Berlinale 2016 : L’Avenir (Prix de la mise en scène)

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L’Avenir

France, Allemagne, 2016
Titre original : –
Réalisateur : Mia Hansen-Løve
Scénario : Mia Hansen-Løve
Acteurs : Isabelle Huppert, André Marcon, Roman Kolinka, Edith Scob
Distribution : Les Films du Losange
Durée : 1h42
Genre : Drame
Date de sortie : 6 avril 2016

Note : 3/5

Contrairement à son habitude très louable de soutenir des réalisateurs débutants lors de leurs premiers pas derrière la caméra, Isabelle Huppert fait équipe pour le premier film français en compétition au 66ème Festival de Berlin avec Mia Hansen-Løve, qui en est déjà à son cinquième long-métrage. Elle reste cependant fidèle au genre de rôle qu’elle interprète à la perfection : celui d’une femme passablement névrosée, qui essaye de s’en sortir dans son quotidien étouffant jusqu’à ce qu’elle sombre ou bien qu’elle renaisse de ses cendres. Le titre du film est à ce niveau assez révélateur, puisqu’il a beau évoquer la vie future des personnages, celui de Huppert est le seul à ne pas réellement tirer son épingle du jeu. La liberté nouvellement acquise suite à divers changements familiaux n’y est pour cette femme ambitieuse qu’un leurre parce que, tristement, il devient de plus en plus difficile de se réinventer à cet âge-là. Au moins, le ton de L’Avenir reste suffisamment détaché du sort de cette prof en pleine crise pour y voir aussi le côté absurde de sa vie, qui se dérègle à vue d’œil.

Synopsis : Nathalie s’épanouit pleinement dans son travail d’enseignante. A côté de ses activités scolaires, elle écrit des manuels philosophiques. Seuls les appels incessants de sa mère de moins en moins autonome dérangent son quotidien parfaitement maîtrisé. Les retrouvailles avec son ancien élève Fabien, qui a lui aussi choisi une profession pédagogique mais qui reste campé sur ses convictions révolutionnaires, déclenchent une série d’événements qui mettra la vie de Nathalie sens dessus-dessous. Et si – à cinquante ans passé – elle aura la chance de pouvoir recommencer à zéro, sans ses enfants, ni son mari, avec lesquels elle a vécu depuis si longtemps ? Cette possibilité inattendue n’est cependant pas exempte de côtés plus déplaisants, comme la solitude.

La boîte de Pandore

Admettons-le, c’est le nom du chat, noir et obèse, qui nous a soufflé l’idée de l’intitulé de ce premier paragraphe de notre critique. Il convient parfaitement à l’intrigue, ponctuée de bonnes ou de mauvaises nouvelles, qui auront chaque fois un impact décisif sur la vie jusque là préservée de Nathalie. Cette dernière les subit plus qu’elle ne réagit avec enthousiasme à ces opportunités nouvelles. Son pragmatisme lucide lui permet certes d’affronter avec une certaine sérénité tout le mal qui lui arrive, mais au lieu d’être une cure de jouvence, son parcours s’apparente aux premières étapes du calvaire de la vieillesse. Le talent de Mia Hansen-Løve consiste alors à ne pas en faire un drame déprimant, voire à tourner en dérision la dépression qui peut aller de pair avec la fin de vie du côté de la mère du personnage principal, interprétée avec sa grâce acariâtre habituelle par Edith Scob. Toutefois, quel que soit l’élément perturbateur qui vient déranger la routine de Nathalie, ce sont davantage des choses qui disparaissent de son cadre de vie confortable que de nouvelles pistes qui s’y esquissent. Le seul génie à sortir de sa lampe pendant cette période de turbulences accumulées serait Fabien, un partenaire privilégié d’échanges théoriques, quoique trop jeune pour servir de béquille affective à cette femme en pleine perte de repères.

Une carapace intellectuelle

Sa bouée de sauvetage primordiale n’est donc pas une personne en particulier, mais son activité professionnelle de membre éminent de l’intelligentsia française. Sauf que cette reconnaissance montre, elle aussi, rapidement ses limites, à la fois parce que la philo n’est franchement pas une discipline très demandée et surtout en raison des mécanismes de réflexion que Nathalie a peaufinés au fil du temps. Sa supériorité intellectuelle supposée l’a en quelque sorte coupée des réalités du monde, comme si les besognes de ce bas monde ne pouvaient jamais rivaliser avec une dissertation sur les grands esprits de l’humanité. Il y a bien sûr une part de vérité dans ce constat, mais l’ambition fascinante de L’Avenir consiste précisément à démontrer qu’il faudrait un peu de tout pour s’épanouir dans la vie. A l’image de la plupart des personnages qu’Isabelle Huppert interprète dans ses autres films, cette prof engagée se distingue par sa sécheresse, ainsi que par un refus catégorique des plaisirs charnels, évoqué lors d’une séquence étrange de drague maladroite dans un cinéma qui passe Copie conforme de Abbas Kiarostami. Tout le dilemme de Nathalie se trouve peut-être là, dans cette incapacité quasiment viscérale de lâcher prise pour profiter pleinement du cadeau en fin de compte empoisonné de la liberté.

Conclusion

Un grand merci à Mia Hansen-Løve pour cette belle parenthèse française dans la compétition berlinoise ! Isabelle Huppert y est simplement sublime, trouvant constamment le ton juste pour exprimer le casse-tête existentiel de cette femme trop cérébrale. Or, L’Avenir n’est nullement un film à thèses, qui se contenterait de voir les préoccupations contradictoires du personnage central s’entrechoquer. C’est au contraire un portrait au féminin passionnant, sans fausse pudeur, ni complaisance.

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