Le Hobbit : Un voyage inattendu
États-Unis, Nouvelle-Zélande : 2012
Titre original : The Hobbit: An Unexpected Journey
Réalisation : Peter Jackson
Scénario : Peter Jackson, Philippa Boyens, Frances Walsh, Guillermo del Toro d’après J.R.R. Tolkien
Acteurs : Ian McKellen, Martin Freeman, Richard Armitage
Distribution : Warner Bros. France
Durée : 2h45
Genre : Fantastique, Aventure
Date de sortie : 12 décembre 2012
4/5
On a vu le film le plus attendu depuis dix ans. Énoncé en ces termes cela fait un poil prétentieux et pourtant ! Si vous aussi vous placez la trilogie du Seigneur des anneaux dans vos films de chevet, vous devez comprendre l’attente fébrile suscitée par cette sortie. Le temps béni où vous guettiez fébrilement le mois de décembre d’une année à l’autre, transformant votre séance ciné en rendez-vous quasi-religieux. Le projet a connu bien des déboires, mais ça y est le film sort enfin mercredi prochain. Avions-nous raison de l’attendre ?
Dans Un Voyage Inattendu, Bilbon Sacquet cherche à reprendre le Royaume perdu des Nains d’Erebor, conquis par le redoutable dragon Smaug. Alors qu’il croise par hasard la route du magicien Gandalf le Gris, Bilbon rejoint une bande de 13 nains dont le chef n’est autre que le légendaire guerrier Thorin Écu-de-Chêne. Leur périple les conduit au cœur du Pays Sauvage, où ils devront affronter des Gobelins, des Orques, des Ouargues meurtriers, des Araignées géantes, des Métamorphes et des Sorciers…
Un gros travail d’écriture
Le problème du Hobbit est inversement proportionnel au Seigneur des Anneaux. Si dans ce dernier il fallait tailler dans la masse pour extraire de ces gros bouquins trois films digérables, dans Le Hobbit on est en revanche face à un tout petit roman de 300 pages qu’on annonce en trois films. Autant l’avouer tout de suite il va être difficile de dire ce que Peter Jackson et son équipe nous ont concocté pour la suite. Le premier opus occupe en fait une bonne moitié du roman original et pioche déjà dans les fameux appendices du Seigneur des Anneaux (le conseil Blanc, le Nécromancien, Radagast…). Mais s’il y a un gros point positif à tirer de cela c’est qu’après la première partie de cette nouvelle trilogie, le réalisateur s’accorde toute notre confiance pour la suite, et bien au delà. Il réussi en effet à donner de l’envergure à une histoire plutôt légère à la base en introduisant de vrais enjeux et de vrais ennemis, toujours dans un univers fouillé à l’extrême et cohérent.
Nouveaux héros, nouvelle histoire ?
Commençons d’abord par les points d’ombre afin de ne point être considérés comme de vils fanboys (que nous sommes !) sans aucun objectivisme ! Le premier bémol est inhérent au roman : Tolkien a voulu Le Hobbit comme un livre pour ses enfants, sans se douter qu’il allait devenir un vrai brouillon du Seigneur des Anneaux. Pour cette raison il ne faut pas être étonné de trouver des thèmes très semblables dans les deux œuvres, jusqu’à des idées exploitées par le deuxième mais initiées par le premier. Ensuite, si le livre se veut moins adulte que la trilogie, cela a été traduit à l’écran par des blagues plus ou moins réussies. Certains nains sont clairement là pour rajouter des touches de gaudriole et même Gandalf semble beaucoup plus taquin, sans compter Radagast voulu comme un personnage plutôt léger dans son apparence comme dans son moyen de locomotion (un traîneau porté par des lapins !). Ce n’est pas que ce côté comédie soit vraiment gênant, la plupart du temps il passe assez bien -et après tout Le Seigneur des Anneaux avait aussi ses gags- mais parfois il n’est pas très drôle et plombe un peu l’intérêt de ce qui est montré à l’écran, ou sert à faire du remplissage. Comme dans la trilogie, Peter Jackson a dû clairement développer des méchants pour que les enjeux dramatiques soient présents et pas simplement abstraits, comme Azog une sorte de super Orque voulant se venger de Thorïn. Martin Freeman apporte quand à lui une véritable plus-value au film, étant un acteur charismatique à la fois très second degré dans son humour pince-sans-rire mais également sensible. C’est vraiment un très bon choix.
