Héritière directe de ceux qui voulaient affranchir le cinéma de ses chaînes en 1968, la Quinzaine célèbre cette année sa 50e édition. L’occasion d’une promenade à son image – en toute liberté, et forcément subjective – dans une histoire chargée de découvertes, d’audaces, d’enthousiasmes, de coups de maîtres et de films devenus incontournables.
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Les sélections des trois premières années de la Quinzaine ont dépassé à chaque fois allègrement les 50 longs-métrages. Michel Ciment, déjà présent en 1969, partage ses réserves |dans Positif numéro 107, été 1969] sur cet embouteillage dans un des rares textes de la presse cinéma à l’époque évoquant la première Quinzaine : «Monsieur Favre Le Bret [alors président du festival] – dans le souci de renouveler sa formule, avait donné plus d’écho à la Semaine de la Critique et encouragé la Société des Réalisateurs de Films à organiser pour la première fois leur propre festival non stop (ou presque) dans un cinéma de la ville. Quelques uns des «saboteurs» de l’an dernier avaient fait amende honorable, parlaient de malentendu, tentaient de se mettre au mieux avec les notables locaux. D’autres entreprenaient cette manifestation parallèle qui avait le mérite de faire découvrir certains films peu connus ou même inconnus. Elle montrait d’une part que la SRF aidait les jeunes réalisateurs, leur fournissait une salle dont la location est coûteuse. Monsieur Favre-Lebret de son côte neutralisait d’éventuels adversaires : chacun y trouvait son compte, sous les couleurs du libéralisme. Il n’est pas sûr que cette initiative ait répondu vraiment à ses buts. Elle n’a pas manqué d’être à son tour une sélection […] alors que son originalité aurait pu être de tout montrer. Mais cette sélection n’a pas empêché la quinzaine d’encombrer un peu plus encore un programme pléthorique (plus de 400 films!). Ne gagnant ni sur le terrain de l’efficacité (comme la Semaine de la Critique qui réussit à imposer la sortie de films et trouve des échos dans la presse), ni sur celui de la doctrine (abolition du choix, présentation libre de tout produit), la Quinzaine de la SRF a certes réussi à montrer beaucoup de films gratuitement à un public nombreux, mais l’écho ne s’en est pas hélas répercuté […]».
Certes, l’écho dans la presse fut léger et certains films ont sombré dans l’oubli (ce qui arrive encore de nos jours) mais cette première édition fut néanmoins un succès, en nombres de spectateurs et dans son rôle dans l’évolution du Festival. Il y a clairement un avant et un après Quinzaine. Les films réunis par Pierre-Henri Deleau témoignent d’une vitalité de courants, de styles et de régions cinématographiques, avec des nouvelles exaltantes venues du Japon, du Brésil, de l’Italie, du Canada, de l’Est, sans oublier la France. La Cinémathèque Française a récemment proposé un fac-similé quasi intégral de la première Quinzaine. Sur les 66 longs présentés en mai 69, 57 étaient à voir ou revoir, accompagnés de seulement 4 des 42 courts-métrages vus à l’époque. Retour sur quelques unes de ces pépites.
Le hasard fait parfois bien les choses
Pour sa toute première programmation à Cannes, Pierre-Henri Deleau, premier délégué général de la quinzaine, a été la victime dans un premier temps de son manque d’expérience. Faute d’avoir signé leur formulaire de visa temporaire d’exploitation, il se retrouve dépouillé de ses deux films d’ouverture, bloqués à l’aéroport. La chance le rattrape vite, un certain Fausto Canel dont le court-métrage Hemingway est présenté à la Quinzaine, vient le voir à la demande de l’ambassadeur de Cuba. Il lui offre sur un plateau d’argent deux films de son pays. Ce qui aurait pu être un cadeau empoisonné devient un miracle. La Première charge à la machette de Manuel Octavio Gómez est un moment de cinéma comme on voyait alors très peu, malgré les points communs sur la forme avec La Bataille de Culloden de Peter Watkins, tourné en 1964. Les deux films ont en commun d’être mis en scène comme des reportages, caméra à l’épaule, en son direct, avec interviews des protagonistes des deux bords, comme si la caméra avait été effectivement présente sur les champs de bataille pour témoigner de deux conflits bien différents, l’un datant de 1746 et situé en Angleterre, l’autre de la seconde moitié du XIXe siècle. Le procédé du reportage sur le vif facilite l’immersion et l’identification au-delà de ce qui aurait pu n’être qu’un gadget de mise en scène.
