Critique : Sils Maria

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Sils maria afficheSils Maria

France, 2014
Titre original : –
Réalisateur : Olivier Assayas
Scénario : Olivier Assayas
Acteurs : Juliette Binoche, Kristen Stewart, Chloë Grace Moretz, Angela Winkler
Distribution : Les Films du Losange
Durée : 2 h03
Genre : Drame
Date de sortie : 20 août 2014

Note : 4,5/5

Synopsis : À dix-huit ans, Maria Enders a connu le succès au théâtre en incarnant Sigrid, jeune fille ambitieuse et au charme trouble qui conduit au suicide une femme plus mûre, Helena. Vingt ans plus tard on lui propose de reprendre cette pièce, mais cette fois de l’autre côté du miroir, dans le rôle d’Helena…

Sils maria 3

Cette année, la sélection officielle du Festival de Cannes présentait deux films se déroulant dans le milieu du cinéma : Maps To The Stars de David Cronenberg et Sils Maria d’Olivier Assayas. A la charge vulgaire et caricaturale du canadien répond un film d’une grande subtilité de la part du réalisateur français, un film remarquablement servi par deux comédiennes au sommet de leur art.

Deux femmes et un texte

Alors qu’elles sont en route (ou plutôt, en train!) vers un hommage rendu à Wilhelm Melchior, la célèbre actrice Maria Enders et son assistante Valentine apprennent la mort brutale de ce grand auteur et metteur en scène germano-suisse, à l’origine de la carrière de Maria. C’est en effet en interprétant 20 ans auparavant le rôle de Sigfrid, une jeune fille ambitieuse et manipulatrice, dans Maloja Snake, une pièce écrite et mise en scène par Wilhelm Melchior, que Maria Enders s’est révélée au grand public. Peu après la mort de Melchior, un metteur en scène souhaitant remonter Maloja Snake à Londres propose à Maria de replonger dans la pièce mais en interprétant cette fois-ci Helena, la femme d’âge mûr poussée au suicide par Sigfrid. Après avoir hésité, Maria accepte et répète son rôle avec l’aide de Valentine, près de Sils Maria, ce lieu célébré par Nietzche, dans un chalet perdu dans la montagne, le chalet où Wilhelm Melchior avait écrit Maloja Snake.

Sils Maria 5

Trois femmes et un réalisateur

Maria, Valentine et Jo-Ann Ellis, la comédienne pressentie pour interpréter, face à Maria, le rôle de Sigfrid dans la reprise londonienne de Maloja Snake : 3 femmes de génération différente, une comédienne de 40 ans au sommet de son art, une jeune actrice de 19 ans en train de devenir une star dans l’univers des blockbusters hollywoodien et, entre les deux, une jeune femme de 25 ans, très solide, à même de faire le lien entre ces deux générations d’actrices. 3 femmes et un scénario très fouillé qui permettent à Olivier Assayas de dire une foultitude de choses sur les mondes du cinéma et du théâtre, sur le métier de comédienne, sur l’usure du temps, sur les préjugés qu’on peut avoir et qui se heurtent souvent à la réalité, sur le désir, sur les phénomènes de domination et de soumission, … Vaste programme, parfaitement maîtrisé du début à la fin, sans lourdeur, sans une once de didactisme. C’est en fait l’évolution des relations professionnelles entre Olivier Assayas et Juliette Binoche qui a donné naissance au scénario de Sils Maria : 1984, Olivier Assayas travaille avec André Téchiné sur le scénario de Rendez-Vous, film dans lequel Juliette Binoche va tenir son premier grand rôle au cinéma, celui de Nina, une jeune comédienne. 2008, sortie de L’Heure d’été, film de retrouvailles entre Olivier Assayas, son scénariste et réalisateur, et Juliette Binoche. C’est cette dernière qui a eu l’intuition que cette histoire commune pouvait donner naissance à un film, un film qu’ Assayas a écrit et réalisé : Sils Maria.

Sils maria 1

Tout est bon dans Sils Maria

Dès les premières minutes de Sils Maria, on devine qu’on est face à un grand film : le spectateur fait connaissance avec Maria et Valentine alors qu’elles sont dans un train, avec des téléphones portables qui sonnent sans arrêt ; malgré les difficultés qu’ont dû rencontrer le réalisateur et son équipe technique dans cet espace limité, la mise en scène est d’une grande virtuosité et, en un tour de main, on comprend la situation de départ. Tout au long du film, la mise en scène est d’une grande fluidité et la photographie de Yorick Le Saux enchante nos mirettes avec une belle lumière et de très belles scènes de montagne. Même si Assayas « s’amuse » à faire utiliser par ses personnages les technologies nouvelles de la communication, même s’il « s’amuse » à nous montrer un court pastiche de film de super-héros, c’est avant tout autour des trois femmes que tourne le scénario, avec, en bonus, l’utilisation très intelligente du phénomène météorologique bien connu dans la région de Saint-Moritz et qu’on appelle le serpent de Maloja. Il s’agit d’un banc de nuage qui, à l’automne, coule dans la vallée depuis le col de Maloja : une façon de symboliser le temps qui passe, la jeunesse qui s’évanouit, la maturité qui prend sa place en attendant la suite, malheureusement inéluctable. Quant à la distribution, c’est un véritable régal ! Dans le rôle de Maria, une Juliette Binoche au sommet de son art. Maria étant comédienne, on peut se demander si Juliette joue plus ou moins son propre rôle ou s’il s’agit pour elle d’un rôle de composition. Peu importe, elle montre une palette de jeu d’une grande variété, arrivant à passer en l’espace de quelques secondes d’une détermination apparemment sans faille à une grande fragilité. Face à elle, Kristen Stewart, connue surtout pour son rôle de Bella dans la série des Twilight et, qui, ici, interprétant le rôle de Valentine, est au même niveau d’excellence que Binoche. Dans un rôle moins important, la jeune Chloë Grace Moretz, qui a commencé à jouer à l’âge de 7 ans, s’avère fort bluffante en bimbo très souvent assaillie par les paparazzi, une étoile montante du cinéma dont on attend des répliques pleines de vide et qu’on découvre charmante et d’une intelligence au-dessus de la moyenne. Enfin, on n’oubliera pas de citer la grande actrice allemande Angela Winkler qui joue Rosa, la femme de Wilhelm Melchior. En fait, comme c’est souvent le cas avec lui, c’est aux femmes qu’Olivier Assayas a réservé toute son attention. Une attention qu’on retrouve aussi dans le choix des musiques, passant avec bonheur de Haendel et Pachelbel au groupe de rock écossais Primal Scream.

Résumé

Imprévisible Olivier Assayas ! Capable du pire (Après Mai  !!) comme du meilleur (L’heure d’été), il nous offre cette année un de ses meilleurs films, un film malheureusement oublié au palmarès de Cannes 2014 : incontestablement barré par Winter Sleep pour ce qui est de la Palme d’Or , Sils Maria pouvait par contre prétendre à l’un quelconque des autres prix. C’est ainsi que l’on peut ainsi se montrer surpris, voire choqué, que le jury ait préféré récompenser les grimaces de Julianne Moore dans Maps To The Stars plutôt que les prestations éblouissantes de Juliette Binoche et de Kristen Stewart dans Sils Maria.

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