While the women are sleeping
Japon, 2016
Titre original : While the women are sleeping
Réalisateur : Wayne Wang
Scénario : Michael K. Ray, Shinho Lee et Mami Sunada, d’après la nouvelle de Javier Marias
Acteurs : Hidetoshi Nishijima, Shioli Kutsuna, Beat Takeshi, Sayuri Oyamada
Distribution : –
Durée : 1h42
Genre : Thriller
Date de sortie : –
Note : 2,5/5
Gros coup de fatigue à mi-chemin de notre présence au 66ème Festival de Berlin ! Le film qui a fait les frais de cette lutte acharnée contre le sommeil aurait sans doute mérité mieux qu’un degré de concentration amoindri. En même temps, nous ne sommes pas sûrs qu’il y avait beaucoup à comprendre ou à saisir dans ce conte japonais sur une obsession qui tourne rapidement en rond. Que les choses soient bien claires : nous n’avons pas dormi pendant la projection de While the women are sleeping. Il n’y a donc pas eu une incitation du subconscient à imiter l’occupation des personnages du film, comme cela a pu arriver il y a longtemps avec De l’eau tiède sous un pont rouge de Shohei Imamura et notre besoin pressant d’aller aux toilettes. Eh oui, le cinéma japonais a parfois une drôle d’influence sur notre métabolisme … Dans le cas du nouveau film de Wayne Wang, qui constitue une rupture plutôt bienvenue avec ses films américains très consensuels, il s’agit davantage d’un décrochage mineur face à un thriller psychologique, qui a tendance à se perdre en cours de route, en même temps que le spectateur.
Synopsis : L’écrivain Kenji et sa femme Aya, une éditrice, passent une semaine dans un hôtel luxueux au bord de la mer. Pendant que son épouse enchaîne les rendez-vous professionnels en ville, Kenji essaye de trouver l’inspiration pour l’écriture de son troisième roman. Au bord de la piscine, il observe un drôle de couple formé par le vieux Sahara et la jeune et belle Miki. Leur relation l’intrigue, au point de les épier le soir à travers la fenêtre de leur chambre. Après quelques jours, Kenji finit par faire leur connaissance et apprend alors le secret de Sahara, qui filme Miki chaque fois qu’elle s’endort.
La piscine
L’atmosphère glacée qui prévaut dans ce film nous rappelle les thrillers malsains et cérébraux qui étaient à la mode dans le cinéma français il y a dix ou vingt ans. Dans un cadre stérile, marqué par des signes ostentatoires de luxe, des passions inavouées se fraient un chemin jusqu’à un dénouement plus ou moins violent. La façade de la bienséance et de l’épanouissement personnel grâce à la réussite matérielle s’écroule ainsi au profit de la résurgence de fantasmes trop longtemps enfouis. Tout l’enjeu de ces films assez vains consiste alors à pousser des personnages autrefois respectables au précipice de la perte irrémédiable de leurs repères rassurants. Ici, cette recette, qui tend à jouer avec une désinvolture superficielle sur les peurs viscérales de la transgression en termes de mœurs, a pour objet un homme doublement frustré. D’un, il ne sait plus comment écrire et donc justifier son statut social d’intellectuel jadis sollicité par le public, et de deux, la relation avec sa femme bat de l’aile d’un point de vue sexuel et affectif. La découverte d’une autre forme de désir, à laquelle il accède grâce au voyeurisme à l’état pur, ne lui procurera pourtant aucune satisfaction durable.
Panoplie de voyeur
En effet, l’accomplissement le plus notable du film de Wayne Wang est de ne jamais compromettre l’ambiguïté morale du personnage principal. Si le but du film était de juger son comportement déroutant, il se trouverait probablement du côté des salauds. Seuls les traits et le corps chargés pour nous d’une grande force érotique de l’acteur Hidetoshi Nishijima lui confèrent un pouvoir de séduction, tandis que le caractère du personnage n’invite point à pareil effort d’identification. La nature très vigoureuse du rôle d’un point de vue physique entretient un lien joliment contradictoire avec son aspect psychologique, davantage gangrené par une passion aussi dévorante qu’impossible à assouvir. En comparaison, le vieux pervers interprété par Beat Takeshi / Takeshi Kitano fait presque pâle figure dans son emploi un brin impuissant d’archiviste des moments d’innocence volés à sa proie consentante quand elle dort. Enfin, au lieu de manipuler malicieusement les hommes qui les désirent, les personnages féminins remplissent seulement le rôle réducteur d’objets de fantasmes libidineux dans While the women are sleeping. Un gain hypothétique d’importance dramatique aurait pourtant pu sauver le récit du manque de clarté dans lequel il a tendance à sombrer aux côtés de Kenji, dès le troisième ou quatrième chapitre journalier.
Conclusion
Dans un cycle de festival de cinéma, il arrive tôt ou tard le moment où notre capacité d’assimilation se réduit soudainement, pour n’être régénérée que par la découverte du prochain film majeur. While the women are sleeping ne peut hélas pas prétendre à cette fonction de source d’enthousiasme, surtout parce que son histoire manque de points d’intérêt accrocheurs, le sublime Hidetoshi Nishijima mis à part.
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