Manuel Octavio Gómez revendique son engagement politique via son dispositif si particulier : «Le cinéma révolutionnaire pénètre dans l’histoire en cherchant le présent, et dans le présent, le futur […] Le véritable cinéma révolutionnaire aborde les thèmes historiques de la même façon qu’il aborde l’actualité». Il relate de façon vivante les débuts de la Première Guerre d’indépendance à Cuba en 1868 (qui mènera à l’indépendance en 1898), lorsque les rebelles à la domination espagnole ont pallié leur infériorité stratégique et numéraire par des tactiques de guérilla. La machette, outil de travail dans les plantations de canne à sucre et symbole de la souffrances de ces esclaves, est devenu l’arme de leur libération.
Malgré la violence du geste, celui qui charge à la machette est dépeint comme moins violent que celui qui est chargé. Les choix esthétiques atténuent la violence graphique d’un massacre qu’on voit sans le voir, par le choix du noir et blanc retravaillé afin de souligner volontairement «l’anachronisme […] par une photographie imitant les vieux daguerréotypes ou clichés en décomposition». Résultat à l’écran, des ombres et des lumières exacerbées, au contraste magique. À plus d’un titre, ce film présent par hasard sur la Croisette devient le manifeste spontané de la Quinzaine et légitime son existence. Un an après mai 68, la sélection du film est un geste fort, par son évocation d’une lutte jumelle mais aussi par son audace stylistique qui bouleverse les codes du cinéma traditionnel. Ce premier jalon d’une section parallèle qui a depuis montré plus d’un millier de films est un pied de nez contre le cinéma institutionnel de la sélection officielle qui dépendait alors du bon vouloir des pays qui envoyaient les films qu’ils voulaient bien autoriser à être vus.
L’autre miracle de cette première sélection est le deuxième chef d’oeuvre venu de Cuba : Lucía de Humberto Solás qui se déroule sur trois périodes (1895, 1932 et «aujourd’hui» avec les prémices de la Révolution cubaine de Castro) à travers le destin de trois femmes s’appelant toutes Lucia, plongées au coeur ou à côté des combats pour la libération de leur pays. Les deux premières parties sont désespérées, la dernière séquence, au ton de comédie italienne, se veut plus optimiste, soulignant l’émancipation d’un peuple à travers celui des femmes, même si pour le réalisateur, «Lucia n’est pas un film sur les femmes, mais sur notre société. Dans cette société, j’ai choisi le personnage le plus vulnérable, celui qui est le plus évidemment affecté à toute période par les contradictions et les changements». Là aussi, fiction et authenticité historique se mêlent dans cette recréation d’un passé en prise avec le présent. Le style est moins flamboyant et plus classique mais l’évolution historique sur trois «sketchs» est une autre manière de filmer la grande histoire en train de se faire comme si le spectateur et l’auteur en étaient là encore les témoins directs.
S’il est mal de tuer, alors il est mal de me tuer aussi
Un autre grand témoin sans concession sur son temps est enfin découvert sur la scène internationale en cette année 1969. Nagisa Oshima est loin d’être un débutant avec déjà plus de dix films derrière lui. La Pendaison est une autre «charge à la machette» contre son pays. Il adapte librement un faits divers réel, la condamnation à mort d’un étudiant coréen, coupable de deux viols suivis des meurtres des victimes. La personnalité de l’assassin dont les écrits ont été dévoilés au public lors du procès intrigue Oshima. Condamné à la pendaison, le tueur dans la réalité n’a pas survécu à la solidité de sa corde.
Oshima fait glisser le film d’un registre semi documentaire à une dimension plus fantasmagorique en imaginant cet échec fictif. Il interpelle le spectateur sur la peine de mort en s’éloignant de la vérité historique, privilégiant une réflexion plus dérangeante. Après cette pendaison ratée, le survivant n’est plus tout à fait le même et ne peut donc pas être exécuté à nouveau, un certain niveau de conscience de son identité étant requis ! Une situation absurde qui va pousser les pouvoirs publics à multiplier les initiatives pour sa guérison, indispensable pour qu’il puisse mourir. Le traitement est proche de celui vécu par Malcolm Mc Dowell dans le contemporain Orange mécanique. Dans les deux cas, le remède est pire que le mal.
