L’Ordre et la morale
France : 2010
Titre original : L’Ordre et la morale
Réalisateur : Mathieu Kassovitz
Scénario : Mathieu Kassovitz
Acteurs : Mathieu Kassovitz, Iabe Lapacas, Malik Zidi
Distribution : UGC Distribution
Durée : 2h16
Genre : Action, Historique, Drame
Date de sortie : 16 novembre 2011
Globale : [rating:4.5][five-star-rating]
Enfin de retour en France, Mathieu Kassovitz signe une œuvre forte, frontale entre film de guerre et cinéma politique où la raison d’Etat déraisonne à tout va. Inspiré du massacre de la grotte d’Ouvéa en Nouvelle-Calédonie, ce nouvel opus de l’auteur de La Haine est une réussite majeure.
Synopsis : Entre les deux tours des présidentielles de 1988, la France ne vit qu’à l’heure des otages du Liban. En Nouvelle-Calédonie, les indépendantistes kanaks ont séquestrés une trentaine de Français dans la désormais célèbre grotte d’Ouvéa. Le capitaine Legorgus, du GIGN est envoyé sur place comme négociateur. Il est rapidement pris dans un étau entre l’armée qui n’a rien à faire là et les ministres qui jouent la politique de l’autruche. Son opiniâtreté n’empêchera pas le bain de sang…
Déraison d’Etat
Dix ans qu’on attendait ça ! Quatorze même, tant on ne peut cautionner ce dérapage pré-hollywoodien qu’étaient Les Rivières pourpres dans la filmographie de Mathieu Kassovitz. Deux opus tournés outre-Atlantique lui ont peut-être permis d’acquérir quelque savoir-faire cinématographique mais on en doute, ses deux meilleurs films (La Haine et surtout Assassin(s)) ayant en leur temps témoigné d’une virtuosité certaine de ce trublion tout de même couronné à Cannes et aux Césars.
Revoici donc « Kasso » dans l’Hexagone. Avec un vrai film hexagonal. D’entrée de jeu, une affiche au titre aussi choc que la photo. Un militaire assis, la tête dans ses mains tenant le drapeau tricolore qui traîne par terre et comme écrasé par les deux concepts du titre. Sacrilège absolu, vous diront les gogos en kaki pourtant jamais en reste dès qu’il s’agit de souiller tous les beaux principes dont on leur a bourré le crâne. Cet homme est seul contre tous. Sans être pour autant un héros. Ou tout au moins en ayant cessé de l’être avant même de l’avoir été.
La grande réussite du film de Kassovitz tient dans cette volonté affirmée de bannir toute forme d’héroïsme. En s’attribuant le rôle principal, le cinéaste consolide cette humanité, cette humanisme même qui avaient déjà fait mouche dans Amen de Costa-Gavras et qui baigne ici le propos. Le Héros très discret de Jacques Audiard se fait le porte-parole (plus que l’étendard, mot qu’il dit détester : comme on le comprend !) d’une minorité mais sans sombrer dans le manichéisme, laissant aux parties en opposition le droit à la parole.
Toujours frontal (comme en témoignent d’ailleurs de nombreux plans serrés de visages), Kassovitz va utiliser tout l’attirail de la diatribe politique et du film de guerre antimilitariste. Ainsi le débat Mitterand/Chirac avant le second tour des présidentielles de 1988 et qui ici finit en authentique dialogue de sourds. Ainsi les scènes fictionnelles où intervient le ministre des DOM-TOM de l’époque. Ainsi quelques phrases choc (« La vraie guerre est à Paris », « Parfois il n’y a pas d’autre moyen que la mort d’un homme pour rétablir l’ordre et la morale », « Il y a les objectifs d’un côté, les méthodes de l’autre »). Tout cela sans tomber dans la caricature ni la démagogie. La caméra toujours virtuose va explorer tous les recoins de cette imposture de l’Histoire.
La mise en scène épouse un voyage au bout de l’enfer dans un petit coin de paradis. Des plans aériens somptueux vont laisser la place, une fois les troupes à terre, à la boue (terrestre et politique) dans laquelle s’enlisent les protagonistes. Plus l’intrigue évolue, plus la caméra se fait psychotique pour, au moment de l’assaut, devenir carrément subjective (en épousant le point de vue du capitaine). Mais à bien y regarder, le tout premier plan ne laisse même pas de chance aux décors exotiques de plages de sable fin. Dans un plan séquence en rewind, le déterminisme tragique de cette boucherie s’impose d’office autant que son réalisme historique. Plus de « jusque là tout va bien » comme dans La Haine mais plutôt « Dès à présent tout va mal ». En ce sens, L’Ordre et la Morale dépasse, politiquement parlant, largement le cadre de la petite grotte du Pacifique…
Résumé
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=RQrHwoWGDfc[/youtube]
Malgré que ce film soit très bien réalisé, il s’agit d’un film fortement « partisan, manichéen et manipulatoire » comportant une pléthore de mensonges. Il ne retrace et ne respecte en aucun cas la vérité historique (contrairement à ce qu’affirme continuellement Kassovitz).
