Les Ardennes
Belgique : 2015
Titre original : D’Ardennen
Réalisation : Robin Pront
Scénario : Jeroen Perceval, Robin Pront
Acteurs : Veerle Baetens, Jeroen Perceval, Kevin Janssens
Éditeur : Diaphana
Durée : 1h29
Genre : Thriller
Date de sortie cinéma : 13 avril 2016
Date de sortie DVD : 6 septembre 2016
Synopsis : Un cambriolage tourne mal. Dave arrive à s’enfuir mais laisse son frère Kenneth derrière lui. Quatre ans plus tard, à sa sortie de prison, Kenneth, au tempérament violent, souhaite reprendre sa vie là où il l’avait laissée et est plus que jamais déterminé à reconquérir sa petite amie Sylvie.
Ce qu’il ne sait pas, c’est qu’entre-temps, Dave et Sylvie sont tombés amoureux et mènent désormais une vie rangée ensemble.
Avouer la vérité à Kenneth pourrait tourner au règlement de compte…
Le film
[3.5/5]
Il y a 50 ans un chanteur français au père belge chantait « Noir, c’est noir, il n’y a plus d’espoir ». C’est exactement l’impression que l’on ressent à la vision de Les Ardennes, premier long métrage du réalisateur belge Robin Pront. Belge d’expression flamande, rajouterons nous, afin de mieux situer son cinéma qui le rapproche plus de Bullhead de Michael R. Roskam que des films des frères Dardenne. En fait, Les Ardennes se partage en deux parties très différentes : la première partie, tournée dans la banlieue d’Anvers, raconte le retour vers la liberté, après quatre années de prison, de Kenny, un être violent condamné pour un cambriolage ayant mal tourné. Un bon point pour lui, toutefois : lors de son procès, il s’est tu sur la participation de son jeune frère Dave à ce cambriolage. Durant ces quatre années d’emprisonnement, ce jeune frère a mûri, il a arrêté de boire, il a trouvé un travail. Cela, Kenny va bien être obligé de l’accepter. Mais il y a plus grave : Dave s’est mis en couple avec Sylvie, celle qui était la petite amie de Kenny, et Sylvie, qui fait tout pour se sortir de la drogue, est enceinte. Comment l’annoncer à Kenny ? Pour commencer, essayer de l’amener, lui aussi, à « se ranger des voitures » est une bonne idée, mais on sait bien que la prison améliore rarement les individus. Cette première partie, qui mélange cinéma social et étude des rapports entre deux frères, dans la veine du Brothers de la danoise Susanne Bier, fait l’objet de nombreux plans séquence très bien travaillés. La deuxième partie glisse vers le thriller, avec transport de corps dans un coffre et rencontre avec des individus inquiétants pour qui la violence tient lieu de conversation. C’est là, au bout d’une heure, dans les forêts des Ardennes, que le film commence à vraiment s’agiter et que la caméra à l’épaule prend possession de l’image, sans pour autant donner la nausée aux spectateurs.
Lorsqu’on visionne le film, il est difficile de deviner qu’il est l’adaptation d’une pièce de théâtre, huis clos dans lequel trois hommes en route vers les Ardennes discutent de leurs rapports avec les femmes. Cette pièce, c’est Jeroen Perceval, l’interprète de Dave, qui l’a écrite. Il se trouve qu’en 2010, avant de jouer auprès de
dans Bullhead et de dans Borgman, Jeroen Perceval avait joué dans Injury Time, le deuxième court-métrage de Robin Pront. Lorsque ce dernier, après que Jeroen lui ait raconté cette pièce, a fait part de son projet de l’adapter pour le cinéma, le besoin de la développer et d’y amener de nouveaux personnages s’est fait sentir. Ce travail a été réalisé en collaboration entre Robin Pront et Jeroen Perceval. Petit à petit, le rôle de Sylvie s’est étoffé, ce qui a finalement permis à Veerle Baetens, l’inoubliable interprète d’Alabama Monroe, d’accepter un rôle qu’elle avait refusé dans un premier temps et dans lequel elle prouve, une fois de plus, l’étendue de son talent. Le rôle de Kenny, le frère de Dave, est interprété par Kevin Janssens, totalement à contre-emploi, lui qu’on considère souvent comme le gendre idéal. Quant à l’interprétation des personnages particulièrement inquiétants qui vivent en pleine forêt des Ardennes, on y trouve , aussi étonnant que dans Borgman, et Sam Louwyck, dans un rôle très différent de celui qu’il tenait dans Les Merveilles.Malgré quelques défauts, comme, par exemple, cette utilisation incongrue d’un troupeau d’autruches, à la limite du grotesque, et l’impression désagréable laissée par une musique à la fois difficilement supportable et trop présente, Les Ardennes montre la richesse du cinéma belge, très souvent capable d’en remontrer à des cinématographies de pays beaucoup plus étendus et plus peuplés. Les comparaisons faites avec les frères Coen et Tarantino sont à coup sûr prématurées, mais n’oublions pas que Les Ardennes est un premier long métrage et qu’il est, à ce titre, très prometteur. C’est d’ailleurs ce film, et non La Fille inconnue des frères Dardenne, qui représentera la Belgique pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère.
Le DVD
[3.5/5]
Pas facile de gérer la lumière dans un film très noir tourné en hiver, qui se déroule en permanence dans une atmosphère poisseuse et dont la majorité des scènes se déroulent de nuit. Encore moins facile de réaliser un transfert sur DVD qui ne débouche pas sur des images ternes et sans nuances. Ce pari, Diaphana l’a globalement réussi, même si, parfois, on note une absence de détails dans certaines scènes très peu éclairées. Le DVD propose 4 versions différentes concernant le son : version originale sous-titrée en Dolby 2.0 ou en Dolby 5.1, version française en Dolby 2.0 ou en dolby 5.1. Un seul supplément est offert aux spectateurs. Il s’agit d’un entretien avec le réalisateur, dans lequel ce dernier s’exprime en anglais. Cet entretien est court, mais, finalement, les huit minutes passées auprès de Robin Pront sont suffisantes pour apprendre l’essentiel : ses premières armes dans le cinéma ; ses rapports avec les comédiens ; sa conception de la réalisation d’un film : tout le monde participe, mais, à la fin, c’est le réalisateur qui décide ; les deux raisons qui l’ont amené à changer de cadrage aux 2/3 du film ; la richesse que peut apporter le hors-champ. Sans oublier le couplet sur la difficulté que représentent les conséquences d’une idée assez saugrenue : celle d’introduire des autruches dans le scénario d’un film !