Critique : Les Figures de l’ombre

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Les Figures de l’ombre

Etats-Unis, 2016
Titre original : Hidden figures
Réalisateur : Theodore Melfi
Scénario : Allison Schroeder et Theodore Melfi, d’après le livre de Margot Lee Shetterly
Acteurs : Taraji P. Henson, Octavia Spencer, Janelle Monae, Kevin Costner
Distribution : 20th Century Fox France
Durée : 2h07
Genre : Drame historique
Date de sortie : 8 mars 2017

Note : 3/5

La société américaine est raciste. Comme pour beaucoup de choses dans la vie, il y a deux façons d’aborder cet état de fait : soit en considérant que le verre est à moitié vide, ce qui épouse assez étroitement le propos cinglant d’un intellectuel comme James Baldwin, dont la brillance nous a été rappelée récemment lors de la deuxième vision de l’excellent documentaire de Raoul Peck I am not your negro, soit en se disant qu’il est à moitié plein et que le progrès ne va certes jamais assez loin ou assez vite, mais que la situation évolue néanmoins favorablement depuis la sinistre époque de l’esclavage. Les Figures de l’ombre opte clairement pour le deuxième choix, en nous plongeant sur un ton édulcoré dans le temps d’une étape décisive de l’Histoire aérospatiale, tout en y glissant quelques leçons bien senties par rapport aux droits des Afro-américains et des femmes, restés trop longtemps docilement au service de l’homme blanc. Il s’agit d’un film hautement édifiant et volontariste, mijoté à la sauce américaine quoi, mais néanmoins suffisamment adroit pour rendre l’excellence sous toutes ses formes attrayante.

Synopsis : En 1961, la mathématicienne Katherine Goble travaille avec ses deux amies Dorothy Vaughan et Mary Jackson pour la NASA à Langley. Elles procèdent au sein d’un bureau exclusivement occupé par des femmes noires au calcul des données pour l’ambitieux programme spatial américain. Tandis que Dorothy espère depuis des mois être promue superviseur et que Mary aspire à devenir la première femme ingénieur afro-américaine, Katherine doit se faire sa place dans le département prestigieux de Al Harrison. L’ennemi russe a en effet pris une avance considérable dans l’exploration de l’espace. Les scientifiques américains devront donc mettre les bouchées doubles, afin d’être les premiers à envoyer pendant longtemps un homme en orbite autour de la Terre.

Des droits civiques très civilisés

Les années 1960 étaient peut-être la période la plus mouvementée de l’Histoire américaine récente. En dehors de l’assassinat de nombreuses personnalités emblématiques et de la guerre du Vietnam, la lutte parfois violente pour l’égalité des droits de tous les citoyens a profondément marqué cette décennie pas si lointaine. Cette production à visée globalement consensuelle jette un regard étrangement conciliant sur cette parenthèse du soulèvement permanent. Les trois protagonistes autour desquels s’agence l’intrigue fort classique ont des buts existentiels bien précis, qu’ils poursuivent sans jamais réellement se laisser décourager. La narration n’ose ainsi guère s’écarter de la trame du chant héroïque, entonné à l’honneur de ces femmes tout à fait dignes de servir d’exemple. Elles ont même tendance à apparaître sous un jour si favorable, exemptes du moindre trait de caractère susceptible de fournir des enjeux dramatiques à potentiel conflictuel, que la course à la conquête de l’espace doit plus d’une fois prendre le relais pour faire avancer tant soit peu le récit. Ce qui n’est pas nécessairement un inconvénient, puisque le scénario assure alors en parallèle la promotion – elle aussi un peu trop poussive – de matières aussi peu valorisées en règle générale que les maths ou le côté sèchement scientifique de l’informatique.

Pas d’inquiétude, tout ira bien

En effet, tout le monde ou presque est bienveillant et gentil dans ce conte passablement sucré. Le fait que le manichéisme, sous le règne duquel se déroule après tout le récit, s’avère en fin de compte aussi mou que la mise en scène serviable de Theodore Melfi n’est pas pour autant exclusivement préjudiciable pour ce film, qui avait su charmer en nombre le public américain grâce à son message optimiste, voire inoffensif. Car quel intérêt pour le spectateur de s’administrer une telle baume au cœur, de surcroît enrichie d’une intrigue parallèle romantique portée par l’immense Mahershala Ali, si c’est pour devoir se poser en fin de compte les vraies questions qui fâchent et contre lesquelles Les Figures de l’ombre a élaboré tout un réseau d’esquives ? Inutile par conséquent de vouloir prendre ce film pour autre chose que ce qu’il est, à savoir une leçon d’Histoire simpliste, qui atteint toutefois le niveau d’un divertissement valeureux et solide, grâce à l’implication de ses trois têtes d’affiche Taraji P. Henson, Octavia Spencer et Janelle Monae. Or, le personnage sans doute le plus représentatif de cette entreprise absolument bien intentionnée, quoique rarement fulgurante dans son exécution, est celui interprété par Kevin Costner, un acteur qui aime se voir comme la bonne conscience de Hollywood, mais dont l’impact réel sur le cours des choses reste au mieux anecdotique …

Conclusion

Une fois passée à la moulinette de Hollywood, il ne reste plus grand-chose de concret ou de poignant de la lutte des calculatrices surdouées de la NASA pendant la période de balbutiements de la course à la lune. Le troisième film de Theodore Melfi remplit cependant le contrat de la vulgarisation sans accroc d’une forme d’ambition scientifique et sociale que l’on voit hélas trop peu souvent sur nos écrans.

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