Mon pire cauchemar
France, Belgique : 2011
Titre original : Mon pire cauchemar
Réalisateur : Anne Fontaine
Scénario : Nicolas Mercier
Acteurs : Isabelle Huppert, Benoît Poelvoorde, André Dussollier
Distribution : Pathé Distribution
Durée : 1h43
Genre : Comédie, Romance
Date de sortie : 9 novembre 2011
Globale : [rating:4][five-star-rating]
Nouvelle déclinaison du ménage à trois, le dernier opus d’Anne Fontaine prend ses quartiers de noblesse dans la comédie. Le style lui va très bien, même si sous l’optimisme se profilent bien des questions pas si drôles que ça. Huppert et Poelvoorde forment un formidable couple de cinéma.
Synopsis : Agathe, galeriste germanopratine frigide et autoritaire vit depuis vingt ans avec un éditeur renommé. Son existence bascule à l’arrivée de Patrick, pauvre type désargenté et alcoolique, flanqué d’un gamin brillant. Ce brave bougre qui a « rencontré la mère de son fils grâce à un tire-bouchon » et qui fait à Paris de la pub pour le car-wash de son demi-frère en Belgique, va, tout en réparant l’appartement d’Agathe, réparer d’autres brèches beaucoup plus profondes dans la vie de cette femme dont le cœur s’est quelque peu asséché au fil du temps…
Désaccord parfait
« En amour il faut être trois » : la formule de Gainsbourg semble depuis toujours être un crédo cher à Anne Fontaine. Du sublime Nettoyage à sec, qui, avec une acuité entomologique, explorait le thème de l’enfermement, du cercle qui, à force d’être caressé, devient vicieux pour reprendre la phrase de Sacha Guitry, au troublant Nathalie, de l’énigmatique Pourquoi j’ai tué mon père à la pétillante Fille de Monaco, la cinéaste, un peu à la manière de Blier, explore ce fantasme du trio plus ou moins infernal.
Bien que déclinant une fois de plus ce crédo, la cinéaste surprend. Car Mon pire cauchemar est résolument un film comique, tant par un rythme soutenu afférant au genre que les dialogues. La crudité de ces derniers, leur pointe de vulgarité font mouche à tous les coups. Et même si la cinéaste opte pour un canevas plutôt classique (les opposés qui finissent par s’attirer, chose archi vue et revue Notting Hills, Titanic, Pretty Woman), elle n’a de cesse de désamorcer cette mécanique qui pourrait être un peu trop huilée.
Le sexe roi
Car au fond, ce qui reste le cœur du sujet, c’est bel et bien la sexualité. Patrick ne parle que de ça, déclenchant bien sûr des rires garantis, face à Agathe, dont le conjoint avoue qu’avec elle ce n’est pas « le grand looping » souvent. Mais si au début de son parcours, la cinéaste se plaisait à opérer une castration de l’homme (souvenons-nous de la scène la plus « hot » de Nettoyage à sec), elle en vient aujourd’hui à renvoyer dos à dos les deux sexes ou à leur proposer une fusion finalement pléonastique. D’où, par ailleurs, un certain optimisme, assez nouveau chez elle.
De là à parler de comédie romantique… En ancrant son propos dans le constat sociétal finement analysé, la cinéaste déroge totalement à ce genre. L’explosion du cadre familial, la charge pesée contre les milieux bobos de l’édition ou de l’art contemporain, la raillerie lancée en direction des accrocs du grand retour à la nature, aux vertueuses tisanes et aux blablas ayurvédiques n’ont rien des procédés archétypaux dont se nourrit la comédie romantique. Tous ces pis allers à une existence meilleure, ces faux semblants où se love le cynisme de l’hypocrisie alimentent plutôt un constat désabusé que traduit la situation finale du film qui, sans être explicitement énoncée, n’en transparait pas moins pour autant : le retour à la vraie vie de cette femme froide réchauffée par cet homme si éloigné d’elle ne durera probablement pas aussi longtemps que son immense appartement sans chaleur dont il aura réparé le chantier. Si métaphore il y a entre ce dressing qu’il aménage pour que madame puisse y ranger ses petites culottes et son cœur dans lequel il remet de l’ordre, elle ne semble guère pérenne. Et ce n’est pas complètement par hasard si Anne Fontaine mène ses comédiens au bord de l’auto caricature.
Le couple Huppert-Poelvoorde fonctionne à merveille, chacun jouant (magistralement) un rôle qu’on lui connaît mais avec ce léger supplément de dérision qui confine à la parodie. Tout cela n’est que façade, faux semblant. On pense même à Chabrol et pas simplement par la présence d’Isabelle Huppert. Point de rêve dans ce final trop idyllique pour durer. C’est d’ailleurs bien ce que dit le titre…
Résumé
Nouvelle réussite pour la cinéaste surdouée de Nettoyage à sec et La fille de Monaco qui, en lorgnant résolument vers l’humour, offre à Isabelle Huppert et Benoît Poelvoorde des rôles à la lisière de l’autodérision, où ils excellent. Un dialogue savoureux, un rythme soutenu et des seconds rôles impeccables confèrent à cette comédie de haute facture un charme indéniable avec toutefois de subtils messages en filigrane…
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