Eating Raoul
États-Unis : 1982
Titre original : –
Réalisation : Paul Bartel
Scénario : Paul Bartel, Richard Blackburn
Acteurs : Mary Woronov, Paul Bartel, Robert Beltran
Éditeur : Rimini Éditions
Durée : 1h20
Genre : Comédie
Date de sortie DVD : 1 septembre 2015
USA, années 70. Paul et Mary Bland rêvent d’ouvrir un restaurant, mais ils n’ont pas l’argent nécessaire. En outre, le couple est excédé par les soirées échangistes qui ont lieu dans son immeuble, d’autant plus que les participants à ces soirées semblent être à l’aise sur le plan financier. Un soir, Paul tue à coup de poêle l’un des échangistes qui tentait de violer Mary. Affolé, le couple lui vole son portefeuille et se débarrasse du cadavre. Cette mésaventure va donner à Paul une idée culottée : attirer ces partouzeurs par le biais de petites annonces, et les délester de leur argent…
Le film
[3/5]
Drôle d’histoire que celle de Eating Raoul. Paul Bartel, scénariste et réalisateur du film, proposa dans un premier temps à son collaborateur de longue date Roger Corman de produire le film, sans succès. Inventant avec trente ans d’avance le concept du « crowdfunding » (très à la mode ces dernières années avec l’explosion des réseaux sociaux), Bartel tourna le film au fur et à mesure de ses rentrées d’argent, avec l’aide de sa famille et de ses amis. Au total, le tournage s’étalera sur un an, pour un budget approximatif de 500.000 dollars, et le film arrivera sur les écrans en 1982.
Provocateur et amusant, Eating Raoul est donc paradoxalement un film des années 80, mais qui porte en lui toutes les stigmates des films des années 70. Mettant en scène à la façon d’une suite de sketches présentant à chaque fois un nouveau fétichisme, perversion ou jeu érotique, Eating Raoul joue la carte de la sexualité débridée, à la façon de films Européens très antérieurs à sa sortie, tels que Belle de jour de Luis Buñuel (1967) ou encore l’amusant Qu’est ce que je vois ? (Business is business), premier film de Paul Verhoeven (1971).
Mais là où Eating Raoul se démarque du simple « catalogue » de perversions, c’est dans le traitement de son intrigue, très ancré dans la société US de l’époque : il choisit en effet de mettre dos à dos deux postures exacerbées de la société américaine de ces années post-libération sexuelle : le puritanisme d’un côté, l’obsession sexuelle de l’autre. De plus, Paul Bartel ne se contente pas de confronter ces deux mondes sur le mode de l’absurde, mais il intègre également une notion de violence, très américaine à nouveau, avec son couple de serial killers tout droit sortis des pages des faits divers les plus scabreux de l’époque, et des Tueurs de la lune de miel de Leonard Kastle (1969). On pense aussi énormément à une sorte de variation « intellectuelle » sur les thèmes développés par Russ Meyer durant sa riche carrière au cinéma, la différence étant que les personnages du film de Bartel sont des « lettrés » un peu snob, à l’opposé des joyeux ploucs peuplant les films de Meyer.
Autant dire donc que lorsque Eating Raoul sort sur les écrans en 1982, il semble complètement anachronique, et donc unique en son genre. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles Eating Raoul deviendra un film culte quelques années plus tard, qui aura même carrément l’honneur de se voir adapté sous forme de comédie musicale à Broadway au début des années 90. On notera également que Paul Bartel avait en projet de tourner une suite à son film, baptisée The Bland ambition, mais sa mort prématurée en mai 2000 mettra fin à ce projet un peu fou.
Le DVD
[4/5]
Il aura donc fallu attendre 2015 pour voir Eating Raoul enfin édité en France en DVD. C’est donc à Rimini Editions que l’on doit le plaisir d’enfin (re)découvrir le film de Paul Bartel, dans des conditions qui s’avèrent d’ailleurs absolument excellentes. Le master a été restauré / nettoyé et affiche une forme insolente, l’encodage ne pose pas de problème particulier, on est en présence d’une édition très similaire au DVD édité par Criterion aux États-Unis au niveau de l’image. Coté son, la version originale est proposée en Dolby Digital 1.0 mono d’origine, sans souffle parasite, bref c’est du tout bon ! Pas de bonus.