«S’il est mal de tuer, alors il est mal de me tuer aussi», affirme à froid le condamné à mort, une phrase qui interpelle un spectateur qui n’est pas et ne sera jamais rassuré par l’éventuelle innocence de l’homme, un coréen confronté à ses origines par ses geôliers. En ne cachant rien de sa culpabilité, Oshima complique encore son pamphlet contre la peine de mort, affirmant d’emblée qu’il est illusoire d’être contre la peine de mort si on est tenté d’y ajouter un «mais». L’autre film d’Oshima est Le Journal d’un voleur de Shinjuku, autre critique mordante de la société et de la condition humaine au Japon. Oshima s’impose avec ces deux films comme une valeur sûre du cinéma et reviendra à plusieurs reprises, jusqu’au triomphe de L’Empire des sens qui le mènera ensuite en compétition officielle avec L’Empire de la passion, Furyo, Max mon amour et Tabou.
Canada pas dry
Deux pays squatteront la Quinzaine cette année là : le Canada et le Brésil, avec six représentants pour le premier et sept pour le second. Les films canadiens de 1969 ne sont pas ceux qui ont le plus marqué l’histoire de leur pays. Ils ont néanmoins ouvert la voie à une cinématographie jusque là ignorée. Les successeurs de ces premiers cinéastes invités lors de cette première année doivent beaucoup à l’intérêt alors suscité par une telle réunion de nouveaux talents. Denys Arcand en 1973 avec Réjeanne Padovani (revenu avec Le Déclin de l’empire américain en 1986), Xavier Dolan en 2009, côté francophones ou l’anglophone Atom Egoyan en sont les héritiers.
Jean-Pierre Lefebvre fait alors la première de ses huit apparitions avec Jusqu’au cœur, mais aujourd’hui on ne se souvient guère de celui qui fut l’un des plus constants invités de la Quinzaine. Cinéaste à la marge, il mêle politique (avec des piques sur la guerre au Vietnam) et couple en crise à travers un montage épileptique sous influence «godardienne» avec jump cuts et inserts de réclames, pour une satire de la société qui aurait bénéficié d’une forme un peu moins chaotique. Les autres films canadiens affichent des styles différents.
Kid Sentiment de Jacques Godbout est un pastiche du cinéma vérité qui met en scène deux garçons, membres d’un groupe pop, les Sinners, aux faux airs de Beatles. Ils ont réussi à convaincre deux jolies filles de les suivre chez eux mais elles sont déçues de leur manque d’empressement. Le tournage du film finit par se dérégler, le réalisateur semblant lui-même lassé de leur apathie. La question de la virilité et de la féminité via le passage à l’acte sexuel, sous la pression des codes de la société, détermine leurs échanges vains, cachés sous les vannes fumeuses du duo masculin. Le résultat est un peu trop poseur, daté, malgré une fin tendre et enfin humaine. La question du film en train de se faire ne se pose pas que dans ce film, elle infuse d’autres films de cette sélection : son compatriote Christopher’s movie matinee de Mort Ransen, Le Cinématographe du français Michel Baulez ou Brandy in the Wilderness de l’américain Stanton Kaye. Le cinéma de cette période prend un malin plaisir à briser le quatrième mur, la Quinzaine reflète cette tendance du cinéma international.
Gilles Carle se dévoile lui avec le formalisme du cynique Viol d’une jeune fille douce où trois frères haut en couleur entendent venger leur sœur, enceinte de son amant. Sur le chemin qui les mène vers le «coupable», ils vont réellement violer une auto-stoppeuse. La violence contre les femmes, morale comme physique, imprègne ce film cinglant sur la condition féminine et le patriarcat. La présence de De mère en fille permet de rappeler qu’Anne-Claire Poirier est une des rares femmes cinéastes à avoir su se faire une place dans le cinéma canadien de fiction, la très large majorité de ses collègues du même sexe oeuvrant dans le documentaire. Sa notoriété ne l’empêche pas d’être lucide des années plus tard : «j’étais devenue la bonne conscience d’une institution, la preuve vivante de son ouverture d’esprit par rapport aux femmes». Entre la mer et l’eau douce de Michel Brault (co-écrit avec Claude Jutra et Denys Arcand) interroge la place de la jeunesse dans un pays en lutte constante entre son passé à défendre, la question de la langue notamment, et les pressions pour se mettre au goût du jour.
Enfin, The Ernie Game de Don Owen pourrait se résumer à un portrait de nombriliste égocentrique. Ernie, écrivain désargenté, profite de son semblant de charme pour trouver un toit auprès de femmes chez qui il tente de s’incruster. Il est sincèrement amoureux d’une d’entre elles et profite d’une autre à qui il ne cache pas son absence de sentiments. Pourtant, une réelle sensibilité perce derrière son comportement asocial pour lequel il n’est pas aisé d’avoir de l’empathie. Son isolement, son incapacité à faire entendre sa voix ou à devenir véritablement non seulement un écrivain mais avant tout un adulte le font dériver vers la violence, contre les autres mais surtout contre lui-même. La conclusion ne lui accorde qu’un sursis illusoire.
Au Brésil, du nouveau
Après le Canada, le Brésil. Le foisonnement créatif de ce pays d’Amérique latine explose à la Quinzaine avec sept longs-métrages. Cette large sélection est un marqueur de cette nouvelle vague historique, malgré d’autres films déjà invités en compétition officielle dont Antonio Das Mortes de Glauber Rocha la même année. La Quinzaine convoque le premier film de ce même auteur, Barravento, tourné six ans plus tôt. Dans un entretien publié dans Témoignage Chrétien, il détaille les motivations de son cinéma : «je veux faire connaître la réalité de mon pays, une réalité que les Brésiliens eux-mêmes ignorent». Là aussi, il adopte une démarche documentaire en suivant la tentative de pêcheurs exploités de se rebeller contre ceux qui profitent de leur travail et les empêchent de vivre dignement, tout en s’autorisant des séquences lyriques et sensuelles. Ses concitoyens Julio Bressane (Cara a cara avec son employé des archives qui répète inlassablement des gestes sans intérêt, avant de laisser exploser son mal-être alors qu’un coup d’état se prépare), Paulo César Saraceni (Capitú), Gustavo Dahl (Le Brave guerillero), Walter Lima Jr (Brasil ano 2000) proposent chacun une vision nouvelle d’un pays en mutation, au niveau social comme artistique. L’effervescence créative de cette génération les rapproche, malgré quelques revendications divergentes, les représentants du Cinema novo et les autres se méfiant les uns des autres malgré ce qui pourrait les rapprocher. Le plus fort de ces titres est A Vida provisória de Maurício Gomes Leite, cri de colère contre la corruption et le renoncement à défendre ses idéaux, même si réagir peut mener à la mort sans que nul ne soit inquiété.
Les femmes et les hommes d’abord
Marta Meszaros est l’une des trois réalisatrices invitées lors de cette première édition avec le poignant Marie, dont la protagoniste est une veuve dont on accompagne le deuil. Son fils, sous prétexte de la protéger, l’étouffe, comme son père le faisait auparavant. Pire, il entraîne sa fiancée à qui il demande de la surveiller, soi-disant pour la protéger. Au final c’est sa fiancée, d’abord soumise qui réagit et se libère de l’influence morbide de ce jeune homme qui suit les traces, guère honorables, de son père oppressant. L’une fait le choix clair de la fuite vers la liberté, pour l’autre, il est probablement déjà trop tard mais la porte n’est pas fermée, au sens littéral. Le style est étonnamment classique en comparaison avec bien d’autres films de cette série.
La réalisatrice était alors l’épouse du grand cinéaste hongrois Miklos Jancso, présent cette même année avec Sirocco d’hiver, charge sur l’engagement révolutionnaire ou comment un révolutionnaire peut être plus utile mort que vivant. Autre beau portrait de femme, celui de Dominique Sanda, révélée par Une femme douce de Robert Bresson. Avec cette libre adaptation du texte de Dostoïevski, La douce, il se montre moins radical que dans d’autres œuvres et s’inscrit dans un registre à la mode alors, l’incommunicabilité dans le couple, aggravé par les soucis matériels (l’argent est une arme) et la banalité d’un quotidien bourgeois.
C’est un homme brisé qui porte l’étonnant Fuoco! de Gian Vittorio Baldi. Replié dans sa maison, il tire soudain en direction d’une procession qui passe sous ses fenêtres. On ne quittera guère cet espace clos mis en scène avec fracas. Les cadres sont bousculés comme son esprit désorienté. Enfermé dans cette maison comme en lui-même, il ne cesse de bouger dans les pièces de l’appartement familial dans des mouvements chaotiques. Ses hésitations sont saisis, là encore, comme dans un reportage pris sur le vif. La caméra portée, déjà une coquetterie de mise en scène à l’époque, est ici légitime pour accompagner les fracas de son esprit. Le réalisateur se justifiait de son approche pessimiste dans un entretien accordé à André Labarthe dans Les Cahiers du cinéma en novembre 68 (numéro 206) : «L’homme est aujourd’hui prisonnier d’un certain monde et l’exemple de folie que l’on voit dans mon film est, je crois, caractéristique. L’homme y tue ses familiers, les personnes qu’il aime. Il ne peut plus résister, il est esclave de la société. […] Pour moi, c’est un film révolutionnaire et anarchiste, il traite de destruction. […] Je n’ai absolument pas voulu donner d’explications, de motivations». Le mystère restera entier en effet jusqu’à sa tragique conclusion.
Grammaire déboulonnée ou plus sage
Poursuivre ce (long) tour d’horizon de la première section serait laborieux mais d’autres chocs esthétiques ont surpris les spectateurs, à commencer par les performances d’une météorite, Carmelo Bene dont la carrière s’est étalée, au cinéma, entre 1967 et 1973. On imagine que ce trublion audacieux et un peu fou, s’est épuisé avec les démesurés Capricci et Notre-Dame des Turcs, un opéra sale et méchant, fascinant ou repoussant selon ses appréciations personnelles. Autre film surprenant mais bien plus sage dans la forme, le belge Les Gommes de Lucien Deroisy, une enquête à la Derrick avec d’étonnantes touches oedipiennes et une étrange obsession, celle de l’enquêteur pour… les gommes. Le ton décalé est moins surprenant si on ajoute qu’il s’agit d’une adaptation d’un texte d’Alain Robbe-Grillet.
Les autres films venus de France, enfin, sont signés par des auteurs réunis par le refus d’un cinéma conformiste, à commencer par Philippe Garrel (Le lit de la vierge) et André Téchiné (Paulina s’en va) toujours actifs aujourd’hui. Tous deux étaient d’ailleurs à Cannes l’an dernier, le premier à la Quinzaine avec L’amant d’un jour, le deuxième en sélection officielle avec Nos années folles. L’abscons Acéphale de Patrick Deval, membre du groupe Zanzibar (comme Garrel), le film noir déconstruit La Poupée rouge de Francis Leroi, L’Été de Marcel Hanoun, éloge du montage comme source de ressenti plus fort qu’une narration traditionnelle ont eux aussi été dévoilés dans ce programme riche, trop certainement, mais qui a conforté les membres de la SRF à l’origine de cette manifestation de poursuivre leur accompagnement d’un cinéma différent, de s’extraire des contraintes de production et de narration. Il faudra attendre la quatrième édition pour un filtre plus restreint qui permettra aux œuvres d’être mieux vues mais cette première année, et les deux suivantes ensuite ont permis de poser les bases d’une sélection parallèle portée par une envie constante de surprendre, de défendre les auteurs opprimés par la politique ou les contraintes financières mais aussi d’amuser, ce qui ne se ressent pas forcément à la lecture de ce texte mais cette tendance se développera dans les années suivantes.
Le mot de la fin
Laissons le mot de la fin à Louis Malle qui fait le lien entre la Quinzaine et la compétition officielle avec son documentaire Calcutta, présenté dans les deux sections, un cas unique. Lorsque la presse lui fait remarquer l’ambivalence de sa présence un an après son rôle majeur dans la fermeture précipitée de Cannes 1968, il répliquait : «Le Festival, c’est comme le téléphone. Ça marche très mal, tout le monde s’en plaint, mais on est obligé de s’en servir». Cette première édition aura donc lancé un espace de liberté qui a poussé les organisateurs de la sélection officielle à s’ouvrir à un cinéma différent.