êtres purs et l’hypocrisie de leur attitude au quotidien face à la moindre crise. En gros, comment l’expression «faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais» devient un bon résumé autant de la réalité des rapports humains intimes que de l’exercice du pouvoir aux Etats-Unis, en particulier dans l’exercice des représailles, de préférence mal dirigées.

Le quatuor de comédiens au cœur de l’intrigue est parfait, le réalisateur lui-même et ses partenaires Max Casella (son meilleur ami) et leurs compagnes respectives, Trieste Kelly Dunn et Jennifer Prediger. N’oublions pas Dylan Baker (Happiness) excellent en animateur radio cynique à l’origine de l’aveu de Ron, Karl Jacob en serveur discret et Ariel Kavoussi en frêle policière à la voix aigüe aux compétences particulières pour déterminer si deux membres humains viennent du même corps.

Max Casella, Jennifer Prediger, Karl Jacob et Onur Tukel lors de la présentation du film au Festival de Tribeca
Max Casella, Jennifer Prediger, Karl Jacob et Onur Tukel lors de la présentation du film au Festival de Tribeca et Dylan Baker ci-dessous

Applesauce 2

Et si Onur Tukel, sans dénigrer les autres réalisateurs venus en compétition au CEFF auparavant, était LA première vraie grande découverte de ce festival qui n’en n’est encore qu’à ses premiers balbutiements ? On attend désormais une rétrospective aussi large que celle consacrée aux frères Safdie cette année pour confirmer le bien que l’on pense de son cinéma à mi chemin entre le cinéma d’horreur et la comédie dramatique indépendante US.

Après la séance du dimanche 14 juin à 18h, Onur Tukel est venu à la rencontre du public où il a répondu à quelques questions sur son film. Voici une retranscription (un poil reformatée) de ses propos.

(photo : Sarah Couturier pour le CEFF)
(photo : Sarah Couturier pour le CEFF)

 

Le titre

Littéralement il s’agit de compote de pommes mais c’est un mot qui est synonyme de non-sens et employé comme interjection, genre «merde alors!». Mon nouveau film multiplie par ailleurs les genres comme dans une sauce. On a de l’horreur, de la comédie romantique, une histoire de couple… La pomme représente encore la connaissance, notamment celle que l’on ne devrait pas avoir et qui peut ruiner votre vie. C’est aussi, comme on me l’a fait remarquer dans un autre débat, l’idée du fruit défendu qui fait chuter Adam et Eve du paradis.

 

Les thèmes

C’est un film sur la paranoïa et le manque d’écoute et pas seulement sur comment un doigt mal placé peut détruire un couple. Le climax n’est pas un affrontement physique comme on pouvait l’attendre mais une discussion apaisée pour déminer un conflit. Les scènes où le personnage que j’interprète enseigne ont été tournées à la fin du tournage pour intégrer à mon histoire des thèmes que je voulais creuser, dont l’hypocrisie ou la paranoïa. On agit bêtement sous l’effet de la peur. Les années qui ont suivi les attentats du 11 Septembre ont été une décennie de défaites pour nous. On a la mémoire courte en Amérique. Moi, je suis toujours en colère en pensant à cette période. Obama est aujourd’hui jugé trop faible car il fait preuve de plus d’humilité que son prédécesseur George W. Bush. L’oreille coupée symbolise l’écoute comme alternative à la violence avec un jeu de mots visuels sur la difficulté d’être réellement à l’écoute des autres. Je voulais aussi évoquer comment le monde est plus dangereux aujourd’hui mais avec dérision.

 

Son jeu d’acteur

J’ai bien conscience de ne pas être un acteur professionnel. Dans Summer of blood, je parlais de ma peur du mariage (c’est quelque chose dont j’ai toujours peur) pour désamorcer mon tempérament égoïste. J’ai besoin de projeter ma personnalité dans les rôles que j’interprète. J’aime inclure des histoires personnelles, me moquer de moi-même, c’est pour ça que je me filme dans des positions peu flatteuses, comme des scènes de sexe. Moi je suis un clown mais je suis admiratif de mes partenaires qui sont tous des acteurs expérimentés, Max Casella en particulier. Il est apparu dans la série Les Sopranos a joué sous la direction de Martin Scorsese (Boardwalk Empire), les frères Coen (Inside Llewyn Davis) ou Woody Allen (Blue Jasmine).

 

Woody Allen

On me compare parfois à Woody Allen, c’est un honneur et même si mon meilleur film devait être comparé à son pire, ça m’irait très bien. Comme acteur, on ne peut pas dire qu’il a une large palette de jeu, son registre étant plutôt fonctionnel pour ses histoires mais au moins nous pouvons faire ce que le scénario exige de nous. C’est la même chose avec Quentin Tarantino. Il développe une énergie propre à ses films et j’aime la façon dont il prononce ses dialogues uniques.

 

Son style d’auteur

Avec ce film ou Summer of blood, je ne réalise pas vraiment un film de genre. J’intègre du genre à un film indépendant. Summer of blood n’était pas tant un film de vampires qu’une histoire romantique avec du vampire dedans.

 

La scène la plus compliquée à tourner

Le moment où je trouve le pénis était difficile à jouer. Il me glissait des mains, je devais reprendre la scène à plusieurs reprises. Le timing devait être rigoureux pour l’effet comique, c’était à la seconde près. C’était difficile de l’attraper et de l’approcher de ma bouche au moment précis pour que se coordonnent la réaction de ma partenaire et la place de la caméra. J’étais de plus en plus énervé et ça se voit à l’écran car ça prenait du temps. Au moins ça a servi la scène. J’avais une crainte, qu’il y ait le moindre doute sur une éventuelle homophobie de ma part et donc j’évoque un souvenir de l’université pour désamorcer tout doute sur mes intentions.

 

La musique

J’aime travailler dans l’urgence et je n’ai donc donné que deux semaines à mon compositeur Michael Montes avec comme principal repère, celle de Bernard Herrmann pour Psychose. Je suis plus que satisfait du résultat et de sa musique riche en instruments à cordes qui sert parfaitement l’histoire.

APPLESAUCE onur tukel SARAH_COUTURIER 01

Le film repasse ce mardi 16 juin à 16h30 au cinéma Publicis.

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