Une claque inattendue
Vous vous rendrez surement vite compte que la structure de l’histoire est hyper similaire à La Communauté de l’Anneau. Les fans ne devraient pas s’en offusquer mais on voit clairement que l’enjeux est de raccorder le film à la trilogie par des liens clairs. Ainsi l’introduction racontée par Bilbon vieux en présence de Frodon est similaire au fameux Prologue « The Prophecy ». Et dés cette fameuse introduction le ton est donné : sublime et épique, elle constitue même un modèle du genre qui en quelques minutes va présenter les enjeux, certains nouveaux personnages, Smaug (entraperçu uniquement), dans une mise en scène virtuose où la caméra de Peter Jackson va voltiger au-dessus des décors comme il sait si bien le faire. Puissant ! Au delà de ça le réalisateur joue également sur la nostalgie dans toute la partie liée à la Comté, en cela le fan service est total.
Les nouveaux personnages sont habilement introduits. Thorïn est vraiment sensé incarner l’équivalent d’Aragorn dans cette nouvelle trilogie : le roi qui cherche à reprendre son royaume, l’homme au lourd passé, la classe internationale et une éloquence hors du commun. Niveau nains, comme on peut le penser il a été difficile d’accorder un rôle de poids à chacun (quoique les deux autres films devraient avoir le temps de développer ces personnages). Certains sont des sidekicks quand d’autres sont déjà mis en avant : Kili/Aidan Turner (que la gent féminine devrait apprécier), Balin/Ken Scott (le conseiller) et Bofur/James Nesbitt au centre d’une jolie scène. Et puis le retour de Gollum/Andy Serkis, nous prouvant encore comment cette créature peut être émouvante, complexe et combien son interprète est génial.
Maintenant laissons totalement parler le fan : la direction artistique est bluffante -les géants de pierre juste sublimes- c’est dynamique et pêchu (envolées lyriques, mouvements de caméra, gigantisme) et contrairement à ce qu’on pouvait penser au départ, à cause du roman, c’est épique à souhait, le tout sublimé par le score époustouflant de Howard Shore ! Le scénario suit le livre quand il faut et sait s’en écarter à raison (on attend désormais tout le développement lié au Nécromancien et à Dol Guldur), les personnages sont hyper charismatiques, le spectacle est total. Dommage que la 3D ne serve pas à grand chose comme souvent… Le Hobbit constitue donc une excellente introduction au Seigneur des Anneaux.
À propos du fameux format HFR : 50 salles en France proposent de voir Le Hobbit dans un nouveau format HFR (pour High Frame Resolution) en 48 images par seconde et nous avons testé la chose a posteriori, la projection presse n’ayant pas eu lieu dans ces conditions. Et le moins que l’on puisse dire c’est que l’on assiste à une expérience déroutante. Déjà la 3D, quasi gadget en 24 im/s classique se révèle totalement essentielle et surtout sans mal de crâne, le niveau de détails de chaque plan étant hallucinant et jubilatoire. Il y a en revanche deux problèmes à noter dans cette innovation. Le premier est technique et donne l’impression que le film est tourné en accéléré ce qui vaudra une adaptation de votre cerveau pour le voir à la bonne vitesse (comptez une bonne demi-heure), et perdant de la fluidité dans les scènes d’action du début. Le second est plus métaphysique et touche le fameux « quatrième mur » du théâtre, à savoir que tout paraît tellement réaliste qu’on croirait que les acteurs jouent les scènes devant vous et pas au travers d’un écran. Le caractère fantasmé du cinéma en prend donc un coup en annihilant certains enjeux dramatiques : en clair on y croit tellement qu’on a parfois du mal à rentrer dedans (psychologique et contradictoire certes !). Et puis le HFR est plus casse gueule dans la mesure où le niveau de détails est indécent et plutôt flatteur pour votre rétine, tous les défauts sont d’autant plus flagrants ! Au bénéfice de l’équipe du film, il y en a assez peu au final et les effets numériques sont très bien gérés. On vous recommandera donc de préférer la 2D si vous comptez le voir en 24 im/s et ensuite, si vous avez aimé le film, de peut-être retourner le voir dans ce format. Il y a en effet fort à parier que cette technologie sera de plus en plus usée dans les années à venir. Et puis surtout c’est une sacré expérience, même si le débat est ouvert : trop de réalisme, est-ce vraiment utile au cinéma ?
Résumé
Si Le Hobbit nous aura fait sacrément peur à cause de critiques américaines peu élogieuses et du bouquin peu épique, Peter Jackson aura réussi en un film à nous rassurer, livrant une œuvre cohérente et magistrale qui ne peut qu’être comparée à La Communauté de l’Anneau. Si le voyage qui nous attend est aussi génial que ce premier opus, cela va être très dur de patienter un an !