Ce réalisateur, en réécrivant l’histoire, salit l’honneur et la mémoire des 4 gendarmes assassinés à Fayaoué et des militaires tombés lors de la libération des otages. Un comportement inacceptable.
Concernant Legorjus, ancien capitaine du GIGN, il a perdu toute crédibilité auprès de ses hommes et de l’armée suite à cette affaire. Il faut savoir que ce dernier, contrairement à ce qu’on voit dans le film, n’a jamais participé aux deux assauts, et une fois sorti de la grotte, il n’y remettra plus jamais les pieds… D’ailleurs, l’ensemble des anciens du GIGN parlent à son égard d’une « erreur de casting ».
Le capitaine Barril, affirme, dans son ouvrage « Guerres secrètes à l’Elysée’ », (pages 296 et 297) que : « Philippe Legorjus s’est fait capturer bêtement …. il a réussi ce que nous (lui et Prouteau) avions toujours su éviter : faire prendre des gendarmes en otages. »
Philippe Legorjus est un homme qui dit tout et son contraire. Son témoignage n’est en aucune manière fiable.
Voici le témoignage de Jean Bianconi :
http://www.gazetteinfo.fr/2011/11/23/jean-bianconi-veut-en-finir-avec/
et celui de deux anciens du GIGN :
http://www.gazetteinfo.fr/2011/11/23/lordre-la-morale-des-anciens-du/
Par ailleurs, cette présentation de tous les Kanaks (preneurs d’otages) comme n’étant ni des sauvages, ni des terroristes, mais juste » des pères de familles » me dérange fortement. Kassovitz nous les présente beaucoup trop comme de braves types, qui ne voulaient tuer personne : « on a juste affaire à des types qui se sont mis dans la merde ». Le ton est donné dès le départ…
Et ceci explique pourquoi Kassovitz a omis intentionnellement de reprendre dans son film les conditions de détention des otages (simulacres d’exécution…). C’est une honte de négliger ce traitement barbare qui a été infligé aux otages. Tout cela dans un seul but : éviter de ternir l’image de « gentils » ravisseurs.
Je tiens à préciser que tous les preneurs d’otages ne sont pas à mettre dans le même panier : il y a certains Kanaks qui ont été entraînés dans cette galère, et ses conséquences qu’ils ne voulaient pas, des braves types en fait.
Entraînés par qui ? Par des fous, des illuminés dont Alphonse Dianou. Rappelons quand même que ce dernier, après avoir tiré dans le dos de l’adjudant chef Moulié désarmé, l’a froidement achevé à l’arme blanche (d’ailleurs il s’en vantera à plusieurs reprises : confirmé par le rapport de la Ligue des droits de l’homme).
Dans le film, le portait dressé d’ A. Dianou est totalement à l’opposé de cette vérité. Pendant l’attaque de le gendarmerie, on le voit comme figé, comme s’il était dépassé par les événements, quel MENSONGE monsieur Kassovitz et vous le savez puisque vous avez soi-disant lu le rapport de la Ligue des droits de l’homme… Ce dernier présente A. Dianou comme un homme instable, incohérent et de très excité. Pas ce personnage que vous ne présentez… Je pourrais encore parler longuement sur toutes ces contre-vérités que comporte ce film.
Plus troublant encore. Je me suis procuré le rapport de La ligue des droits de l’homme sur lequel Kassovitz affirme s’être fortement appuyé. Après une étude approfondie de ce document, je constate que Kassovitz a écarté un certain nombre d’éléments qui discréditent sa vision des événements…
Bref ce film n’est qu’une pure fiction. Kassovitz en ne prenant pas en compte les témoignages de tous les protagonistes de cette affaire, et à fortiori, à préférer la polémique à la vérité historique, fait un véritable bide avec ce film. Oui c’est un gros échec. Et cela est dommage, il est passé à côté de quelque chose et il va s’en mordre longuement les